Mémoire vive en Belarus

Ceux qui ignorent, ceux qui veulent oublier, et ceux qui se souviennent.

Le président allemand Frank Walter STEINMEIER Foto: Viet-Hoang Nguyen / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(MC) – Pendant qu’à Bruxelles, les dirigeants européens en pleine euphorie, et parmi eux, la chancelière allemande Angela Merkel, s’entendaient pour créer des camps de concentration pour migrants, le président de la République allemande, Frank Walter Steinmeier, visitait l’ancien camp nazi d’extermination de Maly Trostinec. Il était invité par le président biélorusse, Alexandre Lukashenka.

Certes, les fonctions de chancelier et de président sont différentes : l’un est au charbon, l’autre dans les chrysanthèmes. Et cependant, on éprouve le sentiment puissant que deux conceptions de la politique contemporaine se heurtent, deux héritages différents, même : l’un, dans la lignée de Willy Brandt, porté par le souvenir amer et la responsabilité historique ; l’autre, par le semi-oubli ventru et l’esprit de Munich. Et en même temps, c’est contre les obscénités fascistes de l’AfD que Steinmeier a profilé sa visite, deux jours avant le congrès de ce parti à Augsburg. Il a exprimé sa honte à l’écoute des propos de Gauland, le dirigeant de l’AfD, qui a déclaré voici peu que le nazisme n’était qu’ une « chiure d’oiseau » (ein Vogelschiss) dans les 1000 ans d’histoire de l’Allemagne…

L’objet de la visite était l’inauguration d’un monument commémoratif à Maly Trostinec, en plein coeur du Belarus, tout près de Minsk, la capitale. Maly Trostinec, ce sont des dizaines de milliers d’êtres humains venus d’Autriche et d’Allemagne et massacrés : juifs, résistants, prisonniers de guerre et civils. Hommes, femmes et enfants. Venus en train. Anéantis d’une balle dans la nuque ou asphyxiés dans des camionnettes en forme d’armoire avec les gaz d’échappement. Cela s’est passé entre 1942 et 1944.

Un endroit très peu connu, parce que le Commando spécial 1005 a effacé toute trace en brûlant les cadavres, en broyant leurs os et en répartissant leurs cendres sur ce lieu désert. Le régime stalinien aussi a contribué à l’oubli : il voulait mettre l’accent sur les souffrances de la population civile « locale » davantage que sur les souffrances des juifs et des résistants « étrangers ».

A Maly Trostinec, on avait dressé une tribune, tendu des oeillets rouges, tenu des discours. Le président Steinmeier a dit : « Le pas devient lourd, de plus en plus lourd à mesure qu’on s’approche de l’endroit. Ce qui s’est passé ici a causé de profondes blessures. Ces blessures sont visibles pour tous ceux qui veulent les voir. »

Steinmeier a très bien remis en évidence la nécessité absolue de ne pas oublier que le projet de Paix européen, qui a donné naissance à l’Union Européenne, trouve son origine dans la volonté puissante de réparer les crimes de guerre, les atrocités et les tentatives d’anéantissement.

« Nous ne devons pas oublier, a dit Steinmeier, que la guerre d’anéantissement menée par l’Allemagne avait pour but d’effacer du monde ce pays et les hommes qui y vivaient. Plus profonde mon humilité et ma honte, plus grande ma gratitude à l’égard des gens du Belarus pour leur disposition à la réconciliation. » Et le président a poursuivi en reconnaissant : « Nous avons mis trop longtemps, beaucoup trop longtemps pour reconnaître notre responsabilité. Aujourd’hui, elle consiste en ce que nous devons maintenir vivante la connaissance de ce qui s’est passé ici. Je vous donne aujourd’hui l’assurance que nous continuerons à défendre cette responsabilité, aussi et même contre ceux qui prétendent que le temps l’a effacée. »

Les Biélorusses ont pu admirer la meilleure Allemagne, celle qui se souvient et qui construit la Paix à partir de ce ressouvenir. Cette Allemagne existe de fait.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste