Le référendum : outil ou… faux nez de la démocratie ?

Alain Howiller se penche sur la question si le référendum constitue vraiment la « voie royale » de la démocratie…

Des référendums sur toutes les questions ? Cela pourrait tuer la démocratie, disent certains. Foto: Maya-Anaïs Yataghène from Paris, France / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Par Alain Howiller) – Ils n’ont jamais abandonné malgré de nombreux rejets de plaintes, de recours et, surtout, malgré le référendum du 27 novembre 2011 par lequel 58,9% des citoyens du Bade-Wurtemberg ont approuvé le projet (pharaonique selon beaucoup) de construction et d’aménagement de la gare souterraine « Stuttgart 21 ». Le référendum semblait avoir tranché : c’était « oui » au projet. Malgré cela, les opposants ont continué à manifester et ont poursuivi une sorte de « harcèlement juridictionnel » qui vient de trouver un nouvel (et sans doute dernier ?) épilogue devant la « Cour Administrative Suprême » (Bundesverwaltungsgericht). Il s’agissait de la quatrième procédure engagée devant différentes instances de justice pour essayer de bloquer la réalisation (déjà largement engagée !) du projet : cette fois, il s’agissait d’obtenir de la Cour que l’engagement financier de la ville de Stuttgart était contraire à la Constitution. La Cour a donc rejeté le recours !

Le 26 Juin de cette année, les 975.000 électeurs de Loire-Atlantique étaient appelés à approuver (ou non) le projet de construction de l’aéroport dit de « Notre Dame des Landes », en lieu et place de l’aéroport actuel implanté à Nantes… Ce référendum s’inspirait, en fait, de celui organisé autour du projet … « S21 » ! Comme au Bade-Wurtemberg, la réponse a été claire : 55,17% de ceux qui s’étaient déplacés pour voter ont répondu « oui » au projet. Les opposants au projet, dont des centaines occupent toujours le terrain où les installations aéroportuaires devraient être aménagées à partir de cet automne, refusent de se plier au résultat du référendum qualifié de « simple consultation sans obligation d’exécution » ! Ils refusent d’évacuer le terrain occupé et poursuivent les manifestations.

Entre « République du référendum » et « République du sondage ». – Voilà donc deux exemples (il y en aurait tellement d’autres) où les résultats d’un référendum sont contestés par la « minorité » qui refuse de se plier aux décisions prises par la majorité. Exercice-phare qui passe pour être exemplaire dans nos sociétés, le référendum serait-il un « faux nez » de la démocratie ou, au contraire, est-il un « outil » à mettre plus que jamais en valeur ? Aussi bien la « commission » créée par Claude Bartolone, le Président de l’Assemblée Nationale, et présidée par l’historien Michel Winock que le groupe de travail mis en place par le Bundestag (avec des représentants de la CDU, de la CSU, du SPD, des « Verts », de « Die Linke » et du FDP) ont, notamment, recommandé l’utilisation du référendum pour lutter contre l’abstention et la désaffection « des » (et « du ») politique(s) ! (voir notamment eurojournalist.eu des 22 Juin, 12 Août et 7 Octobre 2015). Un sondage Ipsos-Sopra-Steria réalisé pour l’Association « Lire la Société » souligne que près de 60% des sondés estiment qu’il faudrait « prendre beaucoup plus souvent l’avis des gens (référendum, pétitions citoyennes, etc….) »

Défendu, hier, essentiellement par la droite, le référendum a gagné, en France, progressivement la gauche, malgré l’attachement traditionnel de cette dernière à la démocratie représentative et à l’action des corps constitués. Arnaud Montebourg et… Jean Luc Mélenchon se rejoignent pour plaider la cause de la consultation populaire car « quand la démocratie parle et pas la violence, c’est toujours mieux !… ». « Il vaut mieux la république du référendum, que la république des sondages », lance Mélenchon qui rejoint ainsi ceux pour qui la consultation populaire permet de nouer (voire de… renouer !) les liens avec les citoyens dont 70% se sentent ignorés et dont près de 80% se considèrent comme de moins en moins entendus (sondage Ipsos-Sopra-Steria).

En Allemagne aussi ! – D’ailleurs, comme le disaient les « Anciens », ne se réfère-t-on pas constamment au vieil adage : « Vox populi, voix dei » (« voix du peuple, voix de dieu ») : un vieux constat que ne partageaient pas tellement les Grecs (peuple de référence en la matière : du moins dans l’Antiquité !) qui avaient tendance à considérer que la démocratie était faite pour des peuples d’élite et des populations pas trop nombreuses ! Un sondage réalisé auprès des jeunes entre 18 et 25 ans par « l’Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes – ANACE » met en relief que les jeunes sondés Français s’élèvent contre la « politique-spectacle » et plaident eux aussi pour un « recours à la démocratie directe » et au référendum. Celui-ci rendrait la parole au peuple souverain !

On l’a vu en Allemagne aussi, où le recours au référendum est limité et souvent perçu avec méfiance (souvenir de la manière dont Hitler est arrivé au pouvoir « légalement »), le développement de la consultation populaire est considéré comme un moyen de lutter contre la désaffection vis à vis du politique et de faire directement appel au peuple pour qu’il se prononce démocratiquement sur les questions soumises au vote.

