Le Bélarus libre est une femme

Un texte d’Olga Tokarczuk, Prix Nobel de Littérature

A Minsk Foto: Belsat/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – C’est quand le soleil disparaît, que les caméras s’éteignent et que les défilés de femmes en blanc rejoignent la nuit que la répression commence réellement : insultes, menaces, harcèlements, tabassages, arrestations, enlèvements, parfois viols et détention illégale… Quoi qu’il en soit, Olga Tokarczuk, écrivain géniale, autrice du Voyage des Gens du Livre, des Pérégrins et surtout, des Livres de Jacob (traduction française l’an dernier), très impliquée socialement et politiquement, devait nécessairement réagir aux événements de Bélarus. Voici son texte, paru en langue polonaise et, très vite, en bélarusse.

« Le Bélarus libre est une femme - Je me souviens du temps où, dans la Pologne communiste, les opposants se voyaient promettre la libération des prisons ou de l’internement en échange d’une décision d’émigrer. Je vis dans un pays spécialisé naguère dans l’exil.

«  Par conséquent, la réaction des autorités de l’État bélarusse qui forcent leurs citoyens récalcitrants à partir pour l’étranger ne me surprennent pas. Je reconnais ce modèle et son paradoxe spécifique. Voici : la promesse de liberté n’est essentiellement que l’asservissement. Et rester dans un pays quand on est menacé e persécution, d’arrestation et de vengeance sur ses proches… devient un signe de la vraie liberté !

«  Dans mon pays, dans de nombreux pays de l’ancien bloc de l’Est, cet héroïsme est longtemps apparu comme l’action des hommes. Du moins, c’est ainsi que l’Histoire a été écrite pour nous. Mais aujourd’hui, le Bélarus libre est une femme.

« Aliaksandr Loukachenka a dit un jour : « Notre constitution est telle qu’il est difficile pour un homme de porter le fardeau du pouvoir ; et si vous passez ce fardeau à une femme, la pauvre, elle tombera ! » Mais j’ai une mauvaise nouvelle pour vus et une bonne nouvelle pour le monde entier : cette femme ne tombera pas. Et de plus, elle se battra pour la liberté du Bélarus.

« J’admire des dizaines de milliers de femmes qui manifestent pour défendre les hommes contre les attaques des OMON. Je pense aux femmes politiques bélarusses dont le monde entier connaît aujourd’hui les noms et qui sont devenues un symbole de la lutte pour la démocratie. A propos de Maria Kalesnikava, kidnappée par la police, qui a déchiré son passeport pour éviter d’être forcée de traverser la frontière ukrainienne. A propos de Sviatlana Tsikhanouskaia et de Veranika Tsapkala, qui ont été forcées d’émigrer. A propos d’Olga Kowalkowa qui a été emmenée de force à la frontière polonaise.

« Je pense surtout à Sviatlana Alekseievitch, une autrice exceptionnelle, lauréate du Prix Nobel et comme je l’ai appris, dernier membre du Conseil de Coordination de l’opposition.

« Sviatlana, je voudrais que vous sachiez que si cela nous était possible, je me trouverais evant votre maison avec des journalistes indépendants qui vous défendraient. Avec nos mains serrées en poings. »

Le texte d’Olga Tokarczuk est à lire en polonais dans la Gazeta Wyborcza, et en bélarusse dans Nacha Niva.

 

 

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