Le Gánigo, un objet banal mais pourtant…

Objet du quotidien des aborigènes canariens, le Gánigo était aussi employé lors de cérémonies très importantes.

Un Gánigo exposé au Museo Arqueológico Benahoarita à Tenerife. Foto: ArishG / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Nous avions, dans un précédent article dédié à Hautacuperche, évoqué le Gánigo de Guahedum brisé en signe de rupture du pacto de colactación passé sur l’île de La Gomera entre Hernán Peraza el Viejo et les chefs des tribus d’Ipalan. Objets du quotidien des aborigènes canariens, les gánigos peuvent prendre diverses formes, mais restent des petit récipients en argile façonnés manuellement.

Ils étaient le plus couramment utilisés pour réchauffer de petites quantités d’aliments ou de lait, et employés notamment lors des rituels de mariage des tribus Guanches aux Îles Canaries, où dans ces cas particuliers, ils symbolisaient l’alliance. De ce fait, lorsqu’un couple décidait de se séparer, il devait en donner les raisons au conseil des anciens. Si ce dernier les estimait recevables, dans un acte symbolique, les ex-époux en devenir brisaient les gánigos du mariage, précieusement conservés jusque là. En cas de veuvage, une cérémonie similaire rendait officiellement sa liberté au conjoint survivant.

Faisant partie du quotidien des Canariens de la période pré-hispanique, les gánigos ont traversé les siècles et on les retrouve tant dans la littérature que dans le vocabulaire. Ainsi, à Tenerife, un gánigo est-il un récipient concave à fond plat. En 1904, le prêtre, juriste et historien José Rodríguez Moure (1855-1936) écrivait  : « En arrivant près de sa maison, la belle-mère est sortie comme d’habitude avec le gánigo pour traire la chèvre. ». Le mot d’origine aborigène, selon les linguistes et les ethnologues, est passé dans la langue des occupants espagnols et on en connaît ainsi plusieurs orthographes : gánigo, ganigo, ganeguito, gánico, guánigo, guanigo.

Pour revenir au Gánigo de Guahedum, durant la période pré-hispanique, les tribus scellaient un pacte en buvant du lait dans un gánigo qu’ils enterraient ensuite au fond d’une grotte et le déterraient soit pour le briser lorsqu’il y avait rupture du traité, soit pour le réemployer pour une nouvelle alliance. Il est intéressant de constater que dans les pratiques de ces peuples, un accord ayant une incidence majeure sur le quotidien de la communauté, était scellé par un acte symbolique avec l’emploi d’un objet d’usage banal, et non comme à notre époque, par une signature au bas d’un document, protégé par un dossier de cuir très fin et apposée avec un stylo dont le prix peut très largement dépasser le montant d’un SMIG brut.

On retrouve cet objet sans grande valeur intrinsèque, sur les blasons de certaines localités comme par exemple Adeje à Tenerife, mais aussi sur le drapeau de La Gomera. Si celles et ceux qui ont du pouvoir dans nos pays autoproclamés développés et prétendument civilisés, s’inspiraient quelque peu des pratiques contractuelles des Canariens de la période pré-hispanique, ils auraient une petite chance de se rapprocher du quotidien des gens du peuple, afin d’en comprendre un peu quelque chose et peut-être de redevenir ainsi plus humains…

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