Le Conseil d´Europe apostrophe la FIFA de Sepp Blatter

«L‘attribution de la Coupe du Monde 2022 au Qatar a été profondément illégale», dit le Conseil d’Europe. Et demande une réattribution. Qui n’aura pas lieu.

Le chef de la FIFA, Sepp Blatter, doit bien rigoler des critiques acerbes formulées par le Conseil d'Europe. Foto: Marcello Casal Jr / ABr / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0br

(KL) – Oui, c’est bien que le Conseil d’Europe (CoE) se prononce. Oui, c´est bien que le Conseil d’Europe se positionne comme la «bonne conscience de l‘Europe». Avant-hier, c´étaient les pratiques de surveillance des services secrets que le CEO a vivement critiqué, hier, c’était au tour de la Fédération Internationale de Football, la FIFA. La Commission des Affaires Culturelles, également responsable du sport, estime que l’attribution de la Coupe du Monde 2022 au Qatar ait été illégale, puisqu´un membre du Comité Exécutif de la FIFA aurait «acheté» les votes d’une trentaine de fédérations africaines pour qu’elles votent en faveur de la candidature du Qatar. Mais malheureusement, le CoE risque de se faire ridiculiser par le tout-puissant président de la FIFA, le Suisse Sepp Blatter. Qui lui, a généreusement accepté une invitation pour s’expliquer devant les membres de cette commission.

C’est un peu comme pour le dossier de la surveillance globale. Le CEO a exprimé ce que tout le monde sait déjà depuis un bon moment, émet des recommandations, sachant que ces recommandations n’engagent personne à rien et ce faisant, il réussit même à contourner les sujets qui fâchent des états-membres. Car le soupçon ne flotte pas seulement sur l’attribution du Mondial 2022 au Qatar, mais également sur celle de 2018 à la Russie. Mais la Russie faisant partie des états-membres du CoE, on a contourné le problème en s’axant uniquement sur le Mondial 2022. Qui ne concerne aucun état-membre. Chic.

Mais c’est quoi, exactement, le rôle du CoE ? Démontrer aux Européens que leurs institutions n’aient pas le poids nécessaire pour faire bouger les choses ? A ce moment-là, il vaudrait peut être mieux fermer la boutique, une boutique qui occasionne des frais considérables pour un effet minime. Oui, c’est bien de dénoncer la corruption au sein de la FIFA. Et non, ce n’est pas bien de devoir se limiter au constat, sans ce celui-ci ne soit suivi de mesures. Le CoE est en train de devenir un «tigre sans dents» – qui peut rugir, sans pouvoir mordre.

Que se passera-t-il lors du passage de Sepp Blatter devant le CoE ? D’abord, il y a de fortes chances à ce que Blatter passe deux, trois jours sympathiques en Alsace, certainement avec un repas somptueux au «Crocodile» ou dans une autre maison étoilée, quelques rencontres sympathiques et presque amicales avec des hauts responsables européens et de la ville, pour ensuite déclarer que ce soient les instances de la FIFA qui ont tranché. Puisque la «Commission d‘Ethique» (qui ne mérite pas vraiment cette appellation) de la FIFA dit avoir examiné le dossier, pour arriver à la conclusion (dans le célèbre rapport «Garcia») que l’attribution du Mondial au Qatar ait été caractérisée par une procédure de corruption, sans pour autant estimer nécessaire de revenir sur cette attribution, pour Sepp Blatter, le dossier est clos. Voilà ce qu’il expliquera aux parlementaires du CoE, regrettant qu’il soit obligé de se conformer aux statuts de sa fédération. Voilà tout. Quelques parlementaires siffleront, et après, tout le monde ira manger un morceau.

L’impuissance des institutions européennes est affligeante. Ce ne sont ni les parlementaires du CoE qui mènent la politique européenne, pas plus que les eurodéputés qui doivent également suivre ce que la Commission bruxelloise négocie derrière des portes fermées. C’est frustrant. L’Europe reste un concept assez théorique, la corruption est devenu un concept qui reste impuni, même lorsqu’il est détecté (la seule personne molestée dans le cadre du scandale «LuxLeaks» ne sont pas ceux qui ont volé des milliards aux citoyens européens, mais le lanceur d’alerte ayant averti le public) et les déclarations du CoE ressemblent à des larmes de crocodile.

Mais puisque le CoE veut renforcer son rôle et avoir une incidence sur la politique européenne, pourquoi ne demande-t-il pas à ces états-membres de boycotter le Mondial au Qatar en 2022 et en Russie en 2018. «Il ne faut pas mélanger le sport et la politique» est la réponse que l’on entend le plus souvent. Mais en vue des sommes impliquées, en vue de la communication que font les régimes douteux autour de manifestations sportives (comme en 2014 en Russie – les JO d’Hiver à Sotchi et la première course de Formule 1 dans la même ville offraient une plate-forme magnifique et onéreuse à Vladimir Poutine), ce mélange est fait depuis longtemps. Le sport, en ce qui concerne les grandes manifestations d’un rayonnement mondial, est un élément de la politique. Donc, le postulat de laisser faire les fédérations, relève de l’hypocrisie.

Si déjà le CoE ne peut rien faire, qu’il demande au moins le maximum. Au lieu «d‘inviter» Sepp Blatter à Strasbourg, le CoE devrait tenter de convaincre ses états-membres de boycotter toute manifestation sportive attribuée dans des conditions questionnables à des pays hôte qui ne respectent pas les Droits de l’Homme. Même si de telles recommandations ne seront pas suivies, le CoE émettrait au moins un signal.

L’inefficacité des institutions européennes dans de nombreux dossiers qui touchent réellement les gens, devient lourde. Le manque d’unité européenne aussi. Dommage que les Etats-Unis d’Europe restent un rêve lointain.

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