Le grand retour des obscurantismes
« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas », fait-on, à titre posthume, dire à André Malraux, alors qu’il n’a jamais prononcé cet aphorisme. Par contre, il est certain que nous vivons le grand retour des obscurantismes religieux.

(Jean-Marc Claus) – Imaginer qu’une société humaine soit exempte de tout obscurantisme, relève à la fois du vœu pieux et de l’élucubration. De tous temps science et raison, ont eu à ferrailler avec ignorance et aveuglement, mais nous serions tout de même en droit d’espérer qu’aujourd’hui, internet et mondialisation aidant, notre siècle ne glisse pas vers cet ignorantisme complotiste, la plupart du temps teinté de religiosité.
« Les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent », chante Stéphane Eicher dans « Déjeuner en paix », et au questionnement « Est-ce que tout va si mal ? », répondre par la négative, serait un phénoménal déni de réalité. Des observateurs peu soucieux d’aller au fond des choses, affirment péremptoirement que l’occident bascule, lentement mais sûrement, vers l’extrême-droite. Or, il n’en va pas ainsi que de l’Occident, et les enjeux ne sont pas que politiques, mais aussi religieux.
Religieux, car aucun autre mouvement politique n’a mieux que ceux de la constellation fascisante et nazi-nostalgique, autant instrumentalisé le fait religieux afin d’installer son autoritarisme. Autant les régimes professant l’athéisme militant, ont fait de cette doctrine un horizon indépassable, autant les régimes copinant avec les religions, utilisent adroitement les croyances pour alimenter l’ignorance de leurs soutiens.
Aux USA, la bigoterie évangélique a tranquillement amené, puis ramené, Donald Trump au pouvoir, le même scénario pouvant se rejouer au Brésil. En Israël, le comportement des extrémistes de droite ultra religieux, est une insulte quotidienne à la mémoire des victimes de la Shoah. Dans le monde dit improprement arabe, l’islam rigoriste est à l’inverse du soufisme, un moyen de stigmatiser l’altérité. En Inde, le Modisme, exact opposé du Ghandisme, instrumentalise l’hindouisme. Idem en Russie pour le poutinisme, dont le Patriarche Kyrill garantit l’orthodoxie.
Qu’en est-il de l’Europe, traditionnellement catholique et protestante, avec un peu d’orthodoxie au sud-est ? Les mêmes vieilles recettes résolument obscurantistes, produisent les mêmes effets particulièrement nocifs. A savoir l’abrutissement et l’asservissement des masses. La fronde des anti-vax de la pandémie de Covid-19, a démontré qu’en France, si les Églises n’ont plus l’emprise d’antan sur les consciences, beaucoup trop de nos concitoyens préfèrent se réfugier dans des croyances alternatives, plutôt que de se fonder sur la science. Quant à la nébuleuse évangélique : ita missa est !
Il est vrai que la science a quelque chose de terriblement décevant, en cela que répondant à une question, elle en pose plein d’autres. Ce qui n’est pas près de rassurer ceux qui ont besoin de toujours plus de certitudes. « Devenir adulte, c’est apprendre à vivre dans le doute et à développer au travers des expériences, sa propre philosophie, sa propre morale », disait l’astrophysicien Hubert Reeves, combattant inlassablement le prêt-à-penser. Or, le point de convergence entre mouvements d’extrême-droite et fondamentalismes religieux, est bien ce besoin totalement immature d’absolues certitudes.
Il suffit d’observer les dernières frasques douanières trumpiennes et le déni lepeniste de ses évidentes malversation, pour comprendre que ces personnages caricaturaux, n’existent qu’en réponse au besoin d’absolues certitudes de leur électorat en croissance permanente. Il est alors évident que les tenants des fondamentalismes religieux, toutes obédiences confondues, ne peuvent que soutenir ces individus car, contrairement à une idée reçue, ce n’est pas le mariage de la carpe et du lapin, mais celui de Dark Vador et Voldemort.
L’obscurantisme progressant dans nos sociétés, touche l’ensemble de la planète, qui ne vit pas le crépuscule des dieux, mais voit poindre l’aube de nouvelles inhumanités. Réduire la progression des extrêmes-droites, à de simples options politiques, revient à se priver d’un hémisphère cérébral. Si nous ne sommes plus au temps de la Conquista, où l’Église bénéficiait de royaux open-bars, les totalitarismes de droite, ont encore et toujours besoin de s’appuyer sur la religiosité, pour s’emparer des consciences.
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