Le torchon brûle à Madère
De l’actualité des incendies de Madère, souvent traitée par la presse internationale ces derniers jours, émerge de nombreux sujets d’inquiétude, dont un beaucoup moins médiatisé.

(Jean-Marc Claus) – Avant-hier, TF1 Info pointait qu’en une semaine, près de 5% de l’île de Madère ont brûlé. La veille, Euronews annonçait la destruction de 4.400 hectares de forêt. France Info révélait le même jour que l’archipel dispose d’un seul hélicoptère bombardier d’eau. Cet incendie qui s’est déclaré le 14 août, n’est malheureusement pas le premier, car il a eu des précédents, notamment en 2017, 2016, 2012 et 2011. Depuis hier, heureusement, l’incendie semble être sous contrôle, mais en vue des conditions météorologiques, rien ne permet d’exclure qu’il reprenne.
La situation devenant critique, des renforts ont été envoyés du continent et le pays a demandé l’aide de ses partenaires européens. Les dégagements de fumées et les vents violents, ont rendu l’aéroport Cristiano Ronaldo (anciennement Santa Catarina)encore plus difficile d’accès qu’habituellement. Seuls les pilotes ayant validé une formation spécifique y sont agréés, et de nombreux touristes s’y sont alors retrouvés bloqués plus d’une semaine, pour cause d’annulations de vols.
Cette dernière information, reprise par de nombreux médias, était particulièrement « vendeuse », et les choix de son traitement sont autant de signes révélateurs des diverses lignes éditoriales de la presse non-portugaise. A Madère, le syndicat des journalistes de l’archipel dénonçait jeudi 22 août, un climat de pression et de restrictions, relatif à la couverture par les professionnels de l’incendie qui en était à son neuvième jour.
Par exemple, l’annonce de l’activation du Mécanisme Européen de Protection Civile pour l’envoi de deux Canadair, faite par DN/Madeira mercredi 21 août, avait d’abord été démentie par le gouvernement régional, pour quelques heures plus tard la confirmer en la reprenant à son compte. Un simple problème de timing dans le processus de décision, selon le Secrétariat à la Santé et à la Protection Civile.
Mais il y a mieux, car selon le syndicat les journalistes, cameramen et photographes ont eu un accès d’abord interdit, puis après négociation très limité, à la commune de Curral das Freiras, alors qu’un député du JPP (Juntos Pelo Povo), parti issu d’un mouvement citoyen de 2013, a pu y circuler. Un député « em ação de campanha » (en action de campagne), comme le souligne Madeira do Sindicato dos Jornalistas.
La prise de position du syndicat à propos de ces pressions et restrictions étant rapportée par l’agence de presse portugaise LUSA, il n’y a pas lieu de penser que la liberté de la presse soit globalement menacée. Mais il ne faudrait pas pour autant s’imaginer que les journalistes portugais ont la vie facile, car au 5ème congrès de leur profession, qui s’est tenu en janvier dernier à Lisbonne, il était clairement question de crise.
Crise également au niveau des services d’incendie, car selon les statistiques européennes établies par Eurostat selon les données de 21 pays de l’UE, le Portugal est l’un de ceux qui investit le moins dans la lutte contre les incendies. Or, le pays connaît depuis des années de très graves feux de forêt. Le président Marcelo Rebelo de Sousa, toujours très populaire, devrait se rappeler qu’il a gagné sa fameuse popularité, en faisant preuve d’une grande humanité envers les victimes des incendies de 2017.
Rappelons que selon l’analyse qu’André Amaral, chroniqueur à l’Observador, en faisait en 2019, le succès du président portugais, serait non seulement le reflet de ses qualités humaines, mais aussi celui de la volonté de l’élite portugaise de maintenir le statut quo. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », s’exclamait en 2002 un autre président…
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