Le Front National – le «fastfood» de la politique française

La France excelle ces jours-ci dans une sorte d'hypocrisie électorale. Bon nombre de ceux qui se montrent choqués par les résultats de dimanche, ont eux-même voté pour l'extrême-droite.

Comme le Front National - facile à commander et à consommer, mais assez indigeste à la sortie... Foto: JIP / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Difficile de trouver des électeurs fiers d’avoir voté pour le Front National – tout comme il est difficile de trouver des français qui déclarent fièrement de manger du «fastfood». Pourtant, les chaînes américaines de «fastfood» se portent aussi bien que le Front National, avec un fond de commerce qui se ressemble.

Slogans faciles, appel aux instincts pratiques des consommateurs, ingrédients pas toujours faciles à digérer, mais au moins, personne ne doit réfléchir quant à ce qu’on lui propose. Un système qui, visiblement,marche. Même s’il reste un côté gênant, personne n’avoue volontiers de manger de la «malbouffe», personne n’aime dire ouvertement qu’il vote pour une extrême-droite dont on sait pertinemment qu’elle n’a rien de constructif à proposer.

Bien sûr, les français sont frustrés, angoissés. Les années «Sarkozy / Hollande» ont laissé des traces – difficultés économiques, peur du chômage, insécurité, radicalisation, les français ont peur de l’avenir. Et ils ont l’impression qu’on ne les considère pas comme il faut au niveau international. Un peu comme en Allemagne dans les années 30 du siècle dernier, lorsque l’extrême-droite était arrivée au pouvoir suite à des élections. Avant d’enlever son masque et de passer à l’acte.

Après les élections européennes, lorsque le Front National était arrivé premier parti en France, la chanteuse «La Parisienne libérée» avait produit une chanson intitulée «Les français ne sont pas tous des fascistes» et probablement, elle a toujours raison. Seulement, la France s’apprête à hisser une formation au pouvoir qui, contrairement à ce que disent beaucoup de gens, pourra faire pire que ses prédécesseurs au pouvoir. Le Front National est le parti de la peur, une peur qu’il stimule par tous les moyens, avec des slogans aussi simples que ceux des chaînes de «fastfood».

Mais pendant cette semaine, il convient de réfléchir un peu. Est-ce que les français veulent vraiment abolir les acquis de la civilisation des derniers siècles ? Réintroduire la peine de mort, sachant que cette peine capitale n’a encore jamais empêché un crime ? Est-ce que les français veulent vraiment aller à l’en-contre de la cohésion nationale, en creusant davantage les clivages déjà existants ? Est-ce que les français veulent vraiment créer une situation où les minorités seront stigmatisés ?

L’hypocrisie qui entoure le Front National rend le débat politique difficile. Comment convaincre un électeur du Front National lorsque celui-ci ne se déclare pas ouvertement ? Les «frontistes» n’aiment pas les discussions de fond, ils excellent dans le slogan, dans l’agressivité. Car sur le terrain de la discussion, le Front National manque toujours d’arguments. Tout comme il manque de projets. Il ne faut pas se tromper, l’extrême-droite n’aurait pas pu empêcher les attentats de Paris, elle n’a aucune conception contre le phénomène du terrorisme, aucun plan contre la radicalisation de la jeunesse, aucun projet d’avenir, pas de plan de redressement économique. Rabâcher qu’il «faille rendre la France souveraine», est un slogan creux, mais qui résonne visiblement bien aux oreilles d’une bonne partie des français.

Non, les français ne sont pas devenus des fascistes – mais ils sont devenus de grands consommateurs de slogans politiques et ils ont abandonné l’habitude de réflechir. Il reste une semaine pour que la France retrouve la raison. Donner les clés de la «Maison France» au Front National, ce serait une erreur historique. Le monde entier regarde avec inquiétude ce qui se passe ces jours-ci en France. En craignant que la France répète les chapitres les plus noirs de l’histoire européenne.

6 Kommentare zu Le Front National – le «fastfood» de la politique française

  1. Bravo, encore une fois, à Kai Littmann pour la pertinence de son analyse.

  2. Et pendant ce temps, M. Hollande se dit content des résultats qu’il juge positif pour sa pomme…(cf Europe 1).

    • A pleurer… à quoi sert cette armada de “conseillers” s’ils n’osent pas dire la vérité à ces hommes politiques qui semblent évoluer sur une autre planète ?

  3. Je suis toujours un peu gêné quand on dit ‘les Français’ sont ou ne sont pas… 30% de 50% ne font que 15%, en âge de voter, qui pratique la ‘malbouffe’ même si cela fait beaucoup de trop et devient inquiétant.
    Une solution parmi d’autres pour sortir de cette spirale autodestructrice : il faut interdire le cumul des mandats, limiter ceux-ci dans la durée (2 au grand maximum), rendre le vote obligatoire (il s’agit là d’un devoir de citoyenneté minimal et peu contraignant). Cela aurait certainement l’effet de dépoussiérer notre classe politique, de la redynamiser, donner envie en somme de goûter à toutes les autres cuisines plus appétissantes, surtout à la jeune génération.

    • J’en conviens. Ces généralisations ne collent jamais, mais je peux vous assurer qu’ils sont nombreux en Europe à regarder avec inquiétude en direction de la France dimanche prochain. Vos propositions pourraient effectivement constituer une voie intéressante – surtout celle de rendre le vote obligatoire. Pour la généralisation, je m’excuse.

  4. C’est une juste comparaison, bien que le Front National semble être plus dangereux.

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