Le centre du pouvoir mondial se décale vers l’est
Pendant que les états BRICS+ discutent à Kazan d'un nouvel « ordre mondial », l'Occident ne prend toujours pas au sérieux cette organisation qui représente la moitié du monde.

(KL) – Les commentaires sur le sommet des états BRICS+ à Kazan en Russie, sont ahurissants. « Sommet anti-occidental », peut-on lire, « Poutine veut montrer qu’il n’est pas isolé ». Mais en effet, Poutine n’est pas isolé, même si l’Occident le voudrait, et les BRICS+, juste avant le prochain élargissement, sont devenus la dernière et seule super-puissance au monde. Au lieu de se moquer gentiment de cette organisation, l’Occident ferait mieux de réfléchir à des moyens de coopérer avec les BRICS+, avant que cette porte ne se ferme définitivement.
Ce sommet des BRICS+ n’est pas nécessairement un « sommet anti-occidental », mais ces états dont le PIB réuni dépasse déjà celui des G7, est destiné à organiser le nouveau centre du pouvoir mondial. Depuis le dernier élargissement intervenu le 1er Janvier 2024, les BRICS+ contrôlent aujourd’hui et grâce aux nouveaux membres, le plus clair de la production énergétique mondiale et on voit déjà aujourd’hui que certains secteurs-clé de l’économie occidentale, comme le secteur de l’automobile, ont du mal à se défendre contre la politique d’exportation agressive de la Chine.
Il serait grand temps que les Européens prennent la mesure de ce que les BRICS+ représentent réellement, au lieu d’essayer de minimiser l’impact de cette organisation. Une vingtaine de chefs d’états se sont rendus à Kazan en Russie et ce n’est pas un hasard que ce sommet ait lieu en Russie, malgré le narratif occidental qui veut que la Russie soit isolée au niveau international. Bien sûr, la Russie est isolée en ce qui concerne l’Occident, mais l’Occident ne représente plus le monde, et en dehors de l’Europe et des États-Unis, Poutine n’est pas isolé – au contraire, il bénéficie de la coopération et du soutien de ses partenaires, comme Selenskyi bénéficie du soutien de l’Occident. Mais un moment donné, il ne suffit plus de s’adonner à sa propre propagande, autrement, le réveil sera très dur.
Ces dernières décennies, le monde avait essayé de maintenir une paix fragile en tissant des liens économiques. Si en 2009, l’Union européenne n’avait pas refusé la proposition de prendre une participation de 24,9% dans le capital de la « New Development Bank » à Shanghai, la première institution fondée par les BRICS, le monde serait probablement plus paisible aujourd’hui. Mais à l’époque, comme aujourd’hui, l’Occident a un regard arrogant sur les BRICS+, sous-estime le poids politique et économique de cette organisation et se fait actuellement doubler sur la voie de gauche de la politique internationale.
Le sommet à Kazan se poursuit encore jusqu’à demain et sera rythmé par des rencontres en tête-à-tête entre les puissants du monde, comprendre, les chefs d’état de la Chine, de l’Iran, de l’Inde, de la Russie et des nouveaux membres qui se trouvent principalement dans la région du Golf, là où on dispose encore de quantités d’énergies fossiles dont les autres membres des BRICS+ ont besoin.
Les rôles au sein des BRICS+ sont clairement distribués. La Russie assume le rôle « politique » sur le devant de la scène, tandis que la Chine tire les ficelles économiques dans les coulisses. Les autres membres des BRICS+ suivent le mouvement et bénéficient de la puissance économique de cette organisation.
Pour l’Europe, la question cruciale de ce sommet à Kazan concerne la Turquie qui, au mois de septembre, avait officiellement demandé son adhésion aux BRICS+. Il n’y a pas de doute que cette adhésion se fasse et la Turquie deviendra ainsi le premier pays-membre de l’OTAN qui change de camp. Son adhésion à des traités occidentaux sera alors fortement remise en question, car il semble exclu d’être en même temps membre de l’OTAN et des BRICS+. L’adhésion de la Turquie aux BRICS+ sera un véritable casse-tête pour l’Europe et les USA, mais tant qu’on se moque de ce sommet comme un « sommet anti-occidental », il n’y a que peu de chances à ce qu’à Bruxelles et Washington, on prenne les bonnes mesures pour gérer cette situation.
Mais fermer les yeux devant l’évolution des BRICS+ serait, une nouvelle fois, une erreur monumentale qui pourrait reléguer l’Occident en deuxième division. Mais pour l’instant, on n’a pas l’impression que l’Occident ait une stratégie concernant les relations avec les BRICS+. Et cette attitude pourrait nous coûter cher, très cher.
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