Le Brexit dans les Balkans

Inquiétudes et discriminations

La Bulgarie et l'euro... Foto: Atoine85/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Quelles sont les conséquences du Brexit dans les pays des Balkans ? On connaît l’importance de l’immigration issue de certains de ces pays vers le Royaume-Uni. Alors, entre Adriatique et Mer Noire, grave, le Brexit ?

Dans les dix Etats concernés (Serbie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Monténégro, Nord-Macédoine, Albanie, Kosovo, Grèce, Roumanie, Bulgarie) le problème se situe évidemment plutôt dans le sens Balkans – Londres que dans le sens Londres – Balkans : les échanges économiques sont assez restreints, mais l’immigration vers le Royaume-Uni est importante, voire très importante. C’est le cas de la Roumanie, surtout : les Roumains représentent ici la troisième communauté étrangère en nombre, après les Polonais et les Irlandais. On dit (et c’est vrai…) que ce fait, comme pour ce qui concerne les Polonais, est en partie et d’une certaine manière à l’origine du Brexit, puisque les dirigeants populistes-démagos britanniques ont proclamé que le pays réglerait « le problème » après la sortie de l’UE. Et les manifestations plus ou moins violentes de xénophobie ont explosé depuis 2018.

Comme on sait, tous les ressortissants des pays de l’Union Européenne, pour pouvoir rester en Grande-Bretagne, doivent déposer une demande de statut de résident : Pre-Settled Status ou Settled Status. Avec beaucoup d’inquiétude, variées cependant selon l’appartenance sociale des requérants : ainsi, des hommes d’affaire ou des ingénieurs bulgares ou grecs installés depuis un certain temps à Londres affichent leur sérénité ; et très souvent, ils propagent la vulgate brexiteer selon laquelle la sortie de l’UE permettrait de trouver de nouveaux débouchés, mais surtout, de nouveaux investissements sur une meilleure base avec les pays balkaniques .

Du côté des ressortissants plus modestes, l’inquiétude est palpable, malgré les promesses et les dénégations de Londres. Le statut de résidence, on n’est jamais sûr de l’obtenir… On commence parfois à vivre une ambiance à la Transit (le roman d’Anna Seghers) : l’impression d’êtres soumis aux aléas de la politique britannique, voire aux fluctuations des prurits xénophones des gouvernants ! Rappelons cependant que la libre circulation sur le sol britannique est assurée jusqu’au 31 décembre 2020. Par ailleurs, en 2018, Teresa May avait promis le doublement des investissements avec les pays des Balkans et la création de postes dans les ambassades. Que valent ces promesses ? On n’en sait rien. Sans doute pas grand’chose.

Les problèmes posés sont sensiblement identiques dans tous les pays mentionnés. 140 000 Bulgares ont déjà obtenu le statut de résident. Quelques milliers de Croates vivent et travaillent en Grande-Bretagne ;  pour une large part d’entre eux, ils resteront là-bas. Pour ce qui est des Grecs, 61200 ressortissants ont demandé un permis de séjour, dont une proportion importante d’étudiants, et parmi eux, des étudiants qui jusqu’à 2019, parvenaient souvent à travailler immédiatement en Grande-Bretagne : leur situation va devenir beaucoup plus difficile ; ils ne se font guère d’illusions sur ce point.

Peut-être le Brexit va-t-il faire croître l’euroscepticisme ; mais c’est loin d’être évident. On pense plutôt, généralement, que le départ du Royaume-Désuni va recentrer l’Union Européenne sur ses propres problèmes – la Serbie notamment va sans doute accélérer le processus déjà engagé de négociations séparées avec le Kosovo à propos de leurs frontières, sans rien attendre (ou très peu) des institutions européennes. Mais avec la lourde présence des Etats-Unis (à Priština) et à un degré moindre, de la Russie (à Belgrade).

Ce qui continue à frapper, bien plutôt, c’est l’aspect unilatéral du problème : les citoyens britanniques résidant dans ces dix pays sont respectés, bien traités, et ils ont reçu des assurances très concrètes sur le maintien de leurs droits. A l’opposé, Serbes, Bosniens, Croates, Monténégrins, Kosovars, Albanais, Grecs, Nord-Macédoniens, Roumains et Bulgares en ont obtenu très peu, malgré leurs inquiétudes légitimes et les proclamations des ambassades britanniques dans ces pays respectifs…

Il faudra donc impérativement que les ressortissants des Balkans qui résident en Grande-Bretagne demandent et obtiennent clairement des garanties concrètes et solides. Le plus grand nombre ne partira pas, ne « rentrera pas chez lui ». Et ces gens venus d’ailleurs, qui ne sont pas des Martiens mais des êtres humains et des Européens, contribuent grandement à la prospérité du pays, la plupart depuis plusieurs années.

 

A consulter :  Courrier des Balkans https://courrierdesbalkans.fr/

 

 

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