Le procès contre Julian Assange est un show politique

L'ancien ambassadeur britannique en Ouzbékistan, Craig Murray, est observateur du procès d'extradition contre Julian Assange. Son récit du début du procès est ahurissant.

La Justice britannique n'a qu'un but : offrir la tête de Julian Assange aux Américains. Foto: ScS EJ

(KL) – Heureusement qu’il y a encore des personnes non-corrompues comme Craig Murray. Observateur du procès contre Julian Assange, il relate avec précision ce qui se passe à l’intérieur du tribunal « Woolwich Crown Court » ; et il apparaît clairement que ce procès n’est autre qu’un procès-farce, un show politique, une mise en scène pour pouvoir justifier une décision qui a déjà été prise au niveau politique. La Justice britannique, dans ce cas, n’est autre que le bourreau qui exécute ce qui a déjà été décidé à Downing Street 10. Ce procès constitue le dépôt de bilan de la Grande Bretagne comme état de droit.

Le moindre détail dans ce procès est fait pour humilier Julian Assange et pour véhiculer l’image d’un criminel, d’un terroriste – et tout cela pour pouvoir « justifier » à la fin du procès l’extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis où 175 ans de prison l’attendent. Déjà, le procès aurait dû se dérouler devant le tribunal de Westminster, car c’est le tribunal compétent pour les cas où une procédure concerne le gouvernement. Dans le cas de Julian Assange, c’est le gouvernement de Westminster qui a reçu la requête d’extradition des Etats-Unis : donc, c’était à la cour de Westminster que les audiences devraient avoir lieu. Mais le « Woolwich Crown Court » est une annexe de la prison haute sécurité de Belmarsh – pour que la procédure ne puisse pas être invalidée pour vice de forme, on a déplacé les audiences, tout en gardant le personnel de la cour de Westminster. Pourquoi ? Parce que la « Woolwich Crown Court » est une cour anti-terroriste, et la Justice britannique voulait à tout prix véhiculer l’image que Julian Assange puisse être assimilé à un terroriste. Dans cette cour, il n’y a que 16 places pour les observateurs du procès, ce qui permet d’exclure le plus grand nombre d’observateurs du procès.

Dans la salle d’audience, Julian Assange est placé dans un box fermé avec des vitres anti-balles, un traitement généralement réservé aux accusés violents qui représentent un danger concret pour les différents participants à la procédure. Dans son box, Julian Assange, visiblement dans un état extrêmement affaibli, a du mal à suivre les débats. Plusieurs requêtes pour qu’il puisse s’asseoir avec ses avocats, comme tout accusé dans une procédure normale, ont été rejetées, sans qu’une raison particulière n’ait été fournie pour ce refus. Force est de constater que Julian Assange n’est pas traité comme un accusé, mais comme un condamné. Selon ses avocats, sur le chemin entre sa cellule et la salle d’audience, Julian Assange a été fouillé 11 fois et a dû se déshabiller deux fois. A la fin de la première journée d’audience, on lui a pris les documents du procès, le mettant ainsi dans l’impossibilité de préparer l’audience du lendemain.

Les débats sont dirigés par la magistrate Vanessa Baraitser, fidèle marionnette de la patronne de ce procès-farce, la juge Lady Emma Arbuthnot, dont le mari et le fils travaillent directement et indirectement pour l’armée britannique et pire encore, pour les services de sécurité américains. Dans n’importe quel état de droit, la juge aurait dû démissionner de cette procédure pour un conflit d’intérêt des plus évidents. Mais en ce qui concerne Julian Assange, le but n’est pas de lui garantir un procès juste dans les règles de l’art, mais de construire un argumentaire pour justifier une décision politique – la décision d’offrir la tête de Julian Assange aux Américains, comme cadeau pour faciliter les négociations sur un traité de libres échanges entre la Grande Bretagne et les Etats-Unis, traité qui sera vital pour la Grande Bretagne isolée après le Brexit.

Mais le déroulement qui invalide tous les éléments d’une procédure juridique digne d’un état de droit n’est non seulement destiné à humilier Julian Assange, mais il envoie aussi un signal clair au monde – « voilà ce qui attend les lanceurs d’alerte qui chatouillent les grandes nations ! ». On se croirait dans un procès stalinien ou devant le Volksgerichtshof sous le terrible Roland Freisler. Devant cette cour, il s’agit de tout, sauf de justice.

La cour dispose d’expertises qui affirment l’état de santé critique de Julian Assange, qui soulignent que l’homme ne représente aucun danger et qu’il n’est donc pas nécessaire de l’enfermer comme un criminel dangereux dans un box où il ne peut pas suivre les débats. Mais Vanessa Baraitser s’en fiche. Regardez ce que nous pouvons faire aux dissidents. Le pouvoir, c’est nous.

Les grands médias sont installés dans une salle à part où ils peuvent suivre les débats sur des écrans. De temps en temps, on leur fournit des déclarations officielles, sur papier et sous forme de fichier – ainsi, ils peuvent rédiger leurs articles en copier/coller. Peu étonnant que les éléments les plus scandaleux ne paraissent pas dans les grands médias. Et évidemment, tout est organisé pour qu’aucun média ne puisse s’approcher de Julian Assange.

