Le cœur de l’Europe bat trop fort

La colère monte, de l’Albanie à la Hongrie !

Aleksandar Vucic, le Premier ministre serbe, rencontre Poutine, de plus en plus présent dans les Balkans. C'est l'une des clés du problème Foto: Russian Presidential Press and Information Office / Wikimédia Commons / BB-BY-SA 4.0Int

(MC) – Il ne faut pas se méprendre sur les mouvements sociaux qui depuis quelques semaines, soulèvent une large partie de la population d’Europe centrale et des Balkans. Le fait que ces pays soient périphériques aux grands centres de l’Ouest ne signifient pas qu’ils soient insignifiants. Bien au contraire. L’Europe de demain s’y joue largement.

En Bosnie-Herzégovine, le mouvement « Justice pour David » gagne de jour en jour en importance. David Dragicević, fan d‘informatique à dreadlocks et contestataire, a été assassiné dans d’étranges conditions en mars 2018. Depuis, black out des autorités de la Republika Srpska, cette entité serbe au cœur de la Bosnie, nommément du dirigeant autoritaire et corrompu, Milorad Dodik. Le mouvement a essentiellement débuté le 25 décembre par un grand défilé, d’ailleurs interdit. Les autorités voulaient étouffer ce mouvement, qui rassemble plusieurs centaines de milliers de membres en Bosnie, mais aussi en Croatie, surtout à Zagreb, avant la « Fête nationale » de la RS, le 9 janvier. Il est évident que ce gouvernement autoritaire et vénal ne parviendra à étouffer personne, surtout pas la famille de David, qui pleure la mort d’un jeune homme de 21 ans épris de bonheur et de justice.

Cas de figure omniprésent dans cette partie de l’Europe : l’Occident a longtemps soutenu le président Dodik, faisant mine de croire à son europhilie et à sa modération. Mais il s’ avère que Dodik n’est pas autre chose que ce qu’il est…

En Serbie, c’est maintenant la 6ème semaine que chaque samedi, les manifestants envahissent la Place et les avenues centrales de Belgrade, la capitale. Là, même chose : les Occidentaux continuent à soutenir Aleksandar Vučić, qu’ils croient capable de maintenir la stabilité dans la région et surtout, de régler le problème du Kosovo en entérinant enfin l’indépendance de ce micro Etat champion toutes catégories de l’exil vers des horizons meilleurs – avec les Albanais d’Albanie. Mais les Serbes rejettent massivement Vučić et son gouvernement, car ils subissent quotidiennement son autoritarisme et la paralysie que la corruption institutionnalisée engendre dans ce pays. Pour mémoire, Vučić est aussi un ancien ministre de Slobodan Milošević ; il clamait alors qu’il « fallait tuer 100 musulmans ( i.E Bosniaques) pour un Serbe »… Humaniste un jour, humaniste toujours !

En Albanie, la situation n’est pas essentiellement différente. Le gouvernement d’Edi Rama, qui se prétend « social-démocrate » (une étiquette qui en réalité, signale le plus souvent, dans les pays ex-communistes, la mise en œuvre d’une logique de post-apparatchiks et une assez solide continuité du système politique…), ce gouvernement transforme le pays en une sorte de succursale ultra-libérale de l’Occident libéral. Et voilà pourquoi, à Tirana, des milliers de manifestants, surtout des étudiants, ont défié les autorités au mois de décembre dernier.

Globalement, les ressortissants des pays évoqués, et de quelques autres, émigrent en masse vers l’Ouest ; leurs pays se vident à grande vitesse, et eux se retrouvent (au départ, du moins) dans des pays eux-mêmes soumis à l’autoritarisme des gouvernements populistes : la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, et last but not least, la Hongrie… On l’a évoqué souvent : ce dernier État, celui de Viktor Orbán, connaît de graves difficultés sociales depuis le début décembre, tout comme la Serbie. De très importantes manifestations regroupent là bas, dans toutes les villes, l’éventail politique tout entier, de la gauche écolo à l’extrême-droite de Jobbik. Il semblerait que la « solution » populiste n’en soit pas une, et que la population rejette les lois libérales qu’en partie pour complaire au patronat allemand (celui d’Audi, notamment), le Grand Moufti de l’« illibéralisme » a édictées ! Une contradiction inacceptable pour la majorité des travailleurs hongrois, qui parlent avec raison de « lois esclavagistes ».

Nous devons impérativement considérer l’importance pour l’Europe de ses marges. Ces pays ne doivent jamais devenir (ou rester…) une pure réserve de main d’œuvre pour l’Europe occidentale. Ils ne doivent pas davantage servir simplement de garde-frontières contre… les autres, là, vous savez. Les mouvement sociaux de l’Europe centrale et orientale rejailliront nécessairement sur l’Ouest. Et il serait catastrophique de continuer à lui maintenir une sorte de statut d’arrière-garde de la modernité et du progrès, que ce soit des pays qui, comme la Roumanie ou la Croatie, font déjà partie de l’Union Européenne ou ceux qui comme la Serbie, sont censés y entrer bientôt. Nous devons au contraire les traiter avec la plus grande attention. Aux deux sens de ce mot.

 

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