Le sommet de Bruxelles a été un échec

La Turquie mène l’Union Européenne par le bout du nez – en se moquant autant des réfugiés syriens que de l’UE. Mais tout le monde fait semblant que c’était un succès. C’est faux.

L'Union Européenne et la Turquie - partenaires ou association de malfaiteurs ?... Foto: (c) European Union 2016 / Source: EP / Arnaud Devillers

(KL) – La communication politique est un art. Malheureusement, c’est aussi le seul art dans lequel excellent les responsables politiques européens qui n’ont pas réussi à développer une position européenne vis-à-vis de la question des réfugiés lundi à Bruxelles. Ce qui ne les a pas empêchés de s’auto-féliciter quant aux «résultats» de ce sommet. Qui ressemblent plus à un dépôt de bilan collectif.

Le grand gagnant de ce sommet de Bruxelles est la Turquie dont le premier ministre Ahmet Dovutoglu a fidèlement exécuté les ordres de son patron Recep Tayyip Erdogan qui lui, est en train de transformer les 2,5 millions de réfugiés syriens qui se trouvent dans son pays en une sorte de «matière première» dans ses négociations avec l’Union Européenne.

La proposition centrale de la Turquie consiste à «troquer» des réfugiés arrivés de manière illégale dans l’Union Européenne (et quel réfugié arrive légalement dans l’Espace Schengen ?) contre des réfugiés se trouvant déjà en Turquie. Un échange «un contre un», avec l’avantage pour l’Union Européenne d’échanger des demandeurs d’asile refusés contre des réfugiés dument enregistrés. Ce qui, mathématiquement, ne réduit en rien l’afflux des réfugiés. La Turquie promet de son côté de renvoyer ces demandeurs d’asile refusés en Europe vers leurs pays d’origine. Autre proposition turque : la mise en œuvre de «zone sécurisées» pour des réfugiés syriens. Est-ce que ces «zones sécurisées» ressembleront aux camps déjà installés ? Personne ne le sait et la Turquie s’est gardée de fournir des précisions.

Déjà plus précis sont les conditions posées par la Turquie. En plus des 3 milliards d’euros déjà promis, Erdogan demande 3 milliards supplémentaires pour ce deal pour la période 2016 à 2018, la libre circulation pour les ressortissants turcs dans l’UE dès le mois de juin et l’Union Européenne est sommée d’ouvrir cinq nouveaux chapitres dans les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE.

Il convient de regarder de plus près pour constater l’échec européen. Considérant que ce «troc» de réfugiés non acceptés dans l’UE contre des réfugiés syriens déjà enregistrés en Turquie, ne réduit pas le nombre de réfugiés arrivant en Europe, les regards se tournent à nouveau vers les pays qui refusent d’accueillir des réfugiés. Qui eux, même dans le cadre d’un tel accord, continuent à camper sur leur position. Si le sommet a soigneusement évité d’aborder la question de la solidarité européenne, le chef du gouvernement hongrois Viktor Orban a déjà fait savoir, bien avant la fin du sommet, qu’il «émettait son véto» contre l’accueil de réfugiés syriens en provenance de la Turquie. Ce qui nous reconduit au point de départ, car même en cas d’accord lors du prochain sommet les 17 et 18 mars, la Hongrie et d’autres pays de l’Europe Centrale refuseront de le mettre en application.

L’Europe va d’un «sommet décisif» au prochain «sommet décisif» – sans trouver de réponse quant à la cohésion européenne. Toutefois, c’est l’Allemagne qui avait insisté pour présenter ce nouvel échec comme un «début de solution» car Angela Merkel, à cinq jours des élections régionales dans trois Länder allemands, ne pouvait pas se permettre de rentrer les mains vides de Bruxelles. Donc, au lieu d’admettre l’impuissance européenne face aux questions liées à l’arrivée des réfugiés, tout le monde s’est efforcé à sourire et à s’assurer mutuellement qu’on se trouve désormais sur une bonne voie.

Il n’en est rien. Outre le fait que l’Union Européenne paiera une fortune à un régime qui malmène des valeurs universelles comme la liberté de la presse ou les Droits de l’Homme, les européens n’ont toujours pas trouvé un terrain d’entente sur la solidarité européenne. Si jamais l’Union devait trouver un accord sur les propositions turques les 17 et 18 mars prochains, on sait déjà que plusieurs pays européens refuseront de le mettre en pratique, ce qui nous renvoie donc au point de départ. Le sommet de Bruxelles ne nous a pas rapproché d’une solution, mais il nous a encore éloigne un peu plus de la cohésion européenne.

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