Le coup d’état européen en Grèce semble fonctionner

La Syriza au pouvoir à Athènes est exactement au point où les institutions européennes voulaient l’avoir - à deux doigts de la déchirure. Des élections anticipées se dessinent.

La situation devient de plus en plus difficile pour Alexis Tsipras - son parti est déjà divisé. Foto: Fraktion Die Linke im Bundestag / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Le «négociations» entre le gouvernement grec et les organismes européens se poursuivent et Alex Tsipras fait son possible pour sauver son pays de la banqueroute. Comme ses prédécesseurs, il a fini par tout accepter par l’Union Européenne, par la BCE et par le FMI qui lui, s’est retiré sur une position d’observateur et de donneurs de leçons. Les «réformes» imposées par l’Europe ont été votées, et il arrive exactement ce que les conservateurs au pouvoir avaient programmé – la Syriza est sur le point d’imploser.

Plusieurs membres du gouvernement s’opposent à ce «sauvetage» qui vise uniquement la survie des banques grecques, les remboursements de crédits et le fonctionnement des «marchés», tandis que le peuple grec sombre dans une misère incroyable. Les «mesures», elles, scellent cet état des choses pour les générations à venir et Alexis Tsipras se trouve dans une situation des plus inconfortables – soit, il refuse le diktat bruxellois et berlinois et expose sont pays à une sorte de collapse imminent, soit il joue le jeu européen en sacrifiant son peuple. En vue du programme de la Syriza, il est logique qu’une opposition farouche se forme au sein même du gouvernement.

Plusieurs ténors de la Syriza refusent maintenant de suivre Alexis Tsipras sur la voie imposée par l’Europe, en première ligne Panagiotis Lafazanis qui invite les membres de son parti de s‘opposer au nouveau paquet qui doit être voté ces jours-ci. Sur cette base, il devient de plus en plus difficile de gouverner – et des élections anticipées deviennent incontournables. Dans une situation où Alexis Tsipras ne peut gouverner qu‘avec le soutien de l‘extrême-droite et des conservateurs, la Syriza est sur le point d‘imploser et personne ne sait si elle pourrait gagner ces élections anticipées. Wolfgang Schäuble doit se frotter les mains – il aura réussi son «coup d‘état» et il se pourrait bien que Bruxelles et Berlin réussissent à réinstaurer leur favori, le conservateur Antonio Samaras qui n’a jamais posé problème à Bruxelles ou à Berlin.

Le grand perdant de cette manœuvre politique sera d’une part Alexis Tsipras qui risque de perdre le pouvoir, le peuple grec qui s’enfonce de plus en plus et finalement, aussi l’Europe – car la politique européenne ne vise pas les changements structurels en Grèce, mais uniquement le fonctionnement économique du moment. Les vrais problèmes des grecs n’intéressent personne et ce qui compte le plus pour Berlin et Bruxelles, à savoir de statuer un exemple en détruisant un gouvernement de gauche ayant osé défier ces «marchés», sera accompli.

Plus personne ne parle encore de la dette allemande envers la Grèce, plus personne ne parle du remboursement du «crédit forcé» que les nazis avaient imposé à la banque nationale grecque, la victoire est donc totale. Mais si les téléspectateurs ont la mémoire courte, l’histoire s’en souviendra. Et le jour viendra où ceux qui ont poussé le peuple grec dans une misère incroyable, se trouveront eux aussi, dans une situation où ils auront besoin de soutien et de solidarité. Par exemple, lorsque les changements démographiques mettront l’économie allemande en péril, ce qui sera le cas dans peu d’années. Ce sera à ce moment là que l’Europe se fera un plaisir de conseiller à l’ancien «premier de la classe» de se serrer la ceinture, de réduire les retraites, de faire exploser son système médical. L’Histoire, elle, a la mémoire longue – elle se souviendra du massacre économique que l’Europe aura infligé à la Grèce, du «coup d‘état» opéré en Grèce et de cette dévotion absolue devant les marchés financiers. Qui finiront par nous ruiner tous.

3 Kommentare zu Le coup d’état européen en Grèce semble fonctionner

  1. Yveline MOEGLEN // 6. August 2015 um 14:36 // Antworten

    Hélas, cher Kai, ni les peuples ni l’histoire n’ont de la mémoire … Si non nous n’aurions depuis bien longtemps plus connu de guerres !!!
    Il fallait être très naïf pour croire que la Grèce allait être « le peuple » qui pourrait s’opposer aux diktats européens …
    L’Euro mais également l’UE lient les pays qui en font parti …. Il y a la politique et il y a les sentiments et la morale …
    Il n’y a en politique ni sentiments ni morale… car on ne peut pas à cette échelle faire du détail … !
    C’est la loi commune qui s’impose !!
    C’est ainsi quand on est dans un groupe … quel qu’il soit …

  2. Eh oui, même Antigone, respectueuse de la loi des dieux, celles qu’Yveline appelle la loi des sentiments et de la morale, est cruellement punie par Créon, le roi détenteur du pouvoir que se sont donnés les hommes. Cette quête d’innocence de la Grèce et des Grecs qui vivent en démocratie, pour le moment, est sans doute compréhensible et peut-être légitime mais l’appartenance à un groupe crée aussi des liens de responsabilités. Le refus de ces liens implique le refus de l’adhésion et dans le cas de l’acceptation, le respect des obligations fussent-elles selon certains injustes. Mais il existe une possibilité de rémission et non pas un droit à rémission ce qui veut dire que on ne sauve pas une victime si ce n’est d’elle même. Belle occasion de revisiter la construction européenne. Mais de grâce qu’on ne s’enferme pas dans l’obstination du parti pris !

  3. Il faut être extrêmement vigilant avec cette “loi” qui prime sur tout. Car l’homme a la fâcheuse tendance à faire des lois qui vont à l’encontre du bien être des citoyens et citoyennes. Jetez un coup d’oeil sur les derniers billets qui détaillent la dégradation des conditions de vie en Grèce, les souffrances du peuple. Est-ce que le peuple grec est mal fait ou est-ce que ce sont les lois européennes qui sont mal faites ? Et attention – un ministre-président du Bade-Wurtemberg, Filbinger, est devenu tristement célèbre avec la phrase : “Was damals Recht war, kann heute nicht Unrecht sein”, en défendant ainsi le fait qu’il avait, dans sa fonction de juge nazi, condamné deux jeunes déserteurs à la peine capitale, deux jours après la fin de la guerre. Oui, ces deux jeunes déserteurs avaient transgressé la loi. Mais avait-ils tort ? Et Filbinger raison ? Est-ce que les lois ne sont pas censées servir les peuples, au lieu de les conduire dans une catastrophe humaine ? Et pourquoi le monde n’a pas eu la même réaction lorsqu’il s’agissait, en 1953, d’éponger 110 milliards de Marks de la dette allemande ? Avec le même raisonnement, on aurait du laisser l’Allemagne sombrer dans la misère, puisqu’elle n’avait pas respecté les lois (et comment !). Et si la compassion avec un peuple dont le taux de mortalité des enfants a augmenté de 43% depuis le début des mesures d’austérité constitue un “partie pris”, alors, j’avoue ce “partie pris”, tout en souhaitant que nous deviendrons plus nombreux à compatir avec un peuple européen en pleine dérive. Le sort des 400 000 citoyens grecs morts de faim depuis 2012 m’intéresse effectivement plus que le respect des lois imposées par les marchés financiers qui eux, constituent le plus grand fléau de notre époque.

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