Le Droit et l’éthique des juristes. Tragique parfois.

Notre expert cinéma Nicolas Colle a rencontré l’équipe de tournage du nouveau film d’Yves Angelo «Au plus près du soleil».

Le nouveau film d'Yves Angelo "Au plus près du soleil" est un vrai chef d'oeuvre. Nicolas Colle a rencontré le réalisateur et toute l'équipe de tournage. Foto: Distribution

(Par Nicolas Colle) – Directeur de la photographie de profession, ayant travaillé sur certaines des plus grandes œuvres du cinéma français comme «Germinal» de Claude Berri ou «Un cœur en hiver» de Claude Sautet, Yves Angelo passe une nouvelle fois à la réalisation avec ce troublant «Au plus près du soleil», titre énigmatique, dix ans après avoir mis en scène «Les Ames Grises» adapté du roman homonyme du Lorrain, Philippe Claudel.

Comme dans ce dernier long métrage, le cinéaste explore à nouveau les tourments de l’âme humaine à travers ce qui pourrait s’apparenter ici, à une sorte de thriller dramatique juridico-privé. L’auteur s’en défend : «Le film aurait pu être un thriller avec tous les codes que ça suppose mais ça n’est pas vraiment le cas. Il s’agit plus d’un drame intimiste car même si le récit contient des paramètres du thriller, le film n’est pas du tout de cet ordre là que ce soit dans le rythme ou même dans l’action. Pour moi, il était surtout question de raconter une histoire autour d’un groupe d’individus qui tentent d’affronter une situation à laquelle ils ne sont pas préparés, ce qui amène alors un profond désordre autour d’eux…ou tout simplement le chaos».

Un couple de juristes. – Une nouvelle plongée au cœur de la complexité des êtres humains. On y suit le personnage de Juliette, une jeune fille un peu paumée vivant au crochet d’hommes fortunés, le plus souvent mariés. Un jour elle est entendue par Sophie -interprétée par Sylvie Testud toujours impeccable-, juge d’instruction, pour abus de faiblesse envers un amant. Au cours de l’enquête, Sophie comprend que Juliette n’est autre que la mère biologique de l’enfant qu’elle a adopté près de vingt ans plus tôt. Prise de jalousie et de colère, Sophie va s’acharner contre Juliette au point de la mettre en examen alors que, compte tenu de la faiblesse du dossier, rien ne le permet.

Olivier, mari de Sophie et avocat, désapprouve l’attitude de son épouse qui est censée faire appliquer la justice et qui agit aveuglément envers cette pauvre fille. En homme de justice, droit et rigoureux, Olivier décide d’entrer en relation avec Juliette mais sans lui révéler sa véritable identité. Une curieuse relation commence à les unir peu à peu, mais la jeune femme découvre qu’Olivier n’est autre que le mari de la juge sans qu’il puisse lui révéler la vérité au risque de mettre en péril la carrière de son épouse et l’équilibre de son fils. Et alors qu’il se trouve de plus en plus prisonnier de son mensonge, un drame inéluctable se profile.

L’œuvre d’un photographe, spontanée. – On demande alors au réalisateur, précédemment directeur de la photographie, comment il a bien pu procéder pour composer l’image de son film, très belle et sobre à la fois. Mais on connaît son exigence professionnelle et passionnelle pour l’image: «Quand je mets en scène, j’ai un directeur de la photographie qui m’accompagne mais là, j’ai filmé moi-même la plupart des plans car nous étions toujours en caméra à l’épaule. D’où l’aspect très sobre de l’image que vous évoquez, qui est dû au fait qu’on laisse peu de place à la possibilité de faire une lumière qui pourrait trop se montrer. J’ai expérimenté ce principe en tournant «Mon âme par toi guérie» de François Dupeyron, c’est un principe qu’on applique à des films où il y a peu d’argent et peu de temps pour filmer. Du coup, la caméra est toujours à la main et on improvise ; tout est dans la continuité, les acteurs jouent leur scène du début à la fin sans interruption. Dès lors on ne perd pas de temps pour mettre en place des installations techniques trop lourdes. On prépare simplement la scène avec les acteurs et dès que tout est au point, on tourne. Cela permet de filmer beaucoup plus sur une journée et laisser plus de place aux comédiens.»

