Laura Codruţa Kövesi au Bureau du Procureur Général Européen

Lutte contre la fraude dans l’UE

Liviu DRAGNEA Foto: Partidul Social Democrat / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Oui, elle doit diriger le BPGE ! La championne roumaine de la lutte anti-corruption mène le sprint pour la direction du futur Bureau du Procureur Général Européen (BPGE). Mais Bucarest veut empêcher sa nomination. Quoi d’étonnant !

L‘ancienne directrice du DNA , révoquée en juillet 2018 par Liviu Dragnea et son gouvernement PSD (« social-démocrate »), se trouve sur la short list, avec 2 autres magistrats, pour diriger ce Bureau, appelé aussi Parquet européen. Ce Parquet est en somme le pendant pénal, formé à partir de novembre 2017, de l’Office de Lutte Anti-Fraude (l’ OLAF). Cet organisme européen combattra la grande criminalité transfrontalière nuisant au budget de l’Union européenne. 22 Etats seulement de l’UE ont décidé d’y participer. Il commencera ses activités vers la fin de 2021, et sera basé à Luxembourg.

Le gain sera essentiellement un gain de temps : plus besoin de passer par de longues procédures de coopération, parfois douteuses d’ailleurs en certains pays (comme la Roumanie, précisément). L’Europe subit les activités de groupes criminels, qui lui nuisent gravement : en 2015, des fraudes massives au niveau du continent lui ont coûté 638 millions d’euros ! Ce Bureau fonctionnera (en principe…) de manière totalement indépendante.

Alors, on comprend bien pourquoi, en Roumanie, le gouvernement cherche à empêcher l’accession de Laura Codruţa Kövesi à la tête de l‘EPPO. Depuis 2 ans, Laura Kövesi, cette magistrate à la probité et à l’efficacité impressionnantes a dû se battre pour défendre cette admirable institution qu’est la DNA (Agence de lutte contre la Corruption), contre les mesures d’obstruction et les tentatives d’éviction provenant essentiellement du parti régnant, le PSD. Elle a perdu, hélas : le 9 juillet dernier, le PSD a réussi à la faire remplacer par une magistrate fantoche, malgré le président de la République, Claus Iohannis, issu d’un autre parti. Pour le principe, Laura Kövesi a porté l’affaire devant la justice.

La partie n’est pas facile pour elle. Elle a affaire à ce PSD qui a récolté les miettes du pouvoir de Nicolae Ceausescu, en 1990, et plus précisément, au trio Violica Dancila -Tudorel Toader – Liviu Dragnea. La première, occupant le poste de premier ministre, n’est pas bien méchante. Elle est seulement originaire de la même région que Dragnea, le district de Teleorman, si vous voyez c’que j’veux dire (clic clic). Son gouvernement se compose d’ailleurs de personnages de l’entourage rapproché de Liviu Dragnea, actuellement Président de la Chambre (c’est-à-dire du Parlement). Et principalement du ministre de la Justice, Tudorel Toader, qui a tout fait pour éjecter Laura Kövesi de son poste à la direction de la DNA. Et qui y est parvenu.

Le personnage clé dans cette affaire, c’est évidemment Liviu Dragnea. Président du PSD depuis juillet 2015,âgé de 55 ans, il entre dans la politique en 1996. Originaire du sud du pays, près de la frontière bulgare, il y possède un nombre respectable d’entreprises, avec certains membres de sa famille. Il devient ministre de l’Intérieur en janvier 2009, mais il démissionne très vite, sans doute parce qu’il refuse la pression d’un membre éminent du Parti, qui veut le contraindre à prendre l’une de ses… connaissances pour secrétaire d’État. En 2012, il est député de sa région, le judeţ de Teleorman, puis ministre du Développement régional et de l’Administration publique – un poste important, puisqu’il décide de la répartition des subventions (notamment européennes…) dans les régions. Jusqu’à décembre 2014, il est l’un des 3 vice-premiers ministres de Victor Ponta.

