Le mobbing ou chasse en meute

Dans l’univers des « open-space », mais aussi au sein d’autres environnements professionnels, une forme de harcèlement collectif peut conduire des salariés au suicide.

L’open-space, un espace pas si ouvert que cela... Foto: Nolich / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – En 1998, la psychiatre française Marie-France Hirigoyen avait publié un ouvrage sur le harcèlement moral, devenu très vite une référence en la matière. Un sujet quelle approfondit, grâce à son travail de chercheuse et de clinicienne de premier plan, et qui donna naissance à six autres ouvrages, dont le dernier publié en 2019, est consacré aux personnalités narcissiques.

Actuellement, une forme de harcèlement au travail nommée « mobbing », est l’objet de plusieurs publications. Là, il ne s’agit plus d’une relation duelle toxique, mais d’un harcèlement psychologique collectif, « to mob » étant le verbe anglais signifiant « agresser ». La chercheuse canadienne Eve Seguin parle même d’extermination concertée d’une cible humaine. Ce à quoi nous devions arriver tôt ou tard, dans une société où le management est, selon le chercheur français Johann Chapoutot, sous influence nazie.

N’attribueront un Point Godwin à cet article, que celles et ceux n’ayant pas recherché la bibliographie de cet universitaire. Le mobbing consiste donc en le ciblage d’un employé, par un petit groupe aux intérêts duquel il nuirait. Nuisance évidemment fantasmée, mais agressions bien réelles, au motif que ce salarié constituerait alors une menace pour l’ensemble de l’organisation. Un scénario bien rôdé, qui s’est joué de nombreuses fois dans l’Histoire de l’Humanité, et se perpétue en changeant juste de cible. Ainsi, ce qui s’est déroulé et se déroule à l’échelle macro-sociale, se joue aussi au niveau micro-social.

Aux mobbeurs instigateurs, s’associent des mobbeurs suiveurs. Les premiers sont souvent à un niveau hiérarchique supérieur à leur victime, et les seconds s’ajoutent sous la pression du groupe qui se constitue progressivement en meute. Il y a donc un processus d’agrégation autour de leaders toxiques. Cela n’a rien à voir avec des conflits interpersonnels ponctuels, car le mobbing se répète dans le temps et il a une dimension collective. Un peu comme si le lynchage régulier d’un membre du groupe, permettrait aux autres de se sentir en sécurité.

Une sécurité toute relative puisque dans la start-up nation, il suffit de traverser la rue afin de s’acheter un sandwich, pour avoir perdu son gagne-pain une fois revenu dans l’open-space. Par ailleurs, dans la dynamique du mobbing, il y a d’abord condamnation de la victime, puis fabrication des preuves censées établir sa culpabilité. Ce qui aboutit à des résultats allant du licenciement au suicide, en passant par les congés maladie récurrents ou la mise au placard, la victime pouvant aussi démissionner ou prendre prématurément sa retraite.

La recherche sur le mobbing n’est pas récente, et jusqu’ici, aucun profil psychologique de victime-type n’a pu être établi. Tant les processus sont clairement identifiés, tant les potentielles victimes ne sont pas identifiables. L’impact du mobbing est multidirectionnel : professionnel bien sûr, mais aussi psychologique, physique et psychosocial. Les auteurs vont jusqu’à dire que le choc post-traumatique vécu par les victimes, est assimilable à celui d’un viol.

Comment réagir lorsqu’on est victime ou témoin de mobbing ? En dehors du fait que chacun a son éthique et ses méthodes, il importe pour les témoins, d’accompagner la victime, car rompre l’isolement qui lui est imposé par le groupe, est déjà un acte de résistance partagée. Par ailleurs, plutôt que de s’attaquer directement aux leaders, amener les suiveurs à reconsidérer points de vue et arguments en les questionnant à leur sujet, peut les conduire à prendre conscience par eux-mêmes qu’ils sont manipulés. Ensuite, il y a les démarches possibles envers la direction et/ou un syndicat et/ou une assistance juridique, mais dans ce domaine, personne ne peut se substituer à la victime.

Lorsqu’on est victime de mobbing, la recherche d’une personne de confiance est capitale. Les traces des échanges toxiques et des doubles-liens doivent être archivées, afin de pouvoir les produire lors d’une démarche auprès de la direction et/ou d’un syndicat et/ou d’une assistance juridique. Le Service de Santé au Travail (SST), est aussi en droit d’intervenir, car il se peut qu’il ait connaissance d’autre cas. Dans une société qui tend à atomiser les groupes humains, la création de réseaux de soutien mutuel, constitue une première réponse appropriée. Quant à passer à l’attaque, les options vont de « L’art de la guerre » de Sun Tzu au « Manuel du Guerrier de la Lumière » de Paulo Coelho…

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