Le mathématicien, le virologue et le variant Delta
Le taux d’incidence du variant Delta du SARS-CoV-2 s’envole au Portugal, mais les chercheurs, dont Óscar Felgueiras et Pedro Simas, gardent les pieds sur terre.
(Jean-Marc Claus) – Selon Óscar Felgueiras, chercheur à l’Université de Porto spécialisé dans l’analyse mathématique des épidémies, le Portugal pourrait devenir l’un des pays européens à l’incidence la plus élevée, en raison de la présence du variant Delta du SARS-CoV-2 sur son territoire. Mi-juin, il annonçait une évolution très rapide, sur une durée de deux semaines, pour qu’en Europe, le Portugal soit largement devant tous les autres pays.
Une information sensationnelle, propre à faire les choux gras de tous les antivax, qui par nature, ne veulent aborder la question que sous l’angle de leurs croyances et convictions. Or, la science n’est pas une affaire de croyance(s), et si un minimum de conviction aide à persévérer dans un travail de recherche, il ne s’exonère pas de la prise en compte d’analyses contradictoires.
Ainsi, Óscar Felgueiras, présenté l’an dernier par l’Université de Porto comme « le mathématicien qui prend le pouls de la pandémie », ajoute-t-il tranquillement à son propos qu’avec l’effet de la vaccination, l’impact de cette augmentation de l’incidence, sera très probablement plus faible que par le passé en termes d’hospitalisations et de décès. Probablement, car il s’agit d’une hypothèse à forte probabilité basée sur des données scientifiques, mais comme toute hypothèse, elle demande à être validée par l‘expérience.
Nous sommes là très loin des déclarations ex-cathedra de certains virologues français. Dans la même veine, il souligne l’importance de conjuguer augmentation de l’incidence, impact économique et… santé mentale de la population. Óscar Felgueiras met aussi l’accent sur l’importance du « comportement prophylactique » de ses concitoyens. Ainsi, remontant la chaîne de contamination pour ce variant, les chercheurs sont arrivés à un moment de « super transmission » le 12 mai dans la région de Lisbonne et la Vallée du Tage.
De son côté, le virologue Pedro Simas, de l’Institut de Médecine Moléculaire João Lobo Antunes de la Faculté de Médecine de l’Université de Lisbonne, déclarait aussi mi-juin que jusqu’à cette heure, aucun variant du SARS-CoV-2 n’a brisé l’effet protecteur des vaccins, ces derniers restant très efficaces pour prévenir la survenue des formes graves et/ou mortelles de la maladie. Revenant sur le foyer détecté à Lisbonne et dans la Vallée du Tage, il reconnaît sans difficultés qu’ont été effectivement touchées des personnes ayant bénéficié de leur première dose de vaccin.
Mais là encore, foin des arguties des antivax : processus démarrant avec la première dose, l’immunité n’atteint son point d’orgue qu’après l’injection de la seconde dose et non le jour de son administration. Mieux encore, lorsque les personnes vaccinées rencontrent un variant du virus, leur organisme met à jour son immunité qui devient ainsi plus complète. Mais ceci ne vaut pas autorisation à se vautrer dans le premier cluster venu, sans aucune protection, sous prétexte d’immunité personnelle ou afin de forcer sa mise à jour.
Pedro Simas rappelait également mi-juin, que 43% de la population portugaise avaient bénéficié d’au moins une dose de vaccin, et étaient donc, sauf rares cas particuliers, protégés contre les formes graves et/ou mortelles. Ajouter à cela les 15% d’immunisés naturellement pour avoir développé la maladie sous forme symptomatique ou asymptomatique, le pays en était à 58% de personnes protégées par leur système immunitaire, contre 2 à 3% l’été dernier.
Pleinement conscientes du fait que les virus n’ont pas de nationalité, et surtout ne connaissent pas de frontières, les autorités portugaises travaillent sur un plan de vaccination destiné aux immigrés illégaux. Un choix aux antipodes du nationalisme sanitaire et vaccinal prôné par l’extrême-droite, mais allant totalement dans le sens des argumentaires développées par le mathématicien et le virologue.
Kommentar hinterlassen