« L’apaisement ne naît pas du silence »

L’ouvrage « La face cachée de Pierre Pflimlin » de Claude Mislin est un ouvrage exceptionnel. Avec précision, l’auteur relate les débuts de la carrière politique de Pierre Pflimlin.

"La face cachée de Pierre Pflimlin" n'est pas un livre accusateur, mais un ouvrage qui ouvre la voie vers une analyse scientifique de l'époque nazie en France. Foto: Eurojournalist(e)

(KL) – Il y a de bons livres, il y a de mauvais livres. Il y a des livres qui nous plaisent, il y a des livres qui nous ennuient. Et après, il y a les livres importants. « La face cachée de Pierre Pflimlin » de Claude Mislin fait partie de cette dernière catégorie. Sans chercher le « scoop » facile, Mislin retrace les débuts politiques de l’ancien maire de Strasbourg, ministre à 18 reprises, président du Parlement Européen Pierre Pflimlin qui se sont situés dans une extrême-droite alsacienne et française, avant que Pflimlin ne travaille pour le régime de Vichy. Et pourtant, ce livre ne cherche pas à accabler le personnage, mais il s’agit d’un travail de journaliste qui rouvre le débat important sur l’Alsace politique à la veille et pendant la IIe Guerre Mondiale. Il est grand temps de (re-)lancer ce travail scientifique sur une époque que d’aucuns préfèrent taire. Mais il ne faut pas taire cette époque, il faut en parler pour mieux la comprendre et, si possible, éviter que l’Histoire se répète. Dans cette perspective, Claude Mislin propose une contribution inestimable à ce débat qui, 80 ans après les faits, doit enfin être mené.

Le jeune Pierre Pflimlin a passé ses débuts politiques dans des formations royalistes et d’extrême-droite, comme les Jeunesses patriotes et autres, il était proche du « Bauernbund » de Joseph Bilger (qui lui, fut condamné après la guerre à 10 ans de travaux forcés), avant de commencer à travailler pour l’administration vichyste. Pendant ses trois ans passés comme juge d’instruction à Thonon-les-Bains, il était amené à juger de nombreux Juifs qui avaient tenté de rallier la Suisse. Claude Mislin est fair-play, en citant des sources qui relatent que les verdicts prononcés par cette cour et Pierre Pflimlin, étaient relativement cléments. Mais il pose aussi la question si le fait de juger des Juifs pour la seule raison qu’ils étaient Juifs, ne constitue pas déjà une transgression de toute règle humaine. Toutefois, Mislin se garde de tout jugement et laisse le soin au lecteur de se forger une opinion.

Le fait que Pierre Pflimlin ait toujours préféré taire ses engagements politiques d’avant-guerre, a contribué à pérenniser les rumeurs. Ce n’est pas pour rien que la conclusion de cet excellent ouvrage soit intitulée « L’apaisement ne naît pas du silence » ; le fait d’avoir occulté les longues années de la carrière politique de Pierre Pflimlin d’avant-guerre, n’a en rien contribué à démarrer un travail scientifique en France sur les années 1926 à 1945, pourtant nécessaire.

Le plus grand mérite de ce livre réside dans le fait que Claude Mislin tente de relancer un débat qui, surtout aujourd’hui, à une époque de grandes errances politiques, est plus que jamais nécessaire. Il ne s’agit pas de pointer quelqu’un du doigt, et certainement pas Pierre Pflimlin dont les mérites politiques et européens sont répétés dans le livre. Claude Mislin donne la bonne réplique au personnage imaginé par le grand Germain Muller dont le célèbre « redde mer nimm’ davun » était la mauvaise approche. Aujourd’hui, il s’agit d’analyser, de comprendre et de faire en sorte à ce que les horreurs du siècle dernier ne puissent se répéter. Le livre de Claude Mislin contribue à la relance de ce débat et l’Alsace lui doit une fière chandelle…

La face cachée de Pierre Pflimlin
Editions La Nuée Bleue
168 pages, 22 €
ISBN 978-2-7165-0909-1

2 Kommentare zu « L’apaisement ne naît pas du silence »

  1. Georges Yoram Federmann // 15. Oktober 2021 um 8:25 // Antworten

    Merci pour cette critique incisive qui pousse à réfléchir.
    Elle me fait penser à cet adage de Brecht : ” L’ homme est bon, mais le veau est meilleur”

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