L’avocat qui représente les Etats-Unis, James Lewis, fait des déclarations dont il dit lui-même qu’elles ne s’adressent pas à la cour, mais aux médias. A ce moment-là, Vanessa Baraitser aurait du l’arrêter, car la loi britannique ne prévoit pas de déclarations aux médias au sein d’une procédure. Il est étonnant que la cour ne fasse même pas semblant qu’il ne s’agit pas d’un procès politique, d’un show indigne.

Le message que James Lewis a souhaité passer aux médias était simple. Vous, les grands médias ayant publié les contenus de WikiLeaks, on ne vous reproche rien. Vous pouvez couvrir ce procès sans problème. On ne vous reproche rien. Plus tard dans la journée, James Lewis allait se contredire, en indiquant que la possession de matériel classé « top secret » constitue déjà un crime, autant aux Etats-Unis qu’en Grande Bretagne. Du jamais vu – un avocat qui tente, au cours d’une audience devant une cour britannique, de manipuler les médias pour que ceux-ci ne relatent que les éléments souhaités. Et la cour écoute et laisse faire. Donc, après sa contradiction, l’avocat a annoncé au « Guardian » et au « New York Times » qu’ils pourraient également être inculpés dans le cadre de cette procédure. Et la juge autorise cet avocat à exercer un tel chantage sur la presse. Et pour que la presse comprenne bien, un huissier se dépêche de distribuer la copie de la déclaration de Monsieur Lewis aux médias dans la salle de presse.

Après la distribution de la déclaration de James Lewis et une courte interruption, la magistrate Vanessa Baraitser veut aider le bonhomme à faire passer encore mieux le message aux médias : « Ceci veut certainement dire que les journaux ayant publié les ‘leaks’ de Chelsea Mannings [par le biais de WikiLeaks de Julian Assange] ont également commis un crime ? » Là, l’avocat est pris de court, puisqu’il voulait amadouer les médias en leur faisant croire exactement le contraire. Il bégaye. Il nettoie ses lunettes. Il ajuste son micro. Et finalement, il admet que la loi « 1989 Official Secrets Act » veut dire exactement ça. Déjà la possession de documents secrets constitue un crime. Que les médias s’en souviennent.

Et puisque cette loi existe autant en Grande Bretagne qu’aux Etats-Unis, cela remplit l’une des exigences pour une extradition – le principe de la « double criminalité », c’est à dire que le reproche fait à Julian Assange constitue un crime dans les deux pays. Pour Monsieur Lewis, ceci devrait déjà conclure la procédure. Comme il le dit, Julian Assange est accusé d’un crime qui existe dans la législation des deux pays ; et ce n’est pas la mission de la cour en Grande Bretagne de se pencher sur le fond de l’accusation, ce procès aurait lieu aux Etats-Unis. Bref, donnez-nous le gars, on s’occupe du reste.

Pour la défense, Edward Fitzgerald estime que cette procédure d’extradition pourrait effectivement être clôturée en quelques minutes. Il est tout à fait évident qu’il s’agit d’une procédure à caractère politique ; et selon l’article 4.1 du traité sur les extraditions entre la Grande Bretagne et les USA, toute extradition dans le cadre d’une procédure politique est tout simplement interdite. Madame la juge ne réagit même pas. Pourquoi devrait-elle réagir, d’ailleurs ? Le verdict est déjà tombé avant la première journée de ce procès. La Grande Bretagne, quelques jours après sa sortie de l’Union Européenne, n’est pas seulement en train d’abolir la liberté de la presse, mais en même temps, l’état de droit britannique.

C’est l’Union Européenne qui doit maintenant intervenir avec tous les moyens à sa disposition. Julian Assange doit être libéré et transféré en Europe où plusieurs villes sont prêtes à l’accueillir, comme par exemple Genève. Et l’UE devrait refuser toute négociation avec la Grande Bretagne tant que Julian Assange n’est pas libéré. Il faut agit et vite, car la mise à mort de Julian Assange est déjà programmé entre Londres et Washington. Il est beau, ce nouveau monde…

Avec nos remerciements à Craig Murray qui nous autorise explicitement à reproduire ses observations. Pour lire son compte-rendu de l’ouverture du procès en langue anglaise, CLIQUEZ ICI. Nous recommandons vivement cette lecture.

2 Kommentare zu Le procès contre Julian Assange est un show politique

  1. Cette thèse n’a aucun sens. Assange ne sera pas extradé, même si le tribunal doit utiliser l’alibi de sa mauvaise santé.

    • Eurojournalist(e) // 27. Februar 2020 um 22:49 // Antworten

      Ton commentaire, Gérard, montre que tu crois encore en la bonté des dirigeants politiques. Réveille-toi, ceux qui sont en train de déterminer le destin de Julian Assange, s’appellent Donald Trump et Boris Johnson. Considérant toutes les irrégularités déjà dans la procédure, il faut vraiment fermer les yeux pour ne pas se rendre compte qu’il ne s’agit pas d’une procédure juridique dans un état de droit, mais d’un show dont le verdict est déjà déterminé. Le tribunal sur lequel tu place ta confiance, n’a pas le moindre intention de trouver un “alibi” pour pouvoir empêcher cette extradition. Relis un peu qui est Lady Emma Arbuthnot, la juge qui supervise ce “procès” et ses implications familiales dans le complexe militaire-industriel américain et britannique. Croire en de telles circonstances en l’état de droit britannique, c’est vraiment naïf.

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