Le bateau est plein ! Seulement, c’est pas vrai…

Face à l'arrivée de nombreux réfugiés, on s'accorde, autant en France qu'en Allemagne, à dire «le bateau est plein». Désolé, mais les chiffres disent tout à fait autre chose.

Chez EUX, le "bateau est plein" - mais pas chez nous. Quoi qu'on vous dise... Foto: U.S. Homeland Security / Wikimedia Commons / PD

(KL) – Le problème, ce ne sont pas les réfugiés qui arrivent de la Syrie, du Pakistan, de l’Irak, de l’Afghanistan et d’ailleurs, le problème, c’est notre attitude à nous. Car ceux qui disent aujourd’hui que «le bateau est plein», se trompent sur toute la ligne. En Allemagne, le nombre de logements vides s’élève actuellement à 1,7 millions d’unités, en France, selon les chiffres de l’INSEE, 2,6 millions de logements ne sont pas occupés. Le problème – le marché de l’immobilier est devenu un marché à spéculation et souvent, il est plus rentable de laisser un appartement vide au lieu de le louer.

Parmi les grands spéculateurs de l’immobilier, on trouve également – les églises. Ainsi, la diocèse de Cologne, l’une des diocèses les plus fortunées d’Allemagne, est propriétaire de plus de 40 000 logements – en cette période d’avent, on pourrait se poser la question s’il ne vaudrait pas mieux de mettre au moins une partie conséquente de ce patrimoine à disposition des réfugiés au lieu de regretter publiquement leur triste sort.

Non, le bateau n’est pas plein – c’est notre peur de l’autre qui déborde, logiquement stimulée par les récents attentats, mais aussi par un discours de haine que l’on entend depuis bien trop longtemps et ce, autant en France qu’en Allemagne. Pourtant, on devrait savoir mieux – en Allemagne, le «Wirtschaftswunder» après la IIe Guerre Mondiale n’aurait pas été possible sans une vague massive de travailleurs immigrés, arrivant principalement du sud et du sud-ouest de l’Europe. Les «Gastarbeiter» contribuaient à l’essor de l’économie allemande et constituent la preuve que l’immigration massive constitue un élément de conjoncture inestimable pour toute économie nationale. Seulement, il faut l’accepter et l’organiser.

De nombreux experts réclament depuis longtemps une autre conception des villes. La «mise en ghetto» des couches de la population les moins fortunées peut être considérée comme une erreur d’urbanisme grave, ayant engendré de nombreux problèmes de société. Mais la mixité des quartiers est loin d’être acquise – ainsi, en Allemagne, la loi interdit toujours d’habiter dans des zones industrielles et pour ouvrir un atelier ou un magasin dans une zone à habitation, il faut également se soumettre à des contraintes administratives prohibitives. Pourtant, ce serait une telle mixité qui pourrait contribuer à une meilleure intégration des immigrés qui eux, ne constituent pas un phénomène passager, mais une réalité à laquelle il convient de réagir rapidement et mieux que dans les années 50 et 60.

De plus, il convient de se poser la question si le marché de l’immobilier, donc d’un marché qui répond à un besoin essentiel de tout un chacun, à savoir d’avoir un toit sur la tête, doit vraiment être un «marché à spéculation». Un jour, il faudra bien arriver à la conclusion que le besoin de logement est plus important que le besoin de placer son argent – surtout dans la mesure où la constitution allemande, le «Grundgesetz», stipule clairement que le patrimoine va de paire avec un devoir social – laisser des appartements vides ne répond pas à cette exigence légale.

L’arrivée massive des réfugiés est finalement une bonne chose – elle nous oblige de remettre en question certains fonctionnements de nos sociétés que personne n’a remis en question depuis longtemps. Comment souhaitons-nous organiser la société de demain, en tenant compte des changements dus à la Révolution Technologique, de l’évolution des tensions dans le monde ?

En tout cas, lorsque l’on vous dit que «le bateau est plein» – ne le croyez pas. C’est un mensonge prononcé par ceux qui aimeraient continuer à ignorer les misères du monde et la nécessité de se comporter solidairement. Pour que ce soit dit, une fois pour toutes – le bateau n’est pas plein !

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