Le 8 mai 1945, de la Champagne au Constantinois
De la capitulation de l’Allemagne nazie signée à Reims, aux massacres de Séfif et des environs.
(Jean-Marc Claus) – La capitulation de l’Allemagne nazie signée à 02h41 le 7 mai 1945 à Reims avait pris effet par la cessation des combats le 8 mai à 23h01 heure allemande, ce qui, pour les Russes, décalage horaire aidant, donna le 9 mai à 01h01 heure de Moscou. D’où la fin de la Seconde Guerre Mondiale en Europe célébrée le 8 mai, initialement dans les pays d’Europe de l’ouest, et le 9, ceux de l’est, satellites de l’URSS d’alors. Mais au Royaume-Uni et aux USA, cette date n’est pas un jour férié.
Elle l’est en France depuis 1946, sa célébration ayant alors lieu le jour même si c’est un dimanche ou alors celui qui suit cette date. Provoquant la levée de boucliers des associations d’anciens combattants, Valéry Giscard d’Estaing avait, dans un désir de réconciliation avec l’Allemagne, souhaité mettre fin à cette commémoration. En 1981, François Mitterrand rendit ce jour chômé, d’où le calage définitif des célébrations sur le 8 mai.
Mais en mai 1945, de l’autre côté de la Méditerranée, dans les trois départements qui constituaient l’Algérie Française, la révolte grondait. Des manifestants de confession musulmane, dont certains s’étaient battus au sein des troupes françaises de la France Libre lors de la Campagne d’Italie dès juillet 1943, aspiraient à l’indépendance. Chose totalement impensable pour le pouvoir colonial.
Or, le 1er mai 1945 à Alger, 20.000 partisans de Messali Hadj, condamné en 1941 aux travaux forcés, défilèrent pour demander la libération du fondateur du Parti du Peuple Algérien (PPA), créé en 1937 et interdit en 1939. Le 8 mai, une nouvelle manifestation rassemblant 10.000 personnes cette fois-ci à Sétif, 270 km au sud-est d’Alger, se déroula avec entre autres slogans « Istiqlal (Indépendance), libérez Messali ! ».
La consigne pour cette manifestation, initialement autorisée par le pouvoir et en marge de celle célébrant la victoire des alliés, avait été de ne pas lui donner de caractère nationaliste. Or, des pancartes et des drapeaux sortirent moins d’une heure après son début. Aïssa Chega, chef d’une patrouille de Scouts Musulmans, arbora un drapeau vert et blanc avec croissant et étoile rouges que tenta de lui enlever un commissaire de police qui fut projeté à terre, provoquant ainsi, l’intervention d’européens restés jusqu’alors en marge de la manifestation.
S’en suivirent injonctions des policiers, refus des manifestants d’obtempérer, brandissement du drapeau par Bouzid Saâl, scout âgé de 26 ans, tir mortel de la police, panique et colère dans la foule appelant alors à tuer les Européens, puis propagation des violences à Guelma et Kherrata, ainsi que dans d’autres localités du constantinois provoquant les tirs de l’armée. Une situation de crise qui perdura jusqu’au 26 juin. Bilan officiel : 102 morts et 110 blessés chez les Européens, quant aux dits « indigènes », plusieurs milliers selon des estimations récentes.
La France censurera le sujet jusqu’en 1960 et il faudra attendre 2005 pour que, par la bouche de l’ambassadeur Hubert Colin de Verdière, les massacres du 8 mai 1945 soient enfin qualifiés de tragédie inexcusable…
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