Le soutien de l’Union Européenne à Erdogan a fonctionné

L'AKP du président turc Recep Tayyip Erdogan a remporté la majorité absolue lors des élections dimanche en Turquie. Les 3 milliards d'euros promis par l'UE auront eu de l'effet.

Il a misé sur un sentiment de nationalisme - 'l'homme fort' de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan. Foto: Prime Minister Office / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(KL) – La stratégie du chaos, du nationalisme et de la répression des médias du président turc Erdogan aura fonctionné à merveille – avec 49,4% des votes, l’AKP gagne la majorité absolue au parlement d’Ankara, et même si cette majorité ne suffira pas pour déclencher la modification de la constitution dont rêvait Erdogan (qui voulait transformer la Turquie en un système présidentiel), cette majorité suffira amplement pour tirer toutes les ficelles avec un premier ministre qui ne sera qu’une marionnette entre les main du tout puissant Erdogan.

Le Parti Républicain du Peuple (CHP) n’obtient que 25,4% des suffrages, le Parti Nationaliste (MHP) 12,0% et le Parti Démocratique des Peuples HDP, communément désigné comme le «parti des Kurdes», dépasse de peu le seuil des 10% et entre au parlement avec 10,7% des votes. Surprenant, dans les fiefs kurdes, le HDP a reculé au détriment de l’AKP – visiblement, les turcs sont fatigués du chaos qui règne dans leur pays et ils ont opté pour le prétendu «homme fort». Pourtant, Erdogan lui-même porte une large part de responsabilité pour la situation de la Turquie, et certains pensent même que ces services aient été impliqués dans l’attentat meurtrier d’Ankara, théorie toutefois loin d’être confirmée – après tout, ce sont ces mêmes services qui sont chargés de l’enquête…

Heureusement pour Erdogan, il y a eu l’Union Européenne et la chancelière allemande Angela Merkel. Déjà lors de sa visite récente en Turquie, Angela Merkel avait promis des milliards à Erdogan si ce dernier gardait les réfugiés syriens dans son pays – proposition confirmée par l’Union Européenne par la suite qui fait de yeux doux à Ankara en ouvrant également des discussions quant à une facilitation d’obtention de visas pour les ressortissants turcs et en relançant les négociations sur une adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Ces promesses étaient exactement ce dont avait besoin Erdogan – en dictant ses conditions à l’UE, il pouvait montrer à ces compatriotes qu’il est actuellement le seul en Turquie capable de jouer un rôle à l’échelle internationale – et puisque les turcs voulaient un «homme fort» – le voilà.

Mais si les résultats des élections dimanche sont clairs, cela ne veut pas dire pour autant que le calme reviendra en Turquie, car la situation n’y a pas changé. Au contraire, personne ne connaît les vrais objectifs d’Erdogan qui a profité de la crise à la frontière syrienne pour relancer les attaques contre les Kurdes. Un haut responsable du CHP l’avait formulé ainsi : «Actuellement, nous comptons plus de prisonniers politiques dans les prisons turques que de terroristes du Daesh». Et pendant que la Turquie se déclare hostile à l’Etat Islamique, le commerce fleurit entre la région frontalière turque et l’Etat Islamique.

La première victime de cette victoire de l’AKP, sera la liberté de la presse. Déjà avant les élections, la police turque avait fermé manu militari deux chaînes de télévision, Bugün TV et Kabeltürk TV, considérées comme critiques vis-à-vis du gouvernement. Encore une de ces actions destinées à montrer aux électeurs turcs qu’Erdogan est déterminé de remettre de l’ordre dans le pays.

L’Union Européenne risque de regretter à la fois son soutien ouvert à Erdogan que la rétention du rapport de la Commission Européenne qui a été gardé sous embargo jusqu’aux élections, pour ne pas amoindrir les chances d’Erdogan d’obtenir cette majorité absolue. Ce rapport fait état d’une dégradation de la situation en Turquie, de graves infractions aux libertés d’expression et de la presse et de violations des Droits de l’Homme. Mais face à l’afflux massif de réfugiés en Europe, l’Union semble prête à pactiser avec le Diable, si nécessaire. A quel point cet exercice est difficile, l’UE s’en rendra compte lors des prochaines négociations concernant le dossier des réfugiés. Il risque d’y avoir des surprises.

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