Le football allemand – un modèle pour la France ?
Français et Allemands ont la même passion pour le football. Pourtant, la gestion des clubs mine l'intérêt des supporters pour le sport. Entre Karlsruhe et Strasbourg, la comparaison ne vire pas à l’avantage des Français.

(Mathieu Rampin) – La vallée du Rhin vibre tous les week-ends au rythme du football. Une journée particulière était le 25 janvier et ça vaut la peine de revenir sur cette journée-là. À 13 h, les Allemands du Karlsruher SC (KSC) recevaient Fortuna Düsseldorf en Ligue 2 allemande, tandis qu’à 19 h, le Racing Club de Strasbourg (RCSA) accueillait l’OSC Lille en Ligue 1 française. L’occasion de revenir sur les aspects politiques et extra-sportifs de ces deux clubs amis (les associations de supporters des deux clubs ont un partenariat à 3 avec la Hertha BSC Berlin).
Lors de ce week-end qui précédait le 80e anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz, l’ensemble du football professionnel allemand s’était mobilisé pour ne pas oublier l’horreur de la Shoah. À l’heure où le parti d’ultra-droite AfD (Alternative für Deutschland) est à plus de 20% des intentions de vote pour les élections législatives anticipées qui auront lieu le 23 février en Allemagne, le speaker du stade à Karlsruhe a bien précisé que le KSC luttait contre le racisme et l’antisémitisme. Tout ça dans une minute de silence très émouvante.
Le soutien des supporters de Karlsruhe était exemplaire et en face du kop bleu et blanc du KSC, 3.500 supporters de Düsseldorf avaient traversé l’Allemagne pour animer le parcage visiteur. Un chiffre saisissant si on le compare à ceux de la Ligue 2 française où certains clubs peinent même à réunir ce genre d’affluence à domicile.
On peut aussi s’interroger sur la manière dont sont gérés les déplacements des supporters en France. Les supporters strasbourgeois sont souvent limités, voire interdits de matchs à l’extérieur. La difficulté d’un pays qui a accueilli les Jeux Olympiques à organiser des déplacements de 500 fans, fait pâle figure en comparaison de ce qui se fait outre-Rhin.
Ce qui était frappant au match à Karlsruhe, c’est qu’au moment du coup de sifflet final, l’ensemble de l’équipe de Düsseldorf s’est précipité vers la tribune où sont massés leur supporter pour célébrer avec eux. Cette image semble banale en championnat allemand, alors qu’en France, les joueurs préfèrent se tourner vers les caméras afin d’avoir le meilleur angle pour immortaliser leur célébration. Lors des fins de match, les joueurs attendent que le capitaine ou le coach leur demandent de saluer les supporters pour le faire. De plus, ce genre de fête n’a lieu qu’en cas de victoire.
L’ensemble du staff du KSC s’est également rendu devant la tribune des ultras pour chanter, un moment de communion, sorte de remerciement pour les encouragements reçus et inversement, une marque de soutien qui atténue la douleur de la défaite.
À peine le match terminé à Karlsruhe, que les portes du stade de la Meinau s’ouvraient pour accueillir une équipe qui n’avait pas perdu depuis le mois de septembre en Ligue 1, l’OSC Lille. Mais depuis plusieurs semaines, l’ambiance est morose dans l’antre du Racing Club de Strasbourg. Même s’il s’agit d’un des seuls stades français à faire le plein à chaque match, contrairement à Allemagne où on ne compte que très peu de sièges vides. Depuis l’arrivée d’un nouveau propriétaire en Alsace il y a un an et demi, les Ultras mènent une fronde d’ampleur. Cette dernière s’est accentuée cette saison avec une grève des chants durant les 15 premières minutes du match. Les plus fervents supporters reprochent au consortium « BlueCo » de vouloir essentiellement faire des bénéfices en achetant des jeunes joueurs au détriment du projet sportif et de l’âme du club.
La série de 7 matchs sans défaite, qui s’est terminée à Rennes le week-end dernier, avait pourtant relancé l’enthousiasme et l’ambiance perdue de la Meinau. Après avoir observé le désormais traditionnel quart d’heure de grève, les associations de supporters ont réalisé un magnifique tifo (fresque artistique réalisée par les supporters en tribune).
À la fin du match, après un petit moment entre joueurs et supporters, le jeune capitaine de Strasbourg Habib Diarra a pris le micro pour s’adresser au kop. Il a demandé un soutien de la 1re à la dernière minute des matchs et cette prise de parole était de nature à encore creuser le fossé entre ceux qui veulent chanter et ceux qui veulent le départ des nouveaux dirigeants.
En Allemagne, cette question ne se pose pas. À part dans certains clubs business comme RB Leipzig et Hoffenheim 1899, les clubs appartiennent à minima à 51% aux associations de supporters. Ce système fait partie du respect global des supporters, ce sont eux qui font vivre le football et s’ils ne sont pas respectés, il ne faudra pas s’étonner que les droits télés à l’instar du remplissage des stades chutent. Reste la dernière question – si les supporters allemands aient pu commémorer dignement les 80 ans de la libération du camp de concentration d’Auschwitz, pourquoi ce n’est pas possible en France ?
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