« Le Brexit est loin d’être entériné… »
Rencontre avec Jean-Gérard Lieberherr, membre du Mouvement Européen, qui était à Strasbourg pour l’Université d’Eté du Mouvement Européen qui avait lieu ce week-end. Un grand monsieur…
(KL) – Jean-Gérard Lieberherr est un vrai Européen convaincu. Pendant longtemps sur un poste du top management de Synthélabo, Gérard Lieberherr sait de quoi il parle et ses vues sur l’Europe et son évolution sont à la fois optimistes et réalistes. Jean-Gérard Lieberherr baigne dans le sujet européen depuis longtemps, il est le gendre d’un des pères-fondateurs des institutions européennes, Jean Monnet. Interview.
Jean-Gérard Lieberherr, que retenez-vous de cette Université d’Eté du Mouvement Européen à Strasbourg ?
Jean-Gérard Lieberherr : Plusieurs choses devenaient assez claires. D’abord, il y a une grande ignorance sur le fonctionnement européen et ce, même au niveau des militants. Ensuite, j’entends partout qu’il faille refonder l’Europe, mais pour moi, cela ne veut rien dire. Nous disposons d’une structure institutionnelle qui est la structure la plus démocratique au monde, avec la Commission, le Parlement et le Conseil. Il ne faut pas changer les institutions, mais les changements doivent intervenir au niveau des gouvernements nationaux qui eux, ne sont pas à la hauteur des défis européens.
Prenons un exemple concret dans un domaine où vous êtes un expert avéré, la santé. Comment rendre la politique de santé plus européenne ?
JGL : Il ne sera pas possible de régler cette question par des directives ou des décisions politiques. La situation est trop compliquée avec des législations différentes dans tous les pays européens. Mais cette problématique se règlera toute seule à partir du moment où nous aurons un marché de l’emploi ouvert et commun. Car le problème de la couverture médicale est un problème que les responsables résoudront dès que la nécessité se présentera. Pour y arriver, l’ensemble des partenaires sociaux devront être impliqués, mais ils le seront lorsque des emplois seront en jeu.
Vous venez du sud-est de la France et vous vous trouvez à Strasbourg où tout le monde parle du tandem franco-allemand. Pensez-vous que ces deux pays puissent effectivement jouer un rôle de locomotive pour relancer l’Europe ou mieux, mettre en route l’élaboration d’un nouveau projet européen ?
JGL : La réponse est simple : ça ne peut pas être autrement. Nous n’avons pas le choix. La force économique et politique de l’Allemagne et de la France sont des éléments incontournables en Europe. Mais il serait bien si dans ce « couple », l’Allemagne se rendrait compte que la solidarité est aussi importante. L’Allemagne réalise un excédent d’exportations tandis que ces voisins affichent une balance commerciale négative. C’est là qu’il faudra commencer à être solidaire – si on veut que la solidarité s’installe, il faut commencer à le faire !
Alors, comment faire pour faire aimer l’Europe à nouveau ?
JGL : Soyons clairs – tout passe par la jeunesse et l’emploi. J’ai bien aimé le plan Juncker qui veut rassembler 315 milliards d’euros pour combattre le chômage et le manque de perspectives pour les jeunes. Par contre, je ne mobiliserais pas 315 milliards, mais j’ajouterais un 0 – à 3150 milliards d’euros. Cette somme existe et permettrait de combattre efficacement le chômage par le biais de grands projets d’infrastructure. Le jour où les gens se rendront compte que l’Europe se bouge vraiment pour eux, qu’elle crée des emplois, ils se remettront à l’aimer.
Et vous dites ça calmement à un moment où la cohésion européenne est menacée comme jamais avant ?
JGL : Vous faites allusion au « Brexit » là – mais nous vivons une situation magnifique là ! Vous vous rendez compte – toute l’Europe est en train de mener des débats politiques, tout le monde se sent concerné, nous voilà obligés de revoir les fondements mêmes de cette Europe. Et si ces débats sont actuellement un peu chaotique – et alors ? L’ordre naît toujours du chaos et ce sera pareil en ce qui concerne le « Brexit ». Et ce « Brexit », il est loin d’être entériné – juridiquement, Theresa May ne peut pas décider d’activer l’article 50 des Traités Européens, il lui faut l’aval du parlement britannique qui lui, en vue des conséquences désastreuses du « Brexit », risque fort de s’opposer à la sortie de la Grande Bretagne de l’Union. Je suis optimiste quant au dénouement de ces crises européennes actuelles !
Jean-Gérard Lieberherr, merci beaucoup pour cet entretien !
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