Le droit à l’avortement recule en Caroline du Sud

Ce mardi 23 mai, l’Etat de Caroline du Sud aux Etats-Unis a voté l’interdiction de l’avortement après six semaines de grossesse. Un accès désormais restreint qui témoigne de l’emprise qu’ont, encore et toujours, les hommes sur le corps des femmes. Retour également sur la situation actuelle en Europe.

Est-ce que les femmes européennes devront à nouveau se battre pour leurs droits ? Foto: Rhododendrite / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Emma Kuhn) – En juin 2022, la Cour suprême des États-Unis avait annulé la protection constitutionnelle du droit à l’avortement. Depuis, les États sont libres de légiférer comme ils l’entendent à ce sujet. Une quinzaine l’ont déjà interdit sur leur sol, comme par exemple l’Alabama, la Louisiane ou encore le Texas. Il est précisé que l’interruption volontaire de grossesse (IVG) y est strictement bannie et ne présente aucune exception, pas même pour le viol ou l’inceste. De quoi faire reculer drastiquement les droits des femmes américaines.

A l’image de la Géorgie ou de la Floride, l’avortement n’est aujourd’hui plus possible au-delà de six semaines de grossesse en Caroline du Sud. Ce n’était plus qu’une question de temps. Les Républicains avaient déjà essayé à plusieurs reprises de faire passer cette loi à la Chambre haute de cet État américain du sud-est, composée majoritairement d’hommes. Les cinq seules femmes du sénat local ont malgré tout tenté de mener une bataille politique. Durant les débats, la Républicaine Sandy Senn avait ainsi accusé ses collègues masculins de « gifler symboliquement les femmes en soulevant encore et encore la question de l’avortement ». Cela n’aura malheureusement pas suffi : les sénateurs opposés à l’IVG ont finalement réuni assez de voix pour voter cette mesure.

Celle-ci n’est pas encore une loi. Pour le devenir, le texte doit être signé par le gouverneur républicain Henry McMaster. Aucun suspens cependant : il s’en donnera, sans surprise, à cœur joie. « J’ai hâte de signer ce texte pour en faire une loi aussi vite que possible », s’est-il réjoui sur Twitter, jugeant que son État protégerait ainsi « davantage de vies innocentes ». La réelle conséquence sera pourtant la croissance du nombre d’enfants non désirés ou d’avortements pratiqués de façon illégale voire dangereuse. Il faut savoir qu’à six semaines de grossesse, la plupart des femmes ne savent pas encore qu’elles sont enceintes.

Et en Europe alors ? – Il est ainsi pertinent de faire un comparatif avec la situation en Europe, qui tend souvent à reproduire les comportements de son allié américain. Parmi les 27 pays membres de l’Union européenne, il n’y a qu’à Malte que l’IVG est totalement interdite (sans compter Andorre et le Vatican), quelle que soit la raison. Il est étonnant qu’une telle situation puisse demeurer au sein de l’Union, quand ses conditions d’adhésion reposent notamment sur le respect de ses valeurs (liberté, respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de l’État de droit…). Du côté de la Pologne, l’avortement n’est autorisé qu’en de cas de viol ou de danger pour la vie de la mère depuis janvier 2021. Le gouvernement avait pourtant tenté de le bannir totalement en 2016, sans succès. Il l’a finalement restreint en supprimant la possibilité d’avorter en cas de malformation grave du fœtus, qui concernait plus de 90 % des IVG dans le pays. Le dernier Etat de l’UE ayant légalisé l’IVG est l’Irlande, qui était l’un des pays les plus restrictifs d’Europe en la matière. Suite à un référendum, sa légalisation est entrée en vigueur le 1er janvier 2019.

En Europe, le délai maximal pour avorter varie de 10 semaines de grossesse au Portugal, à 24 aux Pays-Bas, qui est le pays européen à la législation la plus progressiste avec les délais les plus longs. En France, l’avortement peut être pratiqué jusqu’à la fin de la 14ème semaine de grossesse depuis la loi du 2 mars 2022 (avant, le délai était de 12 semaines), visant à renforcer ce droit. Un droit fondamental qui ne devrait pas être remis en question, mais qui suscite toujours de nombreux débats. Des « marches pour la vie » anti-avortement ont régulièrement lieu en France et rassemblent plusieurs milliers de personnes (20 000 à Paris le 22 janvier 2023 par exemple).

Le contexte actuel aux Etats-Unis accentue sans nul doute le sentiment d’insécurité des femmes européennes quant à leur droit en la matière. Faudrait-il s’inquiéter de la potentielle influence des décisions outre-Atlantique sur l’Europe, et ce notamment avec la montée de l’extrême-droite dans plusieurs pays sur le Vieux Continent ?

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