Le roi Philippe, dans le temple de la démocratie.

Autres nouvelles du CoE à Strasbourg - Un roi dynastique et un architecte impérissable (Le MuCEM).

Le Sécretaire Général du CoE sait se tenir devant le couple royal belge. Foto: Claude Truong-Ngoc / Eurojournalist(e)

(Par Antoine Spohr / paru aussi chez Mediapart.fr) – Pour la session de printemps de l’APCE (Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe) le programme comporte des interventions, des débats, des résolutions, toujours dans le cadre que se sont fixé les 47 pays membres ( 820 millions de personnes) : l’Etat de droit, les Droits de l’Homme, la Démocratie… et toutes vertus facilitant le vivre ensemble qui restent les plus difficiles à appliquer. Comme à l’accoutumée. Si ce n’est que cette fois (ce n’est pas la première fois) un roi, Philippe, roi des Belges venait livrer sa contribution !

Anecdote : un jeune journaliste américain en a été choqué, considérant cette intervention comme «antinomique». Démocratie et roi, incompatible ? Les institutions et pratiques politiques si différentes aux Etats-Unis, pourraient être compensées par des connaissances historiques plus complètes à défaut d’approfondissement.

Philippe, roi des Belges chef de l’Etat Fédéral. – N’était l’aspect symbolique du titre et de la fonction, le roi des Belges aurait pu très bien siéger, à un niveau élevé bien sûr, comme membre du staff du Conseil de l’Europe. Dans son discours fort convenable et convenu, il a développé les thèmes récurrents du Conseil, sans oublier de les actualiser en fustigeant les attitudes des gouvernements européens dans les migrations souvent tragiques des peuples opprimés et désespérés, confiants dans une Europe accueillante… On sait ce qu’il en est.

A la tribune, au même pupitre où, il y a quelques mois, on avait entendu le Pape François prononcer un discours sans bondieuserie aucune mais avec la notion de dignité transcendante, ignorant toutes les différences, on retrouve dans un registre approchant, le 7e roi des Belges, digne neveu de Baudoin son oncle, le 5e roi.

D’ailleurs certains dévôts réclamaient la canonisation de ce dernier pour l’affirmation solennelle de son catholicisme et son action à travers des fonds caritatifs qu’il a créés et animés. Son frère Albert II et aujourd’hui Philippe poursuivent cette œuvre. Tant mieux.

Philippe a cependant ajouté une notion aujourd’hui plus évidente que jamais -verbatim laconique- : «l’homme est à la fois fait d’autonomie et d’ouverture… libre de toute ingérence extérieure mais ouvert aux autres et au monde… l’atomisation de notre société renforce l’individualisme… d’autre part l’ouverture excessive peut conduire au relativisme».

Bien dit majesté ! Les rois aussi peuvent être des braves types ou du moins s’efforcer d’apparaître comme tel. Anne Brasseur, députée remarquable du Luxembourg -donc voisine de l’invité- et Présidente de l’APCE, a beaucoup apprécié le message. En effet, la plupart des recommandations dans le message du roi Philippe constituent déjà l’essentiel du travail du Conseil de l’Europe. Merci quand même.

Oui, car on y travaille très sérieusement, avec beaucoup de conviction, dans ce palais de l’Europe mais aussi avec des décourageantes déceptions qui ne cessent de s’accumuler.

L’ordre du jour de la session n’invite pas à l’optimisme : les opérations de surveillance massive ; le terrorisme de «l’Etat islamique» ; rapport du sénateur français J-M. Bockel ; sanctions contre la Russie ; discrimination des personnes transgenres en Europe ; retrait d’enfants de leur famille ; drones et exécutions ciblées ; le rapport annuel du commissaire aux droits de l’homme Nils Muznieks ; le fonctionnement de la Cour des Droits de l’Homme…

Une consolation française cependant et autres. – Dans ce contexte, un cocorico devient trop tentant : une juste récompense est accordée au MuCEM, lauréat du prix du Musée 2015 du Conseil de l’Europe.

Sur 42 nommés, 3 musées avaient été retenus et c’est celui de Marseille qui a été choisi par la Commission de la Culture de l’APCE. Hommage donc à l’architecte français au nom et prénom évocateurs de l’Europe réelle, Rudy Ricciotti.

Selon la rapporteuse de la commission du prix, Vesna Marjanocic, députée serbe, ce musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée est inspiré par «un concept original et novateur, situé dans un lieu époustouflant et doté d’une architecture exceptionnelle ; il remplit parfaitement tous les critères du Prix du Musée du Conseil de l’Europe». Il s’agit d’une «Agora contemporaine» ajoute-t-elle.

En récompense, le musée pourra exposer pendant un an une statuette en bronze de Joan Miro (La femme aux beaux seins) avant de la confier pour l’année suivante à un musée élu en 2016. L’œuvre d’art viendra du musée Baksi (Turquie, lauréat 2014) qui l’aura reçu en dépôt du musée de Liverpool (2013) qui l’avait reçu du lauréat de 2012, le musée Rautenstrauch-Joest de Cologne et ainsi de suite en remontant à 1977. Chaque lauréat conserve tout de même un diplôme qui demeure son bien propre.

Le prix de l’Europe 2015 a été décerné aux villes de Dresde en Allemagne et de Vara en Suède. Sont récompensées «des villes qui assurent de manière particulièrement active la promotion de l’idéal européen». La capitale de la Saxe détruite pendant la seconde guerre mondiale comme Coventry qui fut la première à recevoir ce prix, est ainsi félicité pour ses jumelages à 360° et son activité dans le mouvement «plus jamais çà» qui lutte contre toutes les discriminations et la haine raciale, pour la paix et la réconciliation.

Vara est reconnue pour les mêmes raisons mais surtout pour son ouverture vers l’Extrême-Orient : elle a déjà reçu le prix «Ville de l’amitié pour les échanges et la coopération avec la Chine». En revanche, l’attribution de la coupe du monde au Qatar sera remise en question. La FIFA est invitée à procéder à un nouveau vote pour l’attribution de la coupe du monde de football 2022, le vote pour le Qatar ayant été obtenu en échange de «versements illégaux», preuves à l’appui.

Ainsi le Conseil de l’Europe poursuit inlassablement ses missions trop souvent sans être écouté, car il n’a pas de pouvoir exécutif. L’économie prime toutes les autres préoccupations, c’est pourquoi le message du roi des Belges, après tout, est encourageant même pour les démocrates intransigeants.

1 Kommentar zu Le roi Philippe, dans le temple de la démocratie.

  1. Merci pour l’éclairage offert par le Conseil de l’Europe et par un regard attentif sur des événements européens qui se déroulent au coeur historique et battant de l’union, à Strasbourg qui fut aussi candidate au titre de Capitale européenne de la culture pour 2013. Mais, ayant traversé le MuCEM en 2013 précisément, je déplore que cette superbe lanterne magique azurée et nervurée par la Méditerranée ne contienne que des pièces de collection pour la plupart anodines, surannées, au lieu de s’ouvrir résolument sur les autres rivages d’une mer battue de peines (in)humaines !

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