L’avenir de l’Europe, la démocratie et les citoyens

Un débat de l’Association Parlementaire Européenne

La démocratie, le citoyen et l'Europe à l'APE : Ondrej Kovarik, Kai LIttmann, Anne Sander et Marine de Lassalle Foto: marcchaudeur/Eurojournalist(e)/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Hier soir s’est tenu un Débat qui posait les questions mêmes que nous nous posons sans cesse à propos de l’Europe et de son avenir. Ces question se résument à peu près en une seule, essentielle : comment inciter mieux les citoyens à participer à la vie politique des institutions de l’Union Européenne ? Et comment pourront-ils réellement y participer ?

Le format de ce Débat était original : des étudiants de l’Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg ont traité un certain nombre de questions qui se rattachent à celles mentionnées plus haut ; des ateliers visant à dégager ces questions avaient précédé la rencontre publique. Quatre intervenants ont repris l’interrogation : Anne Sander, députée européenne du groupe PPE ; Marine de Lassalle, professeure de Sciences politiques à Sciences Po Strasbourg ; Ondřej Kovařik, député européen tchèque du groupe centriste Renew Europe ; et Kai Littmann, notre bien-aimé rédac’ chef d’Eurojournalist et rédacteur indépendant à Médiapart.

Trois questions ont essentiellement été posées, donc. La première : celle de la participation ou de la faiblesse de la participation des citoyens aux élections européennes. A vrai dire, comme l’a bien précisé Marine de Lassalle, la participation est en forte hausse en Europe occidentale (8 points de plus qu’en 2014), mais elle stagne en Europe centrale et dans les Balkans. Comment donc encourager la participation des gens ? On connaît quelques causes de ce problème : des classes populaires « surreprésentées » (Madame de Lassalle), des préoccupations plus immédiates, et le sentiment d’une domination surplombante, l’UE, après la domination « communiste »…

A l’Ouest cependant, augmentation de la participation. Pourquoi ? Selon Kai Littmann, le Brexit, la puissance de la Chine et des Etats-Unis,la question du climat aussi ont clairement mis le doigt sur le fait que rien n’est plus possible, en face de ces grandes puissances, sans la force de l’Europe unie ; les citoyens prennent toujours davantage conscience des défis mondiaux.

Que peuvent faire les institutions européennes pour défendre la démocratie ? Voilà la deuxième question. Se pose un problème institutionnel : celui de la faiblesse du Parlement Européen. D’où proviennent ses dysfonctionnements ? En décembre, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a proposé de conférer au Parlement un droit d’initiative législative. Anne Sander a répondu à cela qu’en réalité, il fallait distinguer les progrès réels réalisés en ce sens depuis quelques années et la manière dont on communique sur le PE. Le Parlement est co-législateur en certains domaines, déjà. Mais certes, la situation n’est pas encore satisfaisante.

Il faudrait aussi démocratiser toute une série d’institutions : la Banque Centrale Européenne, par exemple… En ce sens, Madame de Lassalle évoque le Traité de démocratisation de l’Europe rédigé par Piketty, Vauchez, Sacriste, Bouju, Chancel et d’autres : ce texte préconise notamment une imposition plus équitable dirigée vers les gagnants de la globalisation. Une lecture qui s’impose, en effet (disponible sur internet).

Par ailleurs, comment faire aimer l’Europe ? Non pas en faisant aimer ses institutions, comme l’a bien dit Ondřej Kovařik : trop difficile, trop abstrait. Comme on sait, on a essayé de le faire en proposant des Spitzenkandidaten et des listes transnationales. Anne Sander évoque ces deux semi-échecs : les Spitzenkandidaten, c’était bien sur le papier ; mais le moment venu, ils n’ont plus été soutenus par leurs groupes… Pour les listes nationales, estime Madame Sander, le temps n’est pas venu : les citoyens ont besoin de proximité avec leurs élus ; et ils regrettent souvent les listes régionales de naguère : « On n’a plus de député européen », disent souvent les gens…

Reste une belle initiative d’Ursula von der Leyen : cette Conférence sur l’Avenir qui inclura des jeunes et durera 2 ans, à partir de mai 2020. Qu’en sortira-t-il ? On ne sait. On sait seulement que les Conférences citoyennes sur l’Europe de 2017 n’ont rien donné…

Enfin, troisième question : qu’en est-il du rôle des médias dans la construction de la démocratie européenne ? Kai Littmann a répondu de façon à la fois ardente et circonstanciée à cette interrogation brûlante. Comment susciter l’intérêt des électeurs pour l’actualité européenne ? En réalité, le problème est à double sens ; élus et journalistes doivent tous deux travailler à améliorer les conditions dans lesquelles s’effectue la transmission d’informations. Kai Littmann donne l’exemple de l’European Science Media Hub : personne ne le connaît. Et pourtant, il contient 8 000 programmes scientifiques ! La transmission par le PE est très déficiente – et réciproquement, les journaux ne font souvent pas leur travail. Il y a nécessité urgente de former les jeunes journalistes, mais aussi… les élus ! S’ajoute à cela un obstacle plus politique : les élus en effet se servent trop souvent de leur poste pour faire de la politique nationale…

Alors, quelles menaces pour la démocratie dans l’information ? Kai Littmann estime que 90% des fake news proviennent des institutions, et non des journalistes : peu de journalistes se mettent à raconter n’importe quoi juste comme cela (claquement de doigts). L’information est trop souvent inféodée au politique : on connaît l’exemple actuel de « listes rouges » qui ostracisent les journalistes indépendants ; on a pu constater tout récemment aussi le phénomène des unes interchangeables  (même photo, même légende) ; on sait à quel point le cas du lanceur d’alerte Julian Assange est trop souvent passé sous silence. Etc ! On demande presse indépendante et relâchement de la pression politico-bancaire ! Dixit Kai Littmann.

Il y a donc du pain sur la planche. Mais les enjeux, le défi et les risques sont trop importants pour qu’on puisse se permettre de baisser la garde. Les jeunes étudiants présents et actifs à l’APE se mettront à la tâche : cela nous rend optimistes et nous fait aimer l’Europe plus que jamais.

 

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