Et justement, les comédiens… – Tour à tour manipulatrice, charmeuse, sensuelle, agaçante, fragile et attachante dans un personnage que le metteur en scène qualifie : «d’une grande innocence mais venimeuse car s’étant fait avoir par la vie», la jeune Mathilde Bisson est une vraie révélation dans ce personnage de Juliette, son premier grand rôle de cinéma. Ecoutons ce que cette jeune actrice très prometteuse nous dit de ce qui marque sa première grande expérience : «Avec Yves on s’est dit qu’il fallait éviter de tomber dans la caricature de la fille paumée, qu’il fallait la défendre et qu’on l’aime. Sur le tournage, j’ai sentie qu’elle portait en elle une sorte de malédiction. Elle est complètement maudite et surtout très seule. Elle n’a aucune famille. Très jeune elle a eu un enfant qu’elle a été contrainte d’abandonner. Pire à chaque fois qu’elle approche un homme, il y a un drame qui se produit alors qu’elle a simplement besoin d’amour et d’être protégée. Sans parler du dénouement final où on est carrément dans une sorte de tragédie grecque. En tout cas, pour tout ce qui concerne la préparation du rôle, je n’ai pas essayé de comprendre son parcours mais plutôt de la faire apparaître comme quelqu’un de fantomatique, qu’on n’arrive pas à cerner. Je ne voulais pas non plus être dans la séduction mais plutôt dans quelque chose de brutal, d’animal, rien ne devait être trop psychologique. En fait, je pense qu’elle est dangereuse malgré elle. Quand elle n’est pas satisfaite, elle sème le désordre comme le ferait un enfant sans se rendre compte de ce qu’il peut provoquer

Dans le rôle de son protecteur menteur, on retrouve le très talentueux et toujours habité Grégory Gadebois qui incarne ici un homme en proie à un conflit intérieur extrême et qui voit toutes ces certitudes s’ébranler peu à peu comme il le dit : «C’est un homme qui est partagé entre l’amour qu’il éprouve pour sa famille et son métier qui occupe une place très importante puisqu’il est avocat et que c’est le genre de profession qui déborde sur votre vie de tous les jours car elle vous influence dans votre manière de voir la vie et les autres. En réalité, il n’est pas vraiment attiré par Juliette. Il est même contre ce qu’elle représente même si elle peut l’émouvoir car c’est tout de même la mère de son fils et que cela le rend forcément très confus. Mais ce qui est sûr, c’est que pour lui, sa femme agit de façon injuste vis à vis de cette fille qu’il veut alors sauver. Mais en faisant ce qu’il pense être juste et en lui mentant pour préserver son épouse et leur enfant, il devient prisonnier de son mensonge, ce qui amène peu à peu une situation terrible.»

Entre vérité et mensonge ? – C’est donc toute la problématique de l’affrontement du mensonge et de la vérité qui est explorée ici et qui pose une question qui peut paraître ambitieuse et triviale à la fois mais qui prend néanmoins tout son sens à la fin. Toute vérité est elle bonne à dire ? Bien que débutant par une légère baisse de rythme, le dernier acte s’achève dans un dénouement dramatique très fort et émouvant : «Dès lors que les personnages choisissent de mentir, pour moi ils se dirigent forcément vers un drame. Pour moi, c’est effectivement mieux de dire la vérité mais ce n’est pas toujours facile car l’humain entre en jeu. On a beau tenir un raisonnement précis et clair et savoir exactement comment agir avec les gens, dès qu’on se retrouve face à eux, rien n’est plus aussi simple et clair. Et puis, n’importe qui peut dire qu’il aurait été résistant en 40.» Percutant, Monsieur Gadebois.

Ce à quoi Monsieur Angelo ajoute pour conclure : «Le problème c’est que chacun croit être dans la vérité de son mensonge. Par exemple, la juge ment car elle pense que ce ne serait pas une bonne chose pour son fils de savoir qui est sa mère, donc elle le fait car c’est sa vérité. Et elle la défend car elle croit qu’elle est dans la raison. Donc la notion de mensonge et de vérité est très fragile et aléatoire et le film parle de ça. D’ailleurs je tenais à ce que mes personnages soient des gens de justice en raison des hommes de parole et de vérité qu’ils sont censés incarner

En bref, un drame complexe mais très bien ficelé et passionnant.

Pour visionner la bande annonce du film, CLIQUEZ ICI !

Affiche : Distribution

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1 Kommentar zu Le Droit et l’éthique des juristes. Tragique parfois.

  1. Gervaise Thirion // 10. September 2015 um 17:08 // Antworten

    Suspense dans le film comme dans l’article … le titre est découvert à la fin…

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