L’Axe branlant

Egoïsmes nationaux et ligne politique

Horst Seehofer saluant à sa manière sa voisine de palier, Fräulein Hanftstaengl Foto: Harald Bischoff / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0

(MC) – La droite jubilait : on allait constituer un axe Berlin-Vienne-Rome, après l’élection de Matteo Salvini il y a quelques semaines. On s’entendait sur le renvoi et le non-accueil des migrants, et sous le patronage du grand compagnon de route Viktor Orbán, on s’apprêtait à construire une nouvelle Europe, enfin débarrassée des miasmes de la misère des autres. Au moment où Salvini était élu, on nageait ainsi en pleine euphorie.

Las ! Le terme Axe porte malheur, et les Pieds Nickelés de l’Europe, Kurzignol, Seebouldingue et Saloccardo, ne s’entendent plus ; ils se querellent, même, et leur querelle n’est pas prête de s’éteindre. L’occasion en a été – car ce n’aura été qu‘une occasion parmi d’autres – le projet concocté par le ministre Horst Seehofer et accepté grosso modo par la chancelière Angela Merkel. Il s’agit essentiellement de renvoyer 2000 migrants se faire voir par les Autrichiens ; mais les Autrichiens sont furieux. Il s’agit en réalité d’une innovation : les dits migrants étaient jusqu’à présent réexpédiés massivement en Italie, leur pays d’arrivée, en vertu du fameux Traité de Dublin. Les Italiens, emmenés aujourd’hui par Salvini et la Lega, n’en veulent plus.

C’est une plutôt petite chose que ces 2000 migrants ; mais cette affaire a été un déclencheur de conflits et une déformation de l’axe aujourd’hui branlant comme le pivot d’une dent cariée. Car comment le jeune chancelier autrichien d’extrême droite, Sebastian Kurz, pourrait-il accepter un tel paquet empoisonné ? Empoisonné pour son propre électorat… Dans l’entourage de Kurz, on parle donc déjà d’un rétablissement des frontières et des contrôles à Salzburg entre Allemagne et Autriche, et au col du Brenner entre Autriche et Italie.

« Si Berlin prenait une décision qui nuirait à l’Autriche, nous nous défendrions », a déclaré Sebastian Kurz après le malencontreux sommet des 28 et 29 juin derniers à Bruxelles. C’était 2 jours avant que l’Autriche prenne la présidence de l’Union Européenne pour les six mois à venir. Et depuis, l’ambiance n’a fait que s’envenimer. L’assurance par Kurz qu’il privilégiera encore une « solution européenne » à ce conflit plus ou moins larvé ne peut éveiller que le scepticisme des observateurs. Contradiction évidente de ce chancelier qui accentue la division européenne, avec ses voisins immédiats, qui plus est compagnons de route idéologiques, tout en exhibant une velléité de maintenir la cohésion et l’harmonie entre les pays membres de l’Union Européenne !

Les trois Pieds Nickelés se sont donc rencontrés à Vienne, jeudi dernier, dans l’intention d’accorder leurs flonflons sur ce qui leur paraît essentiel, à savoir la question des migrants. Mais ils n’ont rien accordé du tout, et ça grince et ça crisse, ça fait des flups et des slurfs, comme disait Jacques Brel. Ils s’en sont donc pris plutôt à Emmanuel Macron, en partie avec raison, lui reprochant « de leur faire la morale alors qu’(il) n’accueille de migrants qu’en nombre limité » (Sebastian Kurz). Il est vrai que la disproportion entre le nombre de migrants accueillis par l’Autriche et celui accueilli par la France est énorme .

A vrai dire, la base même des relations entre les grands pays européens est faussée : l’Allemagne et la France désirent essentiellement arrêter l‘entrée d’irréguliers déjà présents dans un pays de l’UE, mais pas chez eux. L’Autriche et l’Italie – et avant eux, leur grand-frère hongrois Viktor Orbán – veulent avant tout autre choses couper la route méditerranéenne, au besoin par les moyens les plus musclés.

Les relations entre ces pays importants de l’UE que mènent conservateurs et populistes deviennent d’ores et déjà tragi-comiques : en adoptant une position politique radicalement particulariste et, plus encore, égocentrique, on se heurte aux autres pays euro-egoïstes, même si l’idéologie de ces gouvernements est en somme la même. Nécessairement, les Pieds Nickelés sont appelés à se chamailler pour prendre possession du bijou. Du bijou Europe et de son opinion publique.

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste