Le déconfinement de Philippe Loubry

L'auteur de Montmartre Philippe Loubry, Strasbourgeois malgré lui, n'en peut plus des journées entières à la maison. Donc, il a instauré un « café open air » - sur la Place Kléber.

Ce n'est que pour la prise de la photo que Philippe Loubry a enlevé son masque... Foto: Eurojournalist(e)

(KL) – L’homme est une institution strasbourgeoise. Hors pandémie, on l’aperçoit le matin au Café Broglie ou sur d’autres terrasses connues, pour y vendre son excellent livre « La Claque et le Bonbon », pour discuter avec les gens, pour mener une vie normale, quoi. Depuis un an, c’est fini, tout ça. Mais Philippe Loubry n’a pas envie d’attendre les prochaines années pour (ré-)vivre. Donc, le matin, on le retrouve sur un banc Place Kléber où des amis (et des inconnus) passent, se cherchent un café « to go » dans l’un des cafés qui se trouvent sur la place et oublient pour un court instant que la vie n’est plus comme avant. Le tout, bien entendu, dans le plus stricte respect des consignes sanitaires.

Ces courtes rencontre matinales (généralement, le « Café Loubry » est ouvert de 10 à 11 ou parfois de 11 à 12 heures, pour les horaires, il est recommandé de suivre ses nombreux posts Facebook…) rappellent en effet, le « bon vieux temps », lorsqu’on pouvait rencontrer les copains sur une terrasse et réinventer le monde autour d’un bon café. Et Philippe Loubry ne serait pas Philippe Loubry, si ces rencontres n’étaient pas truffées d’anecdotes. Il y a là probablement matière à songer aux deux, trois prochains livres à écrire.

« Ce matin », raconte l’auteur, « il y avait un Monsieur qui arrivait à vélo de Wolfisheim et qui me dit ‘je vous connais, vous êtes Philippe Loubry !’ ». – « Euh, oui. » – « Je vous suis sur Facebook, je suis venu acheter votre livre ! ». Voilà qui paie le petit déjeuner… Ou encore cet élu strasbourgeois qui passe devant lui, qui repasse dans l’autre sens, pour finalement s’arrêter. « Salut, Philippe ! » On veut des noms, Monsieur Loubry ! « Mais non, pas de noms, je suis quelqu’un de discret… »

Il fait beau en ce samedi matin, beaucoup de gens profitent des températures printanières pour faire leurs courses en ville ou pour tout simplement se balader un peu. Ambiance détendue. S’il n’y avait pas les masques que les gens portent et qui nous rappellent que malgré cette belle atmosphère, la présence d’un virus qui nous embête depuis plus d’un an.

« Je plains les anciens collègues dans la restauration », dit Philippe Loubry, « ça m’arrive d’en croiser et franchement, il y en a qui pètent carrément un plomb. Il y en a aussi qui veulent changer de métier car ils ne peuvent pas s’imaginer de retourner travailler dans la restauration. » Mais les terrasses, au moins, devraient rouvrir à la mi-mai. « Devraient, devraient, bien sûr. J’y crois quand c’est fait. »

Ces rendez-vous, à l’air libre, avec port du masque et distances sociales, est une sorte de désobéissance civile sympathique. Refusant que notre vie sociale se limite aux coups de fil et aux contacts « en visio », Philippe Loubry a trouvé le moyen pour rester en contact avec ses amis, tout en évitant des contacts trop proches. Ingénieux. Du Philippe Loubry, quoi.

Les discussions vont de bon train, avec des participants changeants. Personne ne reste plus d’un petit quart d’heure avant de reprendre son chemin. On parle de tout, on parle de rien. Du verdict contre l’assassin de Sarah Halimi. Des élections à venir. De la gestion de la pandémie. Du manque de « vraie » vie sociale. Du fait que de plus en plus de gens affichent des comportements pour le moins bizarre. La preuve en sont les personnes qui passent devant ce banc et qui se parlent tout seuls en marmonnant ou qui s’adressent à autrui avec des phrases à peine compréhensibles. Il est vrai que le nombre de névrotiques urbain est en nette croissance. « Comment faire pour ne pas devenir chèvre ? », demande Philippe Loubry, sans fournir une réponse. Oui, comment faire pour ne pas devenir chèvre. Peut-être en passant un petit quart d’heure au « Café Loubry », Place Kléber ? Histoire de se souvenir que les échanges humains existent ?

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