Le GCO ou les excès d’une Europe ultralibérale…

Aucune amélioration à espérer autour de Strasbourg…

La seule raison pour s'accrocher au projet du GCO, c'est qu'un jour, on a pensé que ce serait bien... Foto: Franck Dautel / Eurojournalist(e) / CC-BY-SA 4.0int

(Par Franck Dautel) – Lorsque l’on fait le point sur le GCO, voilà les vraies questions qui se posent : A quoi servirait-il en réalité ? Qui a intérêt à voir ce projet se réaliser et pourquoi ? Quel rapport entre le GCO et l’Europe ultralibérale ?

Qu’on se le dise une bonne fois pour toute : le GCO n’agira en rien sur les taux dangereux de particules fines dans l’atmosphère de l’agglomération strasbourgeoise et de ses environs, ni sur le temps énorme perdus par des milliers d’automobilistes, professionnels ou non. Il pourrait même aggraver la situation, notamment par ce que le trafic routier augmente d’année en année…

Le Grand Contournement Ouest ne sera jamais emprunté par les milliers de “pendulaires”, celles et ceux qui travaillent à Strasbourg et vivent en périphérie. Ils sont 55 000 à arriver tous en même temps le matin et repartent à peu près aux mêmes heures le soir. Qu’ils viennent du Nord, du Sud et de l’Ouest, ils sont pourtant la cause principale des bouchons qu’ils subissent !

On ne pourra pas non plus compter sur une amélioration de l’air et de la congestion des grands axes d’accès à la ville avant très longtemps avec le projet de “boulevard urbain” qui devrait équilibrer les entrées de Strasbourg sur l’ancienne A35 après la construction du GCO. 140 000 véhicules, voitures, camionnettes et camions passeront quotidiennement sur ce “boulevard” avec des personnes ayant à faire à Strasbourg et alentour.

Les 80 000 riverains qui vivent (ou survivent) le long de l’A35 subissent depuis longtemps des niveaux de pollution bien au-delà des seuils acceptables, il leur faudra patienter encore bien des années avant d’espérer respirer ne serait-ce qu’un petit peu mieux…

Le projet du GCO apparait rappelons-le à l’époque où Pompidou était président de la République (1969/1974). C’est un véritable héritage des modèles d’aménagement expansionnistes d’après guerre, c’est dire si ce tracé colle aux réalités du XXIème siècle…

Projet d’autoroute retoqué à trois reprises, on peut s’accorder à reconnaître que si le GCO avait été utile à quoi que ce soit, fluidifier la circulation à Strasbourg et aux environs ou faire baisser la pollution, on n’en parlerait plus depuis très longtemps ! Ce projet est qui plus est, en contradiction totale avec les orientations prises par la France depuis Pompidou : Le Protocole de Kyoto en décembre 1997 et la Cop 21 en décembre 2015.

Un peu d’histoire pour mieux comprendre comment cela est donc possible… – La privatisation des autoroutes initiée en 2002 par le gouvernement Chirac-Jospin est bouclée en 2005-2006 par Chirac-Villepin, on ne sait pas vraiment pour quelle raison… Même si l’on peut avoir son idée là-dessus. Depuis 2006 Vinci, Eiffage et Abertis se partagent 1,5 milliard d’euros de dividendes tous les ans. Vinci est, parmi ces trois concessionnaires, le plus gros, le plus gourmand. Et puisque construire des autoroutes est largement rentable Vinci veut en construire beaucoup et un peu partout et même sans véritable raison. Et si ce ne sont pas des autoroutes, il propose des barrages ou des aéroports, coute que coute… Vinci est le deuxième groupe de BTP au monde. Et champion français du béton.

Les autoroutes sont finalement bradées au privé en avril 2006 (vendues avec une sous-évaluation de 10 milliards d’euros selon la Cour des comptes en 2009). Le 20 février 2007 a lieu le lancement du premier appel d’offres pour construire le GCO (qui sera annulé). 1er plouf !

Le 5 juin 2012 : le groupe Vinci se représente et perd sa qualité de concessionnaire pressenti faute d’avoir trouvé les appuis financiers dans les délais impartis. Second enterrement du GCO.

Juin 2013 : le rapport Mobilité 21 (rapport Duron) estime que le GCO n’est pas un projet de « première priorité », mais de « seconde priorité, quelque soit le scénario financier considéré ». Troisième enterrement du GCO.

Une autoroute peut en cacher une autre ! - Prenons un peu de hauteur et considérons à présent une dimension européenne au problème. Il n’y a pas trente six possibilités pour transiter par route entre le Nord et le Sud de l’Europe et inversement. La plaine du Rhin représente un passage quasi obligatoire pour des milliers de camions qui chaque jour transportent des marchandises. Seulement, la plaine du Rhin est un véritable goulet d’étranglement, sa partie la plus étroite ne faisant en moyenne pas plus de 30 km de large des deux côtés du fleuve. La circulation sature régulièrement côté allemand où l’on rajoute des voies sur l’autoroute A5 pour compenser…

Vinci a déjà la main sur le réseau autoroutier du Sud Est de l’Allemagne – à travers la Sté Via Solutions Südwest dont Vinci détient directement et indirectement 62,5% des parts – et n’espère plus que le GCO se concrétise pour avoir le contrôle total du trafic routier européen. Qu’en disent les autorités politiques locales, nationales françaises ou allemandes ? Qu’en dit l’Europe ? Grand silence, alors qu’une multinationale aux méthodes réputées pour être “très respectueuse des lois et règlements” fait ce qu’elle veut sous leur nez !