Le « Brexit » une innovation inutile ? – La consultation sur le « Brexit » dont le résultat obtenu « démocratiquement » ne saurait faire oublier que le jour même de la publication des résultats, les leaders partisans de la consultation ont avoué que les chiffres qu’ils avaient utilisé pour appuyer le vote en faveur de la sortie de l’Union Européenne étaient faux et qu’ils ne pourraient pas réaliser les réformes qu’ils s’étaient engagés à concrétiser ! Du reste, Boris Johnson, l’ancien maire de Londres, qui est considéré comme celui qui a fait basculer le vote en faveur du Brexit, a du renoncer à se porter candidat à la succession de David Cameron. C’est pourtant cette succession qui était l’enjeu subliminal d’un référendum à propos duquel David Cameron, prenant conscience que du fait du statut particulier négocié par son pays, la Grande Bretagne n’était jamais vraiment entrée dans l’Union Européenne (!), aurait médité sur ce discours de Winston Churchill à la Chambre : « Nous devons nous garder des innovations inutiles, surtout quand elles sont dictées par la logique » (17 Décembre 1942).

Fausse bonne idée pour Dominique Rousseau, Président du Conseil Scientifique de « l’Association Française de Droit Constitutionnel – AFDC ». « Le référendum lorsqu’il est organisé dans le fracas ne répond jamais à la question posée », devait souligner Emmanuel Macron lors d’une conférence devant les étudiants de « Sciences Po ». Les Britanniques ont réagi, comme les Français en d’autres temps (lors du référendum sur la Constitution Européenne notamment), une approche que le député Benoist Apparu, ancien Ministre synthétise ainsi : « Les Français ont tendance à répondre à une autre question, à légitimer ou a délégitimer le pouvoir en place… ».

Cameron / Chirac : un même combat perdu ? – Délégitimer Cameron était l’un des objectifs (atteint !) des partisans du « Brexit », tout comme le 29 Mai 2005 l’un des objectifs des opposants à la Constitution Européenne avait été d’éviter que Jacques Chirac puisse exciper d’une victoire au référendum pour se placer dans la course à un éventuel troisième mandat de Président de la République ! Dans une interview paru dans Le Monde (24 Octobre 2015), le constitutionnaliste Dominique Rousseau souligne : « Avec cette référence au référendum, il y a une volonté de paraître démocrate. Il me semble que c’est une fausse bonne idée dans la mesure où, chez nous, le référendum est toujours mêlé, d’une part de plébiscite ou -au contraire- de rejet de la personne qui pose la question… Le référendum a toutes les apparences de la démocratie, mais en réalité, il renforce la personnalisation du pouvoir… On ne refait pas la démocratie par le référendum, le référendum abîme la démocratie. »

Si le référendum a l’ambition d’opposer des arguments raisonnés ou raisonnables à des arguments venus du cœur voire des tripes, le résultat sera clair car le cœur a des raisons que la raison ne connaît pas ! « Un référendum sur l’Europe ne pourra être gagné que si ceux qui proposeraient une consultation auront réussi à faire aimer à nouveau l’Europe ! » C’est le moment de se souvenir de ce propos de Heiner Geissler, l’ancien secrétaire général de la CDU, ancien médiateur dans le conflit portant sur le projet « Stuttgart 21 » : « En jouant sur la peur, on peut paniquer tout un peuple ! »

La politique : un théâtre de communication. – Alors « outil » ou « faux nez » de la démocratie ? La réponse ne peut qu’être nuancée. Peut-être que le « sauvetage » de la démocratie ne passe pas fondamentalement par la consultation populaire référendaire, mais par la restauration des valeurs de morale et d’éthique, chères à Michel Rocard qui vient de disparaître.

« La politique est devenue un théâtre. Gouverner le pays, c’est une stratégie de communication permanente, sans réalité derrière », a souligné récemment Romain Guibert, auteur de « Ca tiendra bien jusqu’en 2017 ! » (Editions Albin Michel).

Et l’auteur de conclure : « Le combat politique ne sera pas une recherche de programme efficace, mais la recherche du meilleur moyen de se qualifier pour le second tour. Le système est à bout de souffle ! » A chaque citoyen d’apporter sa contribution à la réflexion, mais aussi à l’action pour construire –reconstruire ?- une société à l’image de ses espoirs et de ses convictions. Pour paraphraser un discours célèbre du Général De Gaulle, constatons que : « La route est longue, mais elle est belle. Allons, le départ est donné ! »

3 Kommentare zu Le référendum : outil ou… faux nez de la démocratie ?

  1. Il y a à mon avis erreur sur le referendum de 2005 en France : les citoyens ont bien voté au sujet du projet de constitution plus que sur un improbable 3e mandat de Chirac. Il y a eu un vrai débat (même que notre actuel premier ministre a changé d’avis au cours de ce débat…).

    Mais cet argument permet de dire qu’au fond les français était pour cette constitution et qu’il était de fait tout à fait légitime de faire approuvé par l’assemblée le texte rejeté…

    D’ailleurs, quand un référendum donne le résultat qui était espéré, vous noterez que personne ne considère que les votants n’ont pas répondu à la question et ont été manipulés : Maastricht, quinquennat…

  2. Alain Howiller nous évite bien du travail:il le fait pour nous, en excellent pédagogue. Le journaliste, on savait….

  3. Eurojournalist(e) // 11. Juli 2016 um 17:07 // Antworten

    “Le sondage réalisé par “Ipsos-Steria-Sopra” souligne que prés de 8O% des sondés considèrent qu’ils sont manipulés et qu’un nombre équivalent d’entre eux estime qu’ils ne sont pas entendus ! Si les électeurs de 2005 ont voté en bonne foi, pourquoi vouloir cacher que les principaux animateurs (dont Laurent Fabius et quelques membres du gouvernement actuel qui aujourd’hui
    défendent… l’Union Européenne !) du courant hostile à la constitution
    voulaient empêcher un succès référendaire pour J.Chirac ? Ce dernier
    n’étant plus là, ils ont changé de… position ! Les partisans du “Brexit”
    voulaient pour une large part la peau de David Cameron : ce “trophée”
    ayant été obtenu, ils quittent le navire du Brexit ! Alain Howiller

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