Le RIC – un coup d’Etat permanent

Le noyau dur des Gilets Jaunes ne parle plus beaucoup de progrès social, mais beaucoup plus du Référendum d'Initiative Citoyenne (RIC) – qu'il convient de regarder de plus près.

Le RIC, tel qu'il est proposé, ne serait qu'un instrument permettant aux extrémistes de déstabiliser la France. Foto: Patrice VALATAYU from Bordeaux, France / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(KL) – Ce n’est pas étonnant que les extrémistes qui se sont installés dans les rangs des Gilets Jaunes ne parlent plus beaucoup du progrès social, mais beaucoup plus d’un postulat politique qui est le « Référendum d’initiative citoyenne » (RIC). De leur point de vue, ils ont raison, car le RIC, c’est le coup d’Etat permanent et institutionnalisé, capable de créer un contexte politique favorable aux extrémistes qui continuent par là, leur travail de déstabilisation de la République Française. Or, le RIC, ce n’est pas le niveau supérieur de l’expression démocratique, mais son abolition.

La démocratie, c’est le règne de la volonté du peuple. En théorie. Au moment où la démocratie fut inventée dans la Grèce antique, le monde ne connaissait pas encore les concepts qui allaient, des millénaires plus tard, constituer une véritable menace pour la démocratie – le populisme, les réseaux sociaux et les fake news. Actuellement, les intellos bobos en France se plaisent à applaudir n’importe quelle ânerie qui émane d’une population en colère. Certes, les gars ne s’expriment pas très convenablement, mais c’est tellement authentique, tellement vrai, tellement peuple. Un peu comme lorsque les mêmes bobos contemplent l’art naïf, comme une curiosité que l’on applaudit même quand c’est moche comme la lune.

Mais cette intelligence collective populaire a malheureusement des limites. C’est l’intelligence collective qui s’est laissée berner pour voter en faveur du « Brexit », c’est l’intelligence collective qui a porté des Trump, Erdogan ou Orban au pouvoir, c’est l’intelligence collective qui a rétréci le choix lors des dernières élections présidentielles à Emmanuel Macron et Marine Le Pen, comme si ces deux-là représentaient les meilleurs éléments en France. L’intelligence collective s’arrête là où des populistes la manipulent et la faussent.

Un excellent exemple pour les limites de l’intelligence collective sont les débats autour du « Traité d’Aix-la-Chapelle » qui sera signé aujourd’hui entre la France et l’Allemagne. Un député du Front National (désolé, je ne me suis pas encore fait à la nouvelle appellation, car ce parti ne cherche pas à rassembler, mais à diviser, donc « Front » semble toujours plus adapté…) a lancé sur les réseaux sociaux la fausse information que la France allait céder, dans le cadre de ce traité, l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne. L’écho des ronds-points ne s’est pas fait attendre. Outre un anti-germanisme primaire qui surgissait immédiatement, « le peuple » était révolté et pour cause – on ne cède pas l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne, même si certains autonomistes ne pouvaient pas s’empêcher de commenter « quoique… ». Et évidemment, les ronds-points, dans leur intelligence collective, demandaient immédiatement pourquoi ce traité n’était pas soumis à un RIC, comme dernier rempart avant que ce gouvernement ne vende une partie du Grand Est aux Chleus. Inutile de dire que la communication de ce député FN était fausse de A à Z. Tout comme l’était l’intox diffusée par l’UKIP et les défenseurs du « Brexit » annonçant qu’en cas de « Brexit », le gouvernement britannique pouvait injecter toutes les semaines, 350 millions de livres sterling dans le système de la santé en Grande Bretagne. Tant que nous vivons dans un monde où de fausses informations peuvent circuler librement et être utilisées de manière ciblée pour manipuler la population, le RIC ne serait autre chose qu’un coup d’Etat permanent et institutionnalisé.

Si la démocratie représentative n’a pas bonne presse, cela n’est pas dû au système, mais aux acteurs qui en abusent. Il serait donc plus logique de remplacer ces acteurs, au lieu de remplacer un système par un autre qui, lui, constitue une invitation pour les extrémistes de tout bord d’instaurer des régimes totalitaires et dangereux.

Ceux qui disent que le RIC serait le summum de la démocratie se trompent ou mentent. Le RIC ouvrirait la voie vers des batailles de fake news et les décisions prises par le RIC tel qu’il est proposé, ne seraient que le reflet d’une bataille de fausses informations – celui qui ment le mieux s’imposera lors de ces votations.

Si on souhaite sérieusement augmenter le poids de la voix des citoyens et citoyennes, il convient d’instaurer un système électoral à la proportionnelle, ce que les partis traditionnels ont empêché depuis deux décennies pour garder le système d’alternance droite-gauche qui les arrangeait bien, mais qui a également empêché la modernisation du paysage politique en France, interdisant la montée de nouvelles forces politiques qui elles, seraient le reflet des évolutions sociétales.

Il est temps de se concentrer sur les vrais sujets – comment réaliser de vrais progrès sociaux ? Comment combattre la pauvreté ? Que peut-on proposer aux SDF ? Comment organiser l’accueil de réfugiés ? Comment faire en sorte à ce que les plus démunis puissent vivre plus décemment ? Voilà les questions dont il convient de s’occuper. Donner suite aux tentatives de déstabilisation répétées des extrémistes de tout bord qui abusent du mouvement des Gilets Jaunes, serait une erreur magistrale.

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