Le Portugal, une source d’espoir

Un modèle pour toute l'Europe, le Portugal : trop beau pour être vrai ?

Le quartier d'Alfama, à Lisbonne Foto: Guy Moll / Wikimédia Commons / CC-BY-SA / 2.0int

(MC) – Mais comment font-ils ? Plus de déficit budgétaire ; une excellente croissance, un taux de chômage pas trop élevé. Une politique de relance de la consommation, aux antipodes de ce que demandait Bruxelles en vertu d’une vision sans doute erronée de la sortie de crise, privilégiant l’austérité et les coupes budgétaires. On a connu ce problème en Allemagne : la politique Schäuble n’a porté ses fruits que d’une manière bien relative !

Faut-il donc appliquer les recettes portugaises à d’autres pays en situation difficile ? Il serait savoureux de parler d’un « modèle portugais », après les estimations catastrophistes et souvent méprisantes de Bruxelles sur la situation économique du pays de Camoens et du cabillaud…

Etonnant, vraiment ! Le Portugal pratique une politique exactement contraire à celle que préconisait Bruxelles en 2016. Lisbonne, gouvernée par une coalition de gauche (Parti communiste, écologistes et Bloco de esquerda, qu’on situe à l’extrême-gauche) que mène depuis 2015 Antonio Costa, socialiste, n’a pas réduit ses dépenses publiques ; elle n’a pas non plus flexibilisé les emplois, et encore moins assoupli les droits sociaux des employés salariés. Elle n’a pas davantage ratatiné les protections sociales – au contraire de ce que demandait la Commission européenne. D’où une irritation palpable à Bruxelles : comment donc le gouvernement portugais peut-il atteindre un si beau résultat en piétinant élégamment ses préconisations ? Alors même que l’Espagne, la Grèce et l’Italie qui elles, ont gentiment obéi au professeur pédant, n’ont remporté aucun succès réel dans cette lutte contre le marasme.

En juillet 2016, la Commission européenne reprochait à Lisbonne un « déficit excessif » (4,4 % au lieu des 2,5 % requis). La France, on ne sait pourquoi, ne s’est pas attiré le même reproche, alors que son déficit cette année là était de 3,4%… L’écart s’est creusé, d’ailleurs, puisqu’en 2017, ce déficit atteignait plus de 3 %, tandis que celui du Portugal plafonnait à 1,5 % (en comparaison, l’Espagne n’a pas réussi à descendre en deçà des 4,5%).

Alors que le gouvernement précédent, par sa politique d’austérité, n’a fait qu’enfoncer toujours plus profondément le pays dans la crise sans effets positifs, n’engendrant qu’une augmentation du chômage et paupérisant jeunes et salariés modestes, le gouvernement Costa a rehaussé le SMIC, augmenté les allocations familiales et les retraites, baissé les impôts pour les travailleurs à salaires modestes, donné un coup de frein aux privatisations… L’effet sur le chômage a été assez spectaculaire : de 14,5 % en 2014, on est passé à 9 % en 2017. C’est encore élevé, mais c’est inférieur au taux français, en tout cas… L’effet attendu et espéré en a été une croissance du PIB supérieure à celle de la zone euro (2,5 % contre 1,5%), mais inférieure à l’ensemble de la zone euro (2,5%).

Pourquoi ces étonnants résultats ? A cela, il y a plusieurs raisons, en même temps qu’un point à surveiller attentivement, qui un jour peut s’avérer inquiétant : c’est le fait que la relance effective dépend largement de deux secteurs en plein boom, certes, mais fragiles : le tourisme et l’immobilier. Le deuxième est par essence un domaine propice à toutes les spéculations ; le premier est soumis à des fluctuations : quand le Portugal ne sera plus branché, les touristes qui accourent en masse dans la vieille Lusitanie se tourneront vers d’autres destinations, Waikiki ou Tataouine.

Mais il y a autre chose, et plus rassurant sans doute : c’est que nombre d’industriels évanouis dans les pays d’Europe centrale ou orientale sont revenus récemment au Portugal (textile, chaussures, automobile…) : le Portugal permet de travailler à coûts intéressants, avec un rendement professionnel lui-même généralement de grande qualité. Voilà qui est prometteur pour la décennie à venir.

Le Portugal est un exemple qui fait incliner à l’optimisme : il montre qu’au lieu de tabler sur des prêts (il s’agit toujours de prêts, et jamais d’aides à fonds perdus, on ne le répète pas assez !) du FMI, distribués en même temps que de sévères recommandations à l’austérité, il est possible et fructueux de pratiquer une politique de relance par l’État.

Il est donc nécessaire de se poser la question : pourrait-on mettre en oeuvre une telle politique économique en Espagne, en Italie, en Grèce, et dans les pays à difficultés moindres ? La réponse à cette question n’est ni univoque, ni simple. Mais en tout cas, le Portugal a l’immense mérite de susciter un réel espoir. Ni austérité, ni populisme. Relance.

 

 

 

 

 

 

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