Le Projet de loi Macron : social-libéral et autoritaire

Le deuxième volet des réformes sociales macroniennes vient d’être publié. De quoi sera faite la commémoration de Mai 68, que Macron dit souhaiter ?

46 votes LREM auront suffi pour faire voter cette loi... Foto! Benoit-caen / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0int

(M C) – Sans entrer dans les détails, les 65 articles de ce projet, qui couvrent 100 pages, concernent 3 domaines : la réforme de l’assurance-chômage, celle de la formation professionnelle et celle de l’apprentissage. De bonnes intentions, de bonnes idées, et beaucoup d’autoritarisme. Le gouvernement a annoncé d’ailleurs qu’il procéderait par décrets et par ordonnances… Il est vrai que c’est une caractéristique bien française que de vouloir des réformes accomplies sans réformes entreprises – c’est le refrain d’une certaine droite depuis les années 1980, mais c’est aussi l’amère nécessité de la gauche…

Extension et élargissement de l’assurance chômage à davantage de salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants qui ont fait l’objet d’un jugement de liquidation ou d’une procédure de redressement (mais pourquoi à ceux-ci seulement, surtout dans la mesure où cette assurance-chômage ne s’appliquerait qu’aux personnes dans cette population ayant réalisé un bénéfice de 10000 € l’année précédente, mais un indépendant qui réalise un tel bénéfice, ne se trouve pas en état de redressement ou de liquidation… ?); financement, comme on le sait depuis quelques semaines, par une partie de la CSG en lieu et place des cotisations salariales, ce qui fait rouler et tanguer la gauche. Mais aussi renforcement du rôle de l’Etat pour ce qui est de la fixation des indemnisations : l’Etat donnera un cadre assez rigide aux négociations entre syndicats et chefs d’entreprises en cette matière. Très intéressant par ailleurs : le projet prévoit la possibilité d’installation (mais se réalisera-t-elle vraiment ? Nous en doutons quelque peu …) d’un système de bonus-malus pour les cotisations patronales, en vue d’éviter l’abus d ‘embauches par contrats-comètes.

Pour ce qui est du contrôle des chômeurs, confirmation de mesures qui ont fait tinter les oreilles des Français le jour de leur annonce, le 19 mars dernier : la tenue obligatoire d’un journal de bord par le chômeur, pour une durée d’un an, à partir de début juin 2018, et surtout, cerise sur la tarte aux groseilles Macron, responsabilité transférée à l’inénarrable Pôle emploi de la fixation des sanctions contre les méchants chômeurs fainéants comme tout (aujourd’hui, c’est le Père Fouettard-préfet qui brandit son martinet.)

Les deux autres domaines concernés montrent les mêmes caractéristiques : on donne plus de latitude tout en renforçant le rôle de surveillance et de contrainte de l’État. La formation continue bénéficiera d’améliorations qui rapprocheront la France de ce qu’on connaît dans les pays scandinaves depuis le début du XXe siècle, mais une institution publique centralisée y veillera jalousement : elle portera le doux nom de France compétences. Les centres de formation des apprentis pourront ouvrir plus facilement ; mais certaines conditions précises deviendront plus contraignantes.

On s’interrogera aussi, non pas sur la nature de l’intention affichée dans le texte, en sus de sa visée purement législative, ni sur sa sincérité, mais sur l’effectivité de la réalisation des mesures proposées : celles de rendre les fonctionnaires plus mobiles. Dans ce chapitre, une mesure de taille : la conservation des droits à l’avancement, durant une durée maximale de 5 ans, des fonctionnaires en disponibilité pour exercer une autre profession ; et même, voyez-vous cela, la possibilité de prendre en compte cette autre activité professionnelle dans l’octroi d’une promotion.

N’oublions surtout pas que toutes ces mesures doivent s’articuler avec le premier volet des réformes macroniennes, dont le but essentiel et affiché est de donner beaucoup plus de flexibilité aux entreprises. La signification de ces deux volets dépend de celle de leur ensemble.

C’est en comprenant cet ensemble qu’on pourra juger de quoi la célébration de Mai 68 sera sans doute faite, ce beau feu d’artifice que Macron, un peu imprudemment, appelle de ses vœux.

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