Il faut fluidifier la circulation côté allemand et faire passer plus de camions de l’axe Nord-Sud autre part, par exemple à partir de Mannheim vers le Sud. Le GCO démarre à Vendenheim, là même où aboutie l’Autoroute des Cigognes qui monte droit vers Lauterbourg et la frontière allemande. Au-delà, c’est la belle forêt du Bienwald, puis, au Nord… l’autoroute A 65, qu’il sera facile pour Vinci de connecter à l’A 35 jusqu’à Vendenheim puis au GCO vers le Sud ou le Nord dans l’autre direction.

A partir de là, l’objet du GCO est clair : des milliers de camions transitant sur cet axe Nord-Sud pourront emprunter quotidiennement le côté français, que ce soit pour rejoindre la Suisse, l’Italie ou bien entendu l’Espagne grande consommatrice de transports routiers, en tout plus d’une quinzaine de pays européens ou non… Des camions lancés à plein régime à travers le Kochersberg qui viendront pourrir l’existence des habitants des communes environnantes, jusqu’à celle, encore, de ceux de toute l’agglomération strasbourgeoise, les vents dominants soufflant majoritairement… de l’Ouest !

Des complicités locales… – Le 22 novembre 2013 a lieu la remise du rapport du CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable) sur le GCO, commandé par le ministre des Transports. Et en octobre 2015, le gouvernement Valls – dont le conseiller aux transports, Loïc Rocard, est un ancien de Vinci – choisit… Vinci comme concessionnaire.

Nous sommes à 4 mois des élections municipales et donc aussi de la recomposition de la communauté de communes de Strasbourg. Problème, même si la gauche l’emporte à Strasbourg, elle se retrouvera peut-être bien seule, entourée de communes dirigées par la droite. Le résultat des élections confirmera ce scénario. La droite emporte en 2014 la majorité des communes de la communauté urbaine de Strasbourg, à part Strasbourg. Les socialistes souhaitent conserver la présidence de la communauté urbaine, future Eurométropole. On trouvera bien une solution ! Quel petit cadeau pourrait faire plaisir à la droite ? Il faut bien une dote dans les vieux mariages, vous savez… Le GCO ! Mais bien sur ! C’est dans la poche ! A droite on l’aime beaucoup le GCO, tout comme à la région, au département et à la CCI, les multinationales on les adore ! Mais voilà, petit problème, le maire de Strasbourg soutient dur comme fer depuis 2008 que le GCO est un projet archaïque « Ma position n’a pas changé depuis que je suis maire, je suis contre le GCO ».

Le « grand retournement » des élus socialistes de Strasbourg a démarré. Bien des vestes vont se retourner. Le GCO est ressuscité…

Des solutions ? - Le collectif “GCO non merci” ne fait pas que contester la construction de cette autoroute. Il a également travaillé à proposer des alternatives réalistes car si la solution proposée par le GCO n’a pas de sens, les vrais problèmes demeurent. Vous pouvez télécharger gratuitement le document “10 solutions pour faire sauter les bouchons” édité par Alsace Nature, ici : https://gcononmerci.org/

Vinci et l’égo local d’un seul homme ou presque ? - Quel est l’homme politique de gauche, enfin on ne sait plus très bien, Président de l’Eurométropole, est le VRP le plus accroché viscéralement à Vinci ?

Robert Hermann a dit (sans rire), lors du débat public sur le GCO organisé (par Rue 89 Strasbourg) à l’Odyssée le 14 septembre 2016  « Il faut siffler la fin de la récréation, faire le GCO, il est nécessaire. Sinon l’Alsace va s’effondrer. » ou encore « Je préfère que l’Alsace soit un couloir à camions plutôt que d’être exclue du monde.» On voit là à quel point la dote peut entamer parfois et profondément le discernement du marié.

Un couloir à camions il risque bien d’y en avoir un et un beau dans la plaine d’Alsace ! La qualité de l’air avait bien besoin de ça ! Ajoutez un boulevard urbain à Strasbourg totalement improvisé pour l’heure et qui pose de sérieuses questions tant budgétaires, d’urbanisme que liées aux éternels problèmes de qualité de l’air !

Et l’intérêt commun il est où dans cette histoire ? - Le bien public est largement bradé dans cette affaire aux intérêts d’une multinationale qui sera toujours gagnante à faire passer le maximum de camions entre ses barrières de péages et dans la campagne de Kochersberg ou du pays de Bade.

Comment comprendre ce qui motive cette portion importante de la majorité municipale pour un projet aussi grotesque, aussi téléguidé ? Complicité idéologique entre gouvernants et patrons du BTP ? Egos surdimensionnés à la manœuvre ? Promesses impossibles à trahir contrairement au reste ? Copinages politiques ? Un peu de tout ça ?…

“Nous ne défendons pas la nature mais c’est la nature qui se défend au travers de nous. Nous sommes les graines de la révolte que vous semez. Terre mère n’est pas à vendre. Un monde sans Vinci est possible” extrait du discours d’un zadiste le 30 septembre 2017 Manifestation contre le GCO, place Kleber à Strasbourg.

Sources : DNA, Rue 89 Strasbourg, GCO non Merci, Reporterre, La Tribune.

1 Kommentar zu Le GCO ou les excès d’une Europe ultralibérale…

  1. Robert Friederich // 8. Oktober 2017 um 14:00 // Antworten

    Les multinationales forment entre elles un ghetto auxquelles n’ont accès que les plus riches et les personnes influentes politiquement (ces derniers à durée limitée)! Donc, soit le plus fort ou crève !

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