Première casserole : en mai 2015, les fraudes électorales qu’il a fricotées en 2012 lui valent un an de prison avec sursis. C’est pas de ma faute, dit-il. Mais cela ne l’empêche pas de devenir président du PSD à l’automne 2015. Bien au contraire, est-on tenté de dire… En avril 2016, l’année de prison avec sursis est doublée en cassation : 2 ans avec sursis. Et cela ne l’empêche pas de devenir président de la Chambre des Députés, en décembre 2016 ! Il se verrait bien au poste de premier ministre, mais la législation l’en empêche. Il s’arrange donc pour faire voter, en janvier 2017, un assouplissement des règles anti-corruption adoptées par le gouvernement précédent. Mais l’une des qualités du peuple roumain, c’est qu’il est très réactif, contrairement à ce qu’on dit parfois : les magouilles de Dragnea et du gouvernement Grindeanu suscitent de gigantesques manifestations qui feraient rire jaune même certains Gilets.

Autres casseroles, lourdes et accablantes : en juin 2018, la Haute Cour de cassation le condamne à 3 ans de prison ferme pour abus de pouvoir. Et l’OLAF, précisément, le suspecte fort d’avoir utilisé la société Tel Drum (basée à Teleorman…), une société de BTP, pour détourner quelque 21 millions d’euros. Voilà qu’on se rapproche de la DNA : celle-ci, en effet, a ouvert une enquête en novembre 2017 pour fraude concernant des fonds européens.La Tel Drum a été privatisée en 2001, quand Dragnea était président du conseil du judeţ de Teleorman. Nous avions consacré un article d’Eurojournalist(e) à cette histoire rocambolesque en novembre 2018. La révélation de l’affaire provient de l’excellent média d’investigation roumain Rise Project.
(article source : http://www.romania-insider.com/teleorman-leaks-suitcase-with-documents-related-to-big-fraud-case-in-romania-allegedly-found-by-peasant/)

Par ailleurs, ces tout derniers jours, Dragnea s’est avéré impliqué dans l’affaire « Snowball », une affaire de fraude de TVA sur la vente de tracteurs, au nombre de 193, et impliquant une association mafieuse à cheval sur la frontière bulgare… Le procédé, mis en œuvre entre 2012 et 2014, consistait à faire transiter les engins par la Bulgarie pour les importer ensuite en Roumanie pour de prétendus revendeurs, évitant ainsi l’acquittement de la TVA. Coût de l’opération pour l’État roumain : 1 million d’euros.

La société concernée, Proinvest, implique des proches de Dragnea. Très proches, même, comme par exemple Marian Fiscuci, Adrian Simionescu (longtemps président de la section régionale du PSD de Teleorman), et Florin Tunaru, un conseiller personnel de Dragnea qui, quelle heureuse idée, dirigeait une société nommée Contexpert, qui tenait la comptabilité de la Proinvest. Cette dernière était aidée par une entreprise bulgare, Fan Speed.

Voilà qui peut faire comprendre pourquoi Liviu Dragnea, dirigeant du PSD, président de la Chambre des Députés, malfrat politique plusieurs fois condamné en justice, n’aime pas trop Laura Codruţa Kövesi. Ni le futur BPE. Ni la première dirigeant le second.

Il faut, par conséquent, que le BPGE travaille dans les conditions les plus favorables. Il faut que Laura Codruţa Kövesi le dirige.

 

 

 

1 Kommentar zu Laura Codruţa Kövesi au Bureau du Procureur Général Européen

  1. HEMMERLÉ Pierre // 9. Februar 2019 um 15:10 // Antworten

    Dans le style, à quand un dithyrambique sur le salopard qui a été foutu à la porte d’une école de dessineux pour outrages aux moeurs et pornographie…
    À telle enseigne qu’une bibale pour lardons à Stbg la maudite l’a pris pour parrain.

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