Le fiasco des Gilets Jaunes au Portugal

Pourquoi le mouvement des Gilets Jaunes, exporté au Portugal sous l’appellation « Coletes Amarelos », n’a-t-il pas connu de succès ?

Faute de LBD équipant la police et de Coletes Amarelos, il n’y a pas eu au Portugal de tirs de LBD mutilant des manifestants. Foto: Patrice CALATAYU / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – Emboîtant le pas des manifestations anti-vax et/ou anti-pass et réagissant à la hausse du coût des carburants, le mouvement des Gilets Jaunes, qui connût son apogée durant l’hiver 2018-2019, tendrait à revenir sur la scène publique en France. Un mouvement de contestation qui s’est exporté dans d’autres pays d’Europe et jusqu’au Liban. Pour la Péninsule Ibérique, la greffe a pris en Espagne, où le « Mouvement des Indignés » avait, en quelque sorte, préparé le terrain de 2011 à 2015. Au Portugal, par contre, malgré plusieurs appels à manifester, il ne s’est quasiment rien passé.

Pour ce qui est de l’Espagne dès 2011, Los Indignados ont, avec le « Movimiento 15-M », largement contribué à ce que tout un chacun s’investisse dans le débat politique. Ce qui a préparé favorablement l’arrivée des Gilets Jaunes, notamment via la Catalogne où ils surfèrent sur la vague des aspirations indépendantistes d’une partie de la population. Mais les manifestations en Espagne de Los Armilles Grogues, firent couler relativement peu d’encre dans la presse ibérique, qui par contre, suivit de près ce qui se passait en France lors des multiples « actes » des Gilets Jaunes.

Au Portugal, le mouvement de la jeunesse pour le droit à l’emploi « Geração à Rasca » (Génération à la Casse), était l’une des sources d’inspiration de Los Indignados espagnols. Mais le mouvement des Gilets Jaunes, qui en France eut au moins le mérite de rappeler aux gouvernants que la lutte des classes n’est pas juste une vue de l’esprit appartenant à la fin de l’Histoire, rassembla plus de policiers que de manifestants et ne dura guère.

Selon divers observateurs et analystes, le mouvement des Coletes Amarelos n’a pas, malgré une conséquente communication sur les réseaux sociaux, pris au Portugal et ce, pour diverses raisons. Notamment parce que le Gouvernement Costa, en place depuis 2015, mène une politique anti-austérité et pro-européenne. Deux orientations inconciliables pour les esprits étroits souverainistes, mais permettant aux habitants de ce petit pays de voir leurs conditions de vie s’améliorer.

Évidemment, un gouvernement qui se dit de gauche, pourrait faire plus et mieux. Mais justement à sa gauche, le « Bloco de Esquerda » (BE) ainsi que le « Partido Comunista Português » (PCP) qui depuis 1987, sait s’allier avec les écologistes pour former la Coligação Democrática Unitária (CDU), sont aussi là pour l’aiguillonner et ils le font très bien. Ainsi, quand le mouvement des Gilets Jaunes a cherché et cherche encore à s’implanter au Portugal, le contexte y est moins favorable.

Autre élément et non des moindres, comme pour certaines de ses composantes françaises, ce mouvement a été porté par l’extrême-droite, ce qui contrairement à son grand frère français, l’a conduit au fiasco total. Le « Partido Nacional Renovador » (PNR), fondé en 2000 et renommé en 2020 « Ergue-te » (se lever), n’a jamais dépassé les 1% aux législatives. Il représente plus encore que « Chega » qui joue la carte du souverainisme, l’extrême-droite la plus crasse et de plus salazaro-nostalgique.

Or, au Portugal, personne ne dit naïvement : « Pourquoi ne pas voter pour l’extrême-droite, puisque nous l’avons jamais eu au pouvoir ? ». Soit on veut son retour, soit on ne veut pas qu’elle revienne, mais on ignore pas qu’elle fut au pouvoir avec l’Estado Novo de 1933 à 1974. Contrairement à la France où beaucoup oublient le Gouvernement de Vichy, l’État Français, la collaboration, la Rafle du Vel’ d’Hiv’, sans compter après la Libération, les méfaits d’officines telles que l’Organisation Armée Secrète (OAS).

Au Portugal, plus l’extrême-droite appelle à descendre dans la rue, plus les gens ont d’excellentes raisons de rester chez eux. D’où le fiasco des Coletes Amarelos. En tous cas, tant que la gauche de gouvernement est au pouvoir. Mais en 2018, en mobilisant 19.000 agents des forces de l’ordre, les pouvoirs publics avaient tout de même anticipé un vaste mouvement. Ce qui leur valu une volée de bois vert de la part des syndicats, pour avoir privé des fonctionnaires de leurs week-ends en surdimensionnant les dispositifs policiers, pour un peu plus de 400 manifestants dans tout le pays !

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