Le double langage du Conseil d’Ethique allemand

Faut-il accorder davantage de libertés aux personnes vaccinées ? Le Conseil d'Ethique du gouvernement allemand dit « non », tout en expliquant comment contourner sa propre recommandation.

Malgré tout ce qu'on dit - le carnet de vaccination risque de devenir une sorte de "passeport bis". Foto: SimonWaldherr / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Les campagne de vaccination ont commencé et même si elles ne progressent qu’à une « vitesse escargot », les personnes déjà vaccinées demandent à ce qu’on leur accorde davantage de libertés. Si 68% des Allemands estiment, selon un sondage, qu’il faille traiter les personnes vaccinées et les personnes non-vaccinées sur un pied d’égalité, le « Conseil d’Ethique » vient de donner une réponse étrange à cette question. Toutefois, on peut se poser la question pourquoi cette discussion doit être menée à un moment où moins de 3% de la population ont pu avoir la première dose du vaccin.

« Non », dit le Conseil d’Ethique, « il ne faudra pas différencier entre personnes vaccinées et personnes non-vaccinées, car cela violerait la Constitution qui veut que tout le monde ait les mêmes droits. Du moins, pour le moment… » Avec le petit « du moins, pour le moment », le Conseil d’Ethique ouvre grand la porte pour renverser prochainement ses propres recommandations.

Donc, pas de règles spéciales pour les rares personnes déjà vaccinées. Cela semble normal, car actuellement, une grande majorité de personnes souhaitant se faire vacciner, doivent attendre, des semaines, des mois, car les vaccins ne sont pas encore disponibles. A un tel moment, il est inconcevable que ceux qui ont eu le privilège de compter parmi les premiers à se faire vacciner, puissent à nouveau profiter des libertés dont les autres sont actuellement privés. De plus, comme l’indiquent les experts de ce Conseil d’Ethique, on ignore encore si les personnes vaccinées peuvent encore transmettre le virus ou pas. Et, autre détail, on ignore également comment se comporteront les vaccins face aux mutations plus agressives du virus. A un tel moment, on ne peut pas alléger les mesures pour une toute petite frange de « privilégiés ».

Mais le Conseil d’Ethique n’a pas seulement donné une indication comment gérer la situation pour les personnes vaccinées, mais il a également donné l’astuce comment contourner ses propres recommandations. « Dans le secteur privé, donc, restaurants, lieux culturels et autres, personne ne peut obliger les tenants des lieux d’accueillir des clients non-vaccinés. Puisque ces entrepreneurs concluent un contrat privé avec leurs clients, ils sont parfaitement en droit de réserver l’accueil à des personnes vaccinées. Dans le cas précis, cela ne constituerait pas une discrimination des personnes non-vaccinées, mais d’une décision qui appartient au propriétaire des lieux. » Cela ressemble beaucoup à un conseil comment instaurer un filtrage entre personnes vaccinées ou non, et ce, à un moment où personne ne sait si les personnes vaccinées peuvent encore transmettre ce virus. Un conseil, somme toute, pas très éthique…

Et puisque le Conseil d’Ethique est déjà en train de donner les astuces permettant de contourner ses recommandations, il se sentait également obligé de relativiser encore davantage ses positions. Comme l’a indiqué sa présidente Alena Buyx, que des règles spéciales pour personnes vaccinées pourraient quand même être décidées : « Un allègement des restrictions des libertés individuelles pourrait se justifier dès lors nous serions assurés que les personnes vaccinées ne peuvent plus transmettre le virus. »

Une seule exception est déjà préconisée par le Conseil d’Ethique et cette préconisation est également difficile à comprendre. Pour le Conseil, on peut dès maintenant alléger les limitations des contacts sociaux pour – les personnes les plus vulnérables, les pensionnaires d’EHPADs et de centres médicaux pour personnes âgées. Il n’y a pas longtemps, on cherchait encore à protéger cette population, maintenant, et sans connaître le comportement des vaccins et du virus, on veut les autoriser à nouveau à se rencontrer. Difficile d’interpréter cette préconisation autrement qu’une « roulette russe » pour personnes âgées et/ou malades.

« Non, il n’y aura pas d’obligation de se faire vacciner », voilà la position officielle. Mais ce qu’ils ne disent pas (encore), c’est que les personnes non-vaccinées (soit, parce qu’ils n’ont pas encore obtenu leur doses, soit parce qu’ils sont réfractaires au vaccin) seront, peu à peu, exclues de la vie. Ce qui revient à une obligation de se faire vacciner. Et la cacophonie autour de la pandémie, des vaccinations et des stratégies désespérées continue…

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