Le fossé entre l’Est et l’Ouest

Lors de la «Conférence sur la sécurité mondiale» à Munich, les représentants des grandes puissances mondiales montrent que le monde est à nouveau coupé en deux – la «Guerre Froide 3.0» a commencé.

Le chef de la conférence à Munich, Wolfgang Ischinger, était au centre de l'intérêt des médias. Foto: Harald Dettenborn / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Le premier ministre russe Dimitri Medvedev était amer. Dans son discours à Munich, il a retracé la vue russe sur les décennies depuis la fin de la IIe guerre mondiale et du coup, les observateurs comprenaient que la Russie porte un bagage lourd – celui d’un grand pays qui se sent exclu de toutes les décisions importantes et qui voit ses intérêts sécuritaires menacés par le rapprochement de l’OTAN. Pour les puissances occidentales, la Russie n’est autre que la vieille menace communiste et entre ces deux positions, il semble y avoir peu d’espace pour une véritable entente. C’est la population civile en Syrie qui en fait les frais de cette mésentente entre les grandes puissances mondiales.

Oui, il y avait cette annonce faite vendredi dernier – en une semaine, disaient les représentants des grandes puissances, il faudra que les combats en Syrie soient «temporairement suspendus». Les négociateurs n’arrivaient pas à s’accorder sur le terme «cessez-le-feu» et après tout, cette intention louable de suspendre les combats, n’engage personne. Surtout dans la mesure où des belligérants comme le «Daesh» n’étaient pas impliqués dans ces négociations et que ce sont justement ces groupes et milices qui veulent poursuivre les combats. Et le monde constate que la guerre que mènent les grandes puissances mondiales en Syrie, ne se dirige qu’accessoirement contre ce groupe terroriste – chacun poursuit ses propres objectifs en Syrie et force est de constater que la Syrie est devenue la scène d’une «guerre de substitution», comme à l’époque le Vietnam, et que la vraie opposition y est celle entre l’Ouest et l’Est.

Les intérêts géostratégiques entre l’Ouest et l’Est sont très différents. Et, à ce qu’il paraît, on ne trouve pas de dénominateur commun entre la Russie et l’alliance dirigée par les Etats-Unis. La personne-clé en Syrie est et restera le dictateur Bachir al-Assad. La Russie veut, à tout prix, le maintenir en place et soutient donc les troupes de «l’armée régulière» syrienne dans ses actions militaires contre les «rebelles» qui eux, sont soutenus par l’alliance occidentale. En ajoutant le «Daesh», la «Hisbollah», les Kurdes, différents groupes terroristes et des milices régionales et locales, on arrive à une situation où plus personne ne sait qui tire sur qui et pourquoi.

On estime le nombre de victimes de cette guerre en Syrie entre 250000 et 500000 et plusieurs millions de civils ont déjà dû fuir le pays. L’impossibilité de trouver une approche commune entre les belligérants, chacun poursuit ses actions militaires. Conséquence logique – en vue de l’intensité des combats et bombardements, les civils qui sont restés, quittent aussi le pays tant qu’ils le peuvent. Seulement voilà, plus personne ne veut les accueillir. Car leur misère et pauvreté nous dérange.

L’alliance qui bombarde quotidiennement la Syrie, sans pour autant réussir à «combattre le terrorisme», est en première ligne de ceux qui refusent d’accueillir ceux qui fuient leurs bombes. La déclaration de Manuel Valls à Munich («nous avons accueilli 30000 réfugiés et maintenant, ça suffit, nous n’allons pas en accepter davantage») est l’illustration parfaite du cynisme européen face à la tragédie syrienne.

Les puissants du monde ont réfléchi à Munich sur ce qu’il faut faire pour stopper l’afflux de réfugiés. On y a discuté la renaissance des frontières intérieures en Europe, on a discuté des actions quasiment militaires contre les embarcations des passeurs d’hommes en Méditerranée (sans pour autant répondre à la question si l’occident veut réellement couler des bateaux transportant des réfugiés). Mais on n’a pas vraiment discuté d’une fin de ce conflit terrible qui anéantit tout un pays et sa population, mais qui déstabilise toute la région. Et on a omis de se pencher sur la question cruciale – comment venir à bout du «Daesh» qui continue à représenter une réelle menace pour le monde entier.

Les terroristes barbares du «Daesh» doivent se frotter les mains en suivant les reportages de Munich. Le monde est déchiré face au phénomène du terrorisme et n’arrive pas à s’accorder sur une marche à suivre. La «communauté internationale» est devenu un concept aussi théorique que «l’Union Européenne» et- les seuls à en profiter sont ceux que tout le monde dit vouloir combattre. Les terroristes du «Daesh». Une solution qui se dessine à l’horizon ? Force est de constater qu’après l’annonce du plan de «suspendre les combats», ces combats se sont poursuivis avec la même intensité qu’avant. Les grandes puissances n’ont plus aucune emprise sur ce qui se passe en Syrie. Peut-être devrions-nous stopper les bombardements, marquer une pause et réfléchir déjà quant à une démarche occidentale pour la Syrie. L’échec des bombardements systématiques n’est plus à démontrer et lorsque l’on se rend compte qu’une stratégie ne fonctionne pas, pourquoi ne pas la changer ?

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste