Le Grand Est – entre déroute et rebond
Alain Howiller sur l'évolution de l'économie dans la Région Grand Est et en Alsace - le coronavirus est passé par là...
(Par Alain Howiller) – En Avril 2017, le Conseil Régional du Grand Est adoptait, au terme d’une année d’analyses et de débats, son « Schéma Régional de Développement d’Innovation et d’Internationalisation – SRDEII » qui avait pour ambition, sous le titre générique de « BeEst », de définir les outils ambitieux et adaptés au service des entreprises pour faire de l’économie du Grand Est une économie volontariste, innovante et prête à relever et à anticiper les nouveaux défis de la 4ème « Révolution industrielle ». Le schéma mettait notamment en place un plan d’action en faveur des PME industrielles, artisanales et agricoles. Trois ans plus tard, la Commission Permanente du Conseil Régional, réuni le 15 Mai à Strasbourg, ne pouvait que constater que le schéma était désormais « caduc » !
La crise sanitaire du Covid-19 et le manque, pour cette seule année, d’une recette de 75 millions d’euros, forcent l’institution régionale à revoir ses priorités : quatre groupes de travail, associant notamment des dirigeants d’entreprises, des experts, des élus, vont réfléchir aux aménagements et révisions à apporter au SRDEII. Leur travail aboutira à la définition d’un « Business Act Grand Est » définissant la feuille de route « post Covid-19 » qui dégagera les priorités régionales pour le court et le moyen terme. Le « Business Act », auquel l’Etat apportera son concours, sera soumis le 18 Juin au vote de l’assemblée régionale du Grand Est.
Des espoirs de reprise, malgré tout ? – Une démarche indispensable car, comme le soulignait Jean Rottner, Président du Grand Est, il faudra faire des choix, prendre des décisions budgétaires et inventer de nouvelles approches : « (Dans la situation actuelle)… nous ne pourrons plus nous contenter d’accorder une petite subvention par-ci-par-là », devait-il rappeler. Dans sa dernière note de conjoncture (datée du 18 Mai), la Banque de France, reprenant pour une large part les termes de sa précédente analyse mensuelle, tout en les nuançant quelque peu, relève : « Selon les chefs d’entreprise interrogés, les pertes d’activité dans l’industrie et dans le bâtiment auraient été un peu moins importantes en avril que durant les premières semaines de confinement fin Mars…. » Précédemment (1), la Banque avait constaté : « Dans un contexte de pandémie mondiale, l’économie régionale connaît un brusque et violent coup d’arrêt dans tous les secteurs ». Cette fois, la Banque, sans évidemment vouloir minorer les effets de la crise sanitaire, relève à propos de l’industrie (18,6% de l’emploi total dans le Grand Est) : « Nouvelle diminution de la production et, dans une moindre mesure, des effectifs. Carnet de commandes insuffisant ». Mais la note souligne une « reprise progressive de l’activité attendue dans les mois à venir. »
A propos des services marchands (un peu plus de 18% de l’emploi total), la Banque de France précise : « Effondrement de la demande et de l’activité avec une légère baisse des effectifs. Trésoreries resserrées pour une majorité des secteurs ». Mais là encore, l’établissement bancaire introduit une nuance en notant : « Relance partielle de l’activité et de la demande attendues à court terme. » Pour autant, précise le texte : « La région apparaît plus touchée dans le secteur des services marchands, et l’écart avec le niveau national est moins marqué que dans l’industrie. L’activité devrait s’améliorer sensiblement après le confinement pour représenter 2/3 du niveau attendu d’un mois normal ». Pour le bâtiment et le secteur des Travaux Publics (près de 8% de l’emploi total), la note de conjoncture constate : « Forte dégradation de l’activité qui succède à un début d’année encourageant… Carnet de commandes globalement en deçà des attentes pour l’ensemble de la construction. Prévisions peu favorables et teintées d’une forte incertitude. »
Un Grand Est moins marqué. – Dans l’industrie, 59% des chefs d’entreprise (contre 66% sur le plan national) pensaient retrouver une activité normale en ce mois de Mai, tandis que 65% (contre 59% au plan national) des dirigeants du secteur des services marchands s’attendaient à retrouver, ce mois-ci, une activité normale. L’un dans l’autre, les chefs d’entreprises restent prudents quant à l’avenir, sans pour autant baisser les bras ! Même si, comme le souligne une étude de l’INSEE sur « l’impact économique de la crise sanitaire en région », depuis le confinement, « l’économie a brutalement ralenti. Dans le Grand Est, la perte d’activité au 7 Mai est estimée à 31,5%. Cela signifie que la région produit actuellement près d’un tiers de richesse en moins qu’en temps normal ». Pourtant, poursuit l’étude : « Le Grand Est est la quatrième région métropolitaine de plus faible baisse d’activité derrière la Bretagne, les Hauts-de-France et la Nouvelle-Aquitaine. Le ralentissement économique dans la région est un peu moins marqué qu’au niveau national : -31,5% contre -32,8% en moyenne nationale… ».
Une chute plus forte en Alsace ! – L’étude de l’ INSEE poursuit : « L’activité économique ralentit fortement dans tous les départements de la région, mais avec une intensité différente. La diminution d’activité va de 29,8% dans la Meuse à 34,7% dans le Haut-Rhin… L’activité économique dans les départements alsaciens chute davantage en raison du poids plus élevé des secteurs fortement impactés tels que la construction et l’industrie automobile dans le Haut-Rhin (PSA et des sous-traitants), le commerce et l’hébergement-restauration dans le Bas-Rhin. Ainsi, 27,5% des salariés du Bas-Rhin et 28,6% des salariés du Haut-Rhin travaillent dans un secteur fortement impacté, contre 24,7% dans la région. Le poids des services principalement non-marchands y est également plus faible que dans le reste du Grand Est…. La proportion de salariés travaillant dans un secteur fortement ou très fortement impacté par la crise est plus importante dans les départements alsaciens et en Moselle. A l’inverse, dans la Meuse, plus de la moitié des salariés travaillent dans un secteur assez peu impacté, contre 40% seulement dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin. »
Entre une forme de déroute assumée et une volonté de rebond, l’économie nationale peine à sortir d’une crise sans précédent : hier encore – c’était avant !- un miracle économique (2) semblait à portée de main et à 8,1%, le taux de chômage n’avait jamais été aussi bas depuis 2008 !
Porte de Brandebourg et Place de la République – De quoi demain sera-t-il fait si la France devait affronter, comme certains experts le redoutent, une baisse de PIB de 8,2% (6,5% en Allemagne et 7,7% pour la zone euro) et le retour à un taux de chômage frisant les 10% ? En Mars déjà, le chômage avait augmenté de 9% dans le Bas-Rhin et de 7% dans le Haut-Rhin : des chiffres que le chômage partiel a fortement diminué. Les données risquent d’être bien plus impressionnantes lorsque le chômage partiel aura été levé…
Pour l’heure, l’économie française est en relative survie grâce aux « respirateurs » mis en place par le gouvernement. Celui-ci annonce un plan de relance pour Septembre, alors que l’Allemagne, par exemple, travaille déjà aux mesures de reprise. D’un côté comme de l’autre du Rhin, l’opinion attend d’être rassurée quant à l’avenir. Par les temps qui courent, l’attente est devenue une denrée rare, et le quarteron des militants d’extrême-droite comme d’extrême-gauche, le clan des conspirationnistes et des négationnistes ne se contenteront pas longtemps des banderoles déployées, à Berlin, devant la Porte de Brandebourg ou à Paris, sur la Place de la République !
(1) eurojournalist.eu du 21.04.2020
(2) eurojournalist.eu du 31.01.2020
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