Le « Brit Bashing » est déplacé et contreproductif

Depuis le référendum du 23 juin, les Britanniques font l’objet d’une hargne incroyable. On se moque des conséquences néfastes de ce vote pour le Royaume Uni en oubliant que ces conséquences nous affecteront tout autant.

"Les Britanniques" sont autant affectés par le "Brexit" que tous les autres Européens. Le "Brexit", il faut l'empêcher. Foto: Jwslubbock / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – « Qu’ils partent ! », « Perfide Albion », « De toute manière, les Britanniques n’ont jamais fait partie de l’Europe » – voilà les choses que l’on lit ces jours-ci un peu partout. A croire qu’on soit pressé de voir se décomposer ce qui reste de l’Union Européenne, de ce rêve européen d’un continent solidaire, paisible et prospère. Mais cette vague de haine qui déferle sur la Grande Bretagne est injuste et contreproductive – et cette hargne est totalement déplacée.

Si un peu plus de 51% des Britanniques avaient voté le 23 juin pour une sortie de l’Union Européenne, c’est qu’ils ont été leurrés par des populistes qui le lendemain du vote avouaient déjà avoir menti pendant la campagne. On peut donc considérer que les Britanniques ont « mal » votés, sur la base d’informations fausses. « Mal voter », cela n’arrive pas qu’aux Britanniques. En Allemagne, nous votons depuis 10 ans pour une chancelière qui mène une sorte de « guerre économique » contre les partenaires européens, en France, l’alternance Sarkozy-Hollande n’a pas fait d’étincelles non plus. Donc, nous aussi, ça nous arrive de « mal voter » et lorsque l’on regarde l’année électorale 2017 en France et en Allemagne, il y a de chances à ce que nous voterons « mal » une fois de plus.

Oui, la livre sterling est en dégringolade, oui, l’économie britanniques se porte de plus en plus mal depuis le 23 juin, oui, la cohésion européenne est sérieusement en danger. Est-ce une raison pour se réjouir ? Est-ce une raison pour se moquer des Britanniques en insistant que le désormais célèbre Article 50 des Traités Européens soit activé pour sceller la sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne ? Les « experts » ne semblent pas pouvoir attendre, en se frottant déjà les mains, en se réjouissant que le « Brexit » affaiblisse le Royaume Uni au détriment des autres états européens. « La France deviendra la 4e force économique européenne après le ‘Brexit’ », se réjouissent certains médias. Comme si la politique européenne était un match de football. Tout en oubliant que le « Brexit » mettrait toute l’Europe dans une situation des plus inconfortables.

Le « Brexit » n’affectera pas seulement l’économie britannique, mais tout autant l’économie européenne. Chaque état-membre de l’UE connaîtra un coup de frein de sa croissance qui se situera entre 0,2% et 0,7% selon les pays. Ce qui est particulièrement embêtant pour les états qui se trouvent, après des efforts énormes, sur la voie d’une reprise de la conjoncture, ce qui concerne surtout les états du sud de l’Europe. Ce contrecoup aura des conséquences fâcheuses non seulement au niveau économique, mais également au niveau politique, car ce coup de frein à la reprise de la conjoncture, profitera avant tout aux populistes et extrémistes, donc à ceux qui voudraient mettre un terme au projet européen.

Et comment peut-on clamer que « la Grande Bretagne n’a jamais fait partie de l’Europe » – avons-nous réellement oublié les sacrifices de la Grande Bretagne lors des deux dernières guerres mondiales ? Avons-nous oublié que sans le concours de la Grande Bretagne, le fascisme n’aurait peut-être pas être vaincu ? Avons-nous oublié la solidarité sans limite de la Grande Bretagne lorsqu’il s’agissait de sauver le continent du nazisme ? Comment peut-on oser dire que « la Grande Bretagne n’a jamais fait partie de l’Europe » ? La cohésion européenne est importante et vouloir forcer cette sortie de la Grande Bretagne de la famille européenne, laissera toute l’Europe orpheline, tout en incitant d’autres états à songer à leur tour de quitter le projet européen.

Il est évident que le vote du 23 juin était un « accident », une erreur qui s’est produite sous l’impulsion d’une campagne mensongère et depuis, surtout les Britanniques se demandent comment ce résultat a pu se produire. Pourquoi ne pas admettre que ce vote était le fruit de l’ambition personnelle de David Cameron, pourquoi ne pas tout simplement revenir sur ce vote qui de surcroît, n’engage pas le gouvernement britannique sur un plan légal ? Pourquoi poursuivre sur une voie dont on sait qu’elle est erronée et qu’elle n’aura que des conséquences négatives pour tout le monde ?

Le « Brexit » ne devrait pas avoir lieu et il faut maintenant arrêter ce « Brit Bashing » bête, méchant et stupide. Il n’y a pas lieu de se réjouir que la cohésion européenne risque de s’évaporer à tout jamais, il n’y a pas lieu de se moquer des Britanniques parce qu’ils ont commis une erreur. L’erreur est humaine et en regardant les résultats des élections un peu partout en Europe, force est de constater que nous nous trompons tous assez systématiquement.

La Grande Bretagne a toujours fait partie de l’Europe et cela doit continuer. Il serait beaucoup plus constructif d’imaginer un nouveau projet européen AVEC les Britanniques au lieu d’applaudir ceux qui voudraient maintenant « punir le perfide Albion ». Nous ne sommes plus au Moyen Age, mais si nous ne changeons pas d’attitude, nous y retournerons sous peu…

1 Kommentar zu Le « Brit Bashing » est déplacé et contreproductif

  1. Oui, mais..
    Je ne suis qu’en partie d’accord avec cette vision des choses.
    Si le Royaume-Uni avait eu dès son entrée dans la Communauté Européenne, un comportement solidaire, cette vision serait sans doute la bonne.
    Mais les Anglais n’ont jamais voulu jouer le jeu, respecter les règles communes, en un mot, jouer collectif.
    Leur vision purement mercantile de l’Europe a bloqué toute intégration approfondie de l’Union, notamment sur la défense.
    Leur sortie peut donc être une formidable opportunité d’avancement vers le fédéralisme, à condition de savoir la saisir.
    Sur ce point le rôle de la France et de l’Allemagne est déterminant.

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