L’Allemagne ne mérite pas Edward Snowden

La commission d’enquête du Bundestag a décidé à l’unanimité d’interroger le lanceur d’alerte. Tout en voulant imposer des conditions irrespectueuses vis-à-vis de Snowden.

L'Allemagne traite Edward Snowden avec un manque de respect flagrant. Foto: Eliza Does / Wikimedia Commons

(KL) – Lorsqu’il s’agit d’Edward Snowden, l’Allemagne se comporte, pour le moins, étrangement. La commission d’enquête du Bundestag a voté à l’unanimité une motion disant qu’il convient d’entendre Snowden au sujet du scandale NSA. Mais malgré cela, la politique tente la quadrature du cercle. On veut entendre Snowden, on veut mettre la main sur ses documents (dont, selon des estimations, seulement 10% auraient été portées à la connaissance du public), mais on ne veut rien faire pour lui. Au lieu de cela, le président de la commission propose des formats qui sont tellement irréalistes qu’ils frôlent le ridicule.

Patrick Sensburg (CDU), président de cette commission, a trouvé la solution. «On pourrait entendre Snowden à Moscou, dans une ambassade d’un tiers pays», propose-t-il, tout content de cette solution qui permettrait à Angela Merkel de ne pas se froisser avec son pote Obama. Une ambassade à Moscou ?! «La Suisse dispose d’excellentes technologies de sécurité dans son ambassade à Moscou», dit Sensburg et cela relève du voeux pieux. Est-ce que nos dirigeants pensent réellement qu’en 2014, une transmission vidéo entre Moscou et Berlin puisse être sécurisée ? Est-ce que nos dirigeants n’ont vraiment rien compris à l’étendue de cette écoute globale ?

L’attitude allemande relève du cynisme. Oui, on veut avoir les informations dont dispose Edward Snowden. Oui, on a compris que le scandale NSA n’aurait jamais été publié sans l’apport d’Edward Snowden. Oui, en théorie, on reconnaît que Snowden a ainsi fait une contribution exceptionnelle à la conscience mondiale. Oui, on veut en savoir plus. Mais le mieux serait qu’il envoie une clé USB au Bundestag – après, il peut disparaître.

Pour commencer, rien et personne ne peut obliger Edward Snowden à divulguer ses informations au gouvernement allemand. Il peut parfaitement continuer à publier ses information au compte-gouttes par le biais des médias avec lesquels sont équipe travaille déjà. Donc, ce n’est pas à Edward Snowden de se conformer aux souhaits allemands, mais c’est aux Allemands de demander poliment à Snowden s’il veut bien partager ses informations. Demander à Snowden de courir des risques pour sa sécurité à Moscou parce que la chancelière ne veut pas embêter ceux qui espionnent de manière totalement anti-éthique le monde entier, est ridicule. Snowden n’est pas un criminel que les autorités allemandes peuvent citer à comparaître.

Cela, Patrick Sensburg n’a pas encore compris. De manière passablement énervée, il a expliqué que cette situation n’était pas une liste de mariage où on pouvait choisir ce qui nous plaît. Comprendre : Snowden devra accepter le format que nous lui proposons. Erreur. Snowden n’est pas obligé d’accepter quoi que ce soit. L’Allemagne ne peut que lui faire des proposition et c’est lui qui décidera.

L’arrogance allemande va jusqu’au point où la commission d’enquête du Bundestag ne voudrait pas l’entendre par vidéo depuis l’ambassade allemande à Moscou – de peur qu’il pourrait y demander l’asile politique. L’entendre sur le sol allemand ? Pour Patrick Sensburg, c’est «njet». Si Snowden mettait un pied sur le sol allemand, «il faudra compter sur une procédure d’extradition vers les Etats-Unis dès qu’il quitte l’avion.» On aurait envie de conseiller à Edward Snowden de laisser l’Allemagne dans l’ignorance et de partager ses informations avec des pays qui le méritent.

Et on finit par se poser la question pourquoi on négocie encore une TTIP sur les libres échanges avec les Etats-Unis. L’Allemagne montre clairement que ce n’est plus le gouvernement allemand à Berlin qui décide de la politique allemande, mais Washington. Ecoeurant.

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