Le faux débat sur le concert annulé de Black M à Verdun

Black M ne donnera pas de concert lors des commémorations à Verdun. Foto: Ludovic Etienne / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – La bataille de Verdun qui durait de février à décembre 1916 a coûté la vie à 317 000 jeunes Français et Allemands et elle est devenue le symbole pour l’absurdité de la guerre. La « Mission du Centenaire » en charge des commémorations de la Ière Guerre Mondiale avait donc décidé d’organiser le 29 mai prochain, une grande journée de commémoration en présence de jeunes Français et Allemands, une manifestation symbolique censé véhiculer un message auquel tout le monde devrait pouvoir souscrire – « jamais plus ça ! ». En voulant organiser cette manifestation de mémoire sur une note « jeune », la « Mission du Centenaire » a commis une erreur. Elle avait programmé un concert avec le rappeur Black M. Suite aux protestations contre ce concert d’un artiste dont certaines chansons sont de nature homophobe et raciste, la municipalité de Verdun a fini par annuler le concert. Depuis, tout le monde s’accuse mutuellement de « fascisme » et ce débat connaît déjà un grand perdant – le bon sens.

Moderniser le travail de la mémoire est une bonne chose, car le travail de la mémoire remplit une mission précise : la transmission de la mémoire collective aux générations suivantes. Lorsque l’on veut communiquer avec les générations suivantes, il convient de s’adresser aux jeunes dans un langage auquel ils peuvent adhérer. Les défilés militaires, les levers de drapeaux solennels, les fanfares – tout ça ne parle plus aux jeunes. Donc, en principe, l’idée d’un concert rap dans le cadre de cette commémoration du 29 mai, n’était pas mauvaise. Seulement, les responsables ont fait en mauvais choix en engageant Black M.

Dans ses chansons, Black M exprime une homophobie caractérisée (« je crois qu’il faut couper le pénis aux pédés ») et un racisme « anti-blanc » (désignant dans une autre chanson la France comme le « pays des infidèles ») et il ne représente rien qui aurait un quelconque rapport avec cette commémoration du 29 mai. Toutefois, l’annulation du concert a déclenché de vives réactions. La gauche française parle du « début du fascisme », des commentateurs craignent une interdiction de courants artistiques non-désirés comme à l’époque des nazis qui avaient interdit « l’art dégénérée », donc, les créations artistiques considérées comme contraire à l’idéologie nazie. Mais ces comparaisons, cette crainte d’un début de fascisme, sont tout simplement fausses.

Si la « Mission du Centenaire » avait choisi un autre groupe, par exemple les jeunes rappeurs franco-allemands du groupe « Double Deux – Zweierpasch » qui célèbrent dans leur chansons l’amitié franco-allemande (« Grenzgänger / Frontaliers »), le débat n’aurait pas eu lieu. Un concert avec ce groupe aurait véhiculé un message précieux – un message d’une réconciliation réussie, le message d’un avenir paisible entre la France et l’Allemagne, une promesse entre la jeunesse française et allemande – « jamais plus ça ! ».

Le débat sur la liberté d’expression est difficile. Mais il convient de dire haut et fort que l’homophobie et le racisme ne sont pas des « opinions », mais des attitudes répréhensibles qui n’ont pas leur place lors d’un recueillement à un endroit ou plus de 300 000 jeunes Européens ont dû sacrifier leur vie sur l’autel des ambitions maladives des pouvoirs de l’époque. Et non, s’indigner face à l’homophobie et le racisme n’a rien de « fasciste », au contraire. S’élever contre ces attitudes, c’est défendre la vision d’une société paisible où le vivre ensemble serait plus qu’une vaine expression.

La liberté d’expression n’est pas menacée en France. Personne n’interdira à Black M de donner ses concerts et de vendre ses CDs. En ce qui concerne les commémorations à Verdun, la « Mission du Centenaire » pourrait contribuer à calmer ces débats. Il suffirait d’admettre qu’il s’agissait tout bonnement d’une erreur de casting.