Le discours d’un roi

Retour sur le discours de Felipe VI, lors de la remise des Prix Princesse des Asturies.

Felipe VI - une intonation lors de ses prises de parole, mais aussi un regard. Foto: Casa Rosada Argentina / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.5ar

(Jean-Marc Claus) – Faut-il être royaliste pour apprécier le discours d’un roi ? Assurément oui, lorsqu’on fait le choix du sectarisme politique le plus crasse ; assurément non, lorsque l’on considère l’individu plus que sa fonction. Et qui plus est quand ce discours place le dit roi au dessus de tous les clivages, ne serait-ce que ponctuellement. La cérémonie de remise des « Prix Princesse des Asturies », vendredi dernier, en a témoigné éloquemment.

Créé en 1981, ces prix appelés initialement « Premios Príncipe de Asturias » sont remis par l’héritier(e) du trône à des personnes méritantes. Jusqu’à son couronnement en 2014, Felipe Juan Pablo Alfonso de Todos los Santos de Borbón y Grecia s’en est chargé personnellement, puis au nom de sa fille Leonor de Todos los Santos de Borbón y Ortiz née en 2005. Depuis 2015 il est alors question de « Premios Princesa de Asturias ».

Cette année, pour la première fois, à bientôt 16 ans, Leonor a fait un discours annonçant en 3 minutes 30, les huit récipiendaires et leurs prix. A savoir : communication & sciences humaines, sciences sociales, arts, littérature, recherche technique & scientifique, coopération internationale, concorde, sport. La diction était bonne, la voix laissait transparaître quelque peu l’émotion, et le recours fréquent aux notes témoignait d’un apprentissage en cours

Felipe VI, quant à lui, démontra en 26 minutes, qu’il maîtrisait l’exercice. Dans un discours très fluide, sans notes apparentes, s’adressant d’une manière très digne et très humaine tant aux récipiendaires qu‘à l‘assistance et aux téléspectateurs, il mit en avant chaque lauréat et résuma le pourquoi de l’attribution de ce prix. D’où la question : est-il un excellent comédien ou sait-il parfaitement de qui, de quoi et à qui il parle ?

A en croire les réactions de l’assistance, et notamment des bénéficiaires de ces prix, il a fait mouche. Attention spéciale aux sinistrés de l’irruption de La Cumbre Vieja à La Palma, appel à l’unité, éloge de la capacité des Espagnol(e)s à surmonter la pandémie, enrichissement mutuel par les valeurs de chacun(e), Felipe VI était bien loin de son discours autoritaire, prononcé en octobre 2017 à l’issue du référendum indépendantiste catalan. Propos dont il a arrondi considérablement les angles, dans ses vœux de Noël, la même année.

Le 22 octobre dernier au Teatro Campeanor d’Oviedo, lieu traditionnel de cette cérémonie, ont été décerné les Premios Princesa de Asturias à Gloria Steinem, Marina Abramović, l’ONG Camfed, Amartya Sen, Emmanuel Carrère, Teresa Perales, aux chercheurs ayant permis la création de vaccins anti-Covid-19 ciblant la protéine S, à José Andrés & l’ONG World Central Kitchen.

De tous ces lauréats, c’est incontestablement María Teresa Perales Fernández, nageuse handisport titulaire de 26 médailles paralympiques, qui a été la plus remarquée. « Teresa Perales es una granda » a dit Felipe VI, ce qui pour les auditeurs avertis, renvoie inévitablement aux « Grandes des España », titulaires de la plus haute dignité juste en dessous de celle de Prince et maintenant Princesse des Asturies.

Or, la noblesse de Terersa Perales ne tient pas en un titre nobiliaire, mais en ce qu’elle est de par son parcours, une fierté (orgullo) pour l’Espagne et un exemple de « superación » terme dans lequel cohabitent notamment les notions de dépassement et de victoire. Un mot employé souvent pour décrire la façon de surmonter un handicap, comme dans la série de reportages « Historias de Superación » diffusée dans España Directo par la RTVE.

Entendre à cette occasion le Roi d’Espagne souligner que l’inclusion sociale est plus qu’un concept, une aspiration légitime, force le respect. A plus forte raison quand, de l’autre côté de Pyrénées lorsqu’il est question de déconjugaliser l’attribution de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), les gouvernants freinent des quatre fers.

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