Le Portugal brûle-t-il ?

Désormais sinistres grands classiques de l'été, les feux de forêts embrasant le Portugal, font pourtant de moins en moins la une de l'actualité européenne.

Gigantesques feux de forêt en 2015 dans la région de Monção, au Nord du Portugal, vus depuis l'Espagne. Foto: Constando Estrelas / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Les feux de forêt ravageant chaque été le Portugal, véritables « marronniers » pour les journalistes, font pourtant de moins en moins la une de la presse européenne. Pourtant, avec plus de 3% de sa surface forestière calcinée annuellement, le pays se place en tête des pays européens. Selon un rapport publié conjointement par l’Associação Natureza Portugal (ANP) et le World Wildlife Fund (WWF), avec 17.000 sinistres par an, le Portugal enregistre 35% d’incendies de forêt de plus que l’Espagne qui, elle, compte « seulement » 0,4% de sa surface forestière détruite chaque année. Le feu de forêt constitue donc un risque majeur pour la Péninsule Ibérique, mais différemment destructeur d’un pays à l’autre. Ainsi le Portugal voit-il disparaître annuellement 20% de plus que l’Espagne de sa surface boisée, alors qu’il en compte 80% de moins que sa voisine.

Les principales causes de ces sinistres à répétition sont facilement identifiables : réchauffement général du climat, manque d’entretien de certains espaces boisés et surexploitation d’autres. Ce qui met en péril tant les équipes de secours intervenant dans des situations de crise que les populations locales vivant au cœur ou en périphérie de ces zones, mais aussi l’humanité en général car, comme le souligne le rapport « Um Planeta em Chamas » (Une planète en flammes) dont se fait écho l’agence de presse Lusa, il existe une relation évidente entre la pandémie de Covid-19 et la déforestation causant une perte de biodiversité. La protection des forêts, à travers le monde, étant le meilleur vaccin permettant de résister à la propagation d’agents pathogènes, il s’avère donc important non seulement pour la Péninsule Ibérique, mais aussi pour l’Europe, de préserver les forêts situées au Sud-Ouest du continent. Si l’effet papillon n’est plus à démontrer, il demeure visiblement abstrait pour certains décideurs.

Le très sérieux « Instituto Português do Mar e da Atmosfera » (IPMA) qui suit de près l’évolution de quatre paramètres essentiels, évalue les risques d’incendie et publie une carte mise à jour quotidiennement. C’est ainsi que les municipalités, tant sur la continent qu’à Madère, bénéficient d’une prévision du risque d’incendie qu’elles encourent, sur cinq jours et selon cinq degrés. Suite aux dramatiques incendies de 2017, le Portugal développe une politique de prévention associant le Ministère de l’Intérieur, le Ministère de l’Agriculture, des Forêts et du Développement Rural et le Ministère de l’Environnement. Des obligations de défrichage et d’entretien des abords des zones habitées s’imposent à tous. Leur non-respect peut coûter jusqu’à 5.000€ d’amende aux personnes physiques et 60.000€ aux personnes morales. Cet effort est partagé par l’État qui, suite aux  incendies meurtriers de 2005, a acquis des aéronefs dédiés à la lutte contre les feux de forêt et augmenté son effectif de pompiers.

Mais tous ces moyens, tant de prévention que d’action immédiate, n’ont de sens qu’inclus dans une politique générale et cohérente de gestion des espaces boisés. Ce que le Portugal s’efforce de réaliser, notamment depuis l’arrivée au pouvoir d’António Costa (PS) en 2015, mais nous sommes encore loin du compte, sachant que certaines erreurs du passé ne se corrigent pas au présent en l’espace d’une mandature. Au nombre de ces erreurs figure, comme nous le verrons dans un prochain article, le non-respect de la plantation d’essences traditionnelles endémiques, au profit d’exploitations plus rentables.

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