Le Portugal, eldorado européen du lithium ?

Les gisements de lithium portugais aiguisent bien des appétits.

Les alentours de Boticas, potentiel site minier dédié à la production de lithium. Foto: Vitor Oliveira / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – La demande mondiale ne cessant d’augmenter, tout gisement de minerai contenant du lithium devient une mine d’or. Les réserves potentiellement exploitables du Portugal sont bien loin de celles du Chili, premier producteur mondial. Mais il est le premier producteur européen du précieux métal et possède les plus grands gisements du continent. Important essentiellement du Chili, d’Australie et de Chine 86% du lithium qu’elle utilise, l’Europe pose depuis quelques années, un regard appuyé sur le Portugal. Employé traditionnellement pour la verrerie et la céramique, le lithium portugais coûte 2,5 fois plus cher que celui provenant du Chili, mais aiguise pourtant bien des appétits.

En mai 2019, un mouvement national de protestation a été lancé pour s’opposer à l’exploitation des gisements portugais, notamment ceux de Boticas et Montalegre situés au Nord du pays. Ces régions ayant été reconnues en 2018 comme faisant partie du patrimoine agricole du Portugal, Fernando Queiroga, le maire de Boticas, a déclaré ne pas être prêt à vendre le paysage et le patrimoine pour 120 à 140 emplois forcément temporaires, mais qu’il préfère de loin des emplois durables en tablant sur d’autres atouts de sa commune, notamment son potentiel touristiques.

C’est justement la question du développement durable qui est au centre des débats, l’exploitation du minerai contenant du lithium ayant un impact considérable sur l’environnement. Cratères immenses dont le comblement ne sera jamais conforme à la propagande des compagnies minières, dégagement de poussières toxiques portées au gré des vents inhalées par tout-un-chacun et se déposant n’importe où, consommation phénoménale d’eau douce au détriment de l’agriculture et des populations locales – les enjeux environnementaux sont clairs.

Plusieurs projets d’exploitation sur neuf sites ont été jusqu’ici évoqués au Portugal, dont celui dans la Serra d’Arga au nord-ouest du pays qui a vu des associations portugaises et espagnoles s’associer, pour le contester grâce à un collectif nommé « Lítio Não » créé en 2019. En août 2020, à Montalegre, 150 personnes se sont rassemblées pour une veillée de mise en garde alors que le même jour à Covas do Barroso, dans la municipalité de Barroso, avait lieu une marche intitulée « Não à mina, sim à vida » (« non à la mine, oui à la vie »). Des mobilisations citoyennes non sans incidences sur les choix des politiques, mais jusqu’à quand ?

Les enjeux sont d’importance, car selon la Commission Européenne, l’Europe aura besoin d’ici 2030 de 18 fois plus de lithium qu’actuellement et 60 fois plus à l’horizon 2050. Par ailleurs, les entreprises s’étant déjà proposées pour l’exploitation des gisements, dont la britannique Savannah Lithium Lda, ne sont pas toutes portugaises. Pour le site de Boticas, une consultation publique est prévue au début de cette année. Mais Kadri Simson, la Commissaire Européen à l’Énergie, a déclaré qu’aucune mine à ciel ouvert ne sera créée sans qu’il y ait préalablement une acceptation sociale (sic).

Ce ne sont pas tant les objets connectés, qui nécessitent l’accroissement phénoménal de l’extraction de lithium pour fabriquer leurs mini-batteries, mais les véhicules électriques que l’Europe veut voir se substituer aux véhicules à moteurs thermiques. Or, le Portugal produisant près d’un tiers de son énergie par le solaire, l’éolien et l’hydraulique, risque de voir certaines de ses plus belles régions dévastées par des mines de lithium destinées à fournir de la matière première à des usines de batteries électriques qui ne seront pas forcément implantées sur son territoire.

Sans compter que l’énergie alimentant les batteries des véhicules à moteurs électriques en Europe ne peut être qualifiée majoritairement de propre. De plus, la réglementation européenne exige le recyclage de seulement 50% des batteries lithium-ion (Li-ion). Ce qui pose tout de même problème quand les besoins aux horizons 2030 et 2050 sont tellement importants ! Dans l’immédiat, pour l’extraction du minerai, une solution acceptable pourrait bien venir de Lusorecursos, une entreprise minière portugaise proposant une exploitation souterraine des gisements, avec retraitement de l’eau employée en circuit fermé. Un projet qui a la faveur d’Orlando Alves, maire de Montalegre.

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