Le scandale de la NSA devient aussi le scandale du BND

Des documents d’Edward Snowden publiés par DER SPIEGEL le prouvent : les services secrets allemands jouent depuis longtemps le jeu de la NSA. Avec zèle.

L'aigle américain sur fond du drapeau allemand - NSA et BND travaillent main dans la main sous le leitmotiv du "Zeitgeist" (l'esprit de l'époque). Quel cynisme. Foto: Public Domain

(KL) – «Il me manque», disait le procureur général fédéral Harald Range, «les preuves pour pouvoir ouvrir une enquête contre la NSA. Il me manque aussi les témoins.» Maintenant, on peut aider le pauvre procureur qui aurait tellement aimé mener une enquête contre les services secrets américains… DER SPIEGEL vient de publier une série de documents d’Edward Snowden qui prouvent l’implication active des services allemands dans les activités de surveillance globale concertées par les Etats-Unis. Vous pourrez consulter l’ensemble de ces documents si vous CLIQUEZ ICI.

Maintenant, il est clair pourquoi le gouvernement allemand fait son possible pour éviter qu’Edward Snowden ne vienne en Allemagne pour être interrogé par la commission d’enquête du Bundestag – il sait trop. Il sait trop sur les activités des services allemands qui selon toute vraisemblance, déployent des activités pour le compte de la NSA qui dépassent une nouvelle fois ce qu’on pensait.

Du boulot en perspective pour Harald Range qui ne pourra plus se cacher derrière sa ligne de défense. Cette ligne de défense comportait des éléments du bon vieux Shakespeare, plus précisément d’Othello. «Je dois voir avant de croire et je dois croire avant de voir.» Version Range : «Je n’ai pas de preuves avant que Snowden n’accepte d’être interrogé par vidéo depuis la Russie, mais je n’interroge Snowden pas avant d’avoir des preuves.» On sent la tactique merkelienne derrière cette attitude. Mais cet argument est désormais caduc.

Aujourd’hui, on sait où et quand la NSA a passé son logiciel d’écoute «XkeyScore» au BND, on connaît maintenant la structure de travail entre la NSA et le BND, on connaît aujourd’hui l’accord signé entre la NSA et le BND (Joint SIGINT), on connaît maintenant l’étendue et le contenu des données transférées par le BND à la NSA – plus rien de devrait arrêter Harald Range d’ouvrir son enquête, car il est aujourd’hui évident que tous deux, la NSA et le BND, ont transgressé la loi allemande par leurs activités.

A une époque où le nationalisme fête son retour inquiètant sur la scène politique, on est en droit de demander l’arrêt immédiat de ces activités. Le système mis en oeuvre par les services secrets américains et européens constitue un instrument d’oppression puissant. Si les Nazis avaient disposé d’un tel outil, il y a de fortes chances à ce qu’ils auraient pu éliminer plus vite toute opposition en Allemagne et dans les pays occupés, il y a même des chances à ce que les Nazis auraient pu gagner la guerre. Les instruments crées par la NSA et ses acolytes ont le potentiel de favoriser l’émergence d’un «fascisme numérique» capable d’éliminer toute opposition en un rien de temps.

Harald Runge et Angela Merkel auront du mal à taire ce scandale. Et la publication des documents par Edward Snowden met les deux dans l’embarras. Les arguments pour refuser un sauf-conduit ou l’asile à Edward Snowden s’écroulent et peu à peu, les Allemands comprennent qu’ils ont voté pour un gouvernement qui lui, ne défend pas les intérêts du peuple allemand, mais seulement ses propres intérêts qui sont assez difficiles à cerner.

Toujours est-il qu’il faut penser à cette situation lors des négociations du TTIP, le traité sur les libres échanges entre les Etats-Unis et l’Europe. Il faut à tout prix éviter ce traité qui donne, unilatéralment, une influence totale des Etats-Unis sur la politique européenne. Les Etats-Unis ne sont plus nos «amis», ils mènent leur politique à eux – leur accorder le contrôle absolu sur l’Europe, comme le souhaitent nos dirigeants européens, serait une erreur historique. Il est grand temps que nous nous réveillons et que nous cessions de voter systématiquement pour ceux qui nous conduisent tout droit dans le mur. L’Europe doit se révolter contre cette évolution qui mène nulle part. Nous avons besoin d’une réforme fondamentale des services secrets devenus «état dans l’état», il faut une réforme fondamentale de la politique européenne, il faut une réforme fondamentale de la politique nationale dans nos pays.

Le mic-mac autour de la présidence de la Commission Européenne ne fait que prouver le mépris de la caste politique vis-à-vis des citoyens. Une seule réponse que le défunt Stéphane Hessel a déjà donné : «Indignez-vous !»

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