Le tram Wolfisheim – Vendenheim

Tweet

(Par William Krantzer) – Janvier 2019 débutait une enquête dans la commune de Schiltigheim, lancée par l’Eurométropole (EMS), avec notamment des questions portant sur la manière de circuler, l’utilisation de la gare de Bischheim, celle du vélo comme moyen de déplacement, et bien d’autres questions encore. (1)

Au vu du sujet, on peut s’étonner que le questionnaire se soit limité à la seule ville de Schiltigheim, alors que cette commune n’est jamais que la partie la plus au sud d’une continuité urbaine allant vers le nord jusqu’au début de Hoenheim. Une continuité urbaine avec plus ou moins les mêmes problèmes de circulation et de stationnement.

Pourquoi aussi n’avoir pas fait mention de la possibilité d’un tram à l’ouest de Strasbourg devant relier Wolfisheim à Vendenheim (2), ce vieux serpent de mer qui débouchait en 2011 sur une concertation publique (3) suivie d’un conseil de communauté amené à délibérer sur le bilan et à lancer les études d’avant-projet, puis enfin, d’une autre enquête publique se déroulant en 2013 sur la base de cet avant-projet. Un processus long et sinueux qui se clôturait en 2014 par l’abandon du projet, sous couvert de restrictions budgétaires.En réalité au nom d’intérêts divergents où les stratégies politiques, les conflits de terroir n’étaient jamais bien loin.

Un peu d’histoire – Pour celles et ceux qui s’en souviennent, à l’aube des années 2000 un projet de tram-train voyait le jour : il devait relier Strasbourg à la vallée de la Bruche et au Piémont des Vosges. Dans ce projet, il était aussi question d’un prolongement de la ligne F de tram au delà de la gare centrale de Strasbourg, vers la route des Romains et le quartier de Koenigshoffen (4).

Plus tard, un projet de tram Wolfisheim – Vendenheim faisait son apparition, porté par les écologistes et le mouvement associatif. Repris par les élus, le maire de Strasbourg avançait alors l’hypothèse d’un tramway sur pneus, ce qui avait provoqué un beau tollé dans le monde associatif. Des négociations interminables s’ensuivaient, aboutissant à la mise en œuvre d’une tronçon ouest, jugé prioritaire, avec pour objectif la desserte du quartier de Koenigshoffen.

Dans le feu des discussions, l’hypothèse d’un prolongement de la ligne de tram C depuis la gare centrale n’ayant pas été retenue, cela  entraînait plus ou moins l’abandon du tronçon nord allant vers Schiltigheim/Bischheim. Une décision d’autant mieux acceptée que certains maires du nord de l’Eurométropole (EMS) étaient vent débout contre l’idée d’un tram allant vers le nord. Ainsi Jean-Marie Kutner, ancien maire de Schiltigheim pour qui ce tram était « une erreur pour les schilickois » (5), Jouis-Louis Hoerlé, 1er adjoint à Bischeim affirmant qu’il « est insensé et irréalisable de faire un transport en commun et en site propre sur la route de Brumath » (6) ou encore Gorges Schuler, maire de Reichstett, pourtant « non concerné » par ce projet et qui plaidait, non sans humour, pour la « création d’un tram sur hydroglisseur sur le canal de la Marne au Rhin ». Autant de propos dont on se demande aujourd’hui ce qui avait pu les motiver, si ce n’est celui de pouvoir botter en touche sur la  délicate question de la voiture en ville ??

Un appel d’offres pour une étude portant sur un nouveau tram au nord de l’EMS… – On peut s’étonner de cet appel d’offres (7) mis en ligne le 29 décembre dernier, pour une étude sur un sujet  reprenant plus ou moins le projet de tram Wolfisheim /Vendenheim qui avait été abandonné. Beaucoup ont en effet gardé en mémoire la consultation de janvier/février 2019 organisée par les mêmes services de l’EMS. Une enquête réalisée auprès des habitants de Schiltigheim avec des questions évoquées plus haut… mais dont aucune faisait référence à un tram à l’ouest de cette commune.

Concernant cet appel d’offres, des questions se posent, notamment sur le délai requis de 27 mois pour la réponse. Un timing qui interroge la possible réalisation d’un tram EMS nord à l’échéance de la mandature municipale 2020 – 2026. Un calendrier pour l’heure à surveiller de près et dont l’issue devra beaucoup aux résultats des municipales de mars 2020.

… faisant suite au battage du collectif Montramjytiens et de l’association Col’Schick ? – A défaut d’en savoir plus du côté de la place de l’Etoile, c’est du côté de Col’Schick (8) et Montramjytiens (MTJT) (9) que l’affaire se joue. Deux collectifs à l’œuvre, le premier avec une action circonscrite à la ville de Schiltigheim, le second élargissant la sienne sur Bischheim et au delà. Chacun ayant à cœur de faire valoir la réactivation d’une ligne tram Wolfisheim – Vendenheim, avec toutefois une différence notoire dans le tracé parcourant la cité des Brasseurs. Le collectif MTJT proposant un parcours rectiligne sur la route de Brumath alors que Col’Schick privilégie un autre plus long de 1,2 km, naviguant entre la route de Bischwiller et la route de Brumath.

Les deux arguent de la crise climatique et de la nécessité d’y répondre de façon utile et rapide par des moyens de transport non polluants et peu énergivores. Les deux évoquent aussi, grâce au tram, mais aussi grâce à un maillage serré de transports (bus électriques, navettes, etc) et des pistes cyclables nombreuses et sûres dans les quartiers, la possibilité de désengorger, de dynamiser les communes traversées et celle de rapprocher les quartiers excentrés avec un centre qui courrait sur la route de Bischwiller allant de la place de Haguenau à l’entrée de Hoenheim.

La diffusion de ces deux études a le mérite d’encourager les lecteurs à se préoccuper une fois encore de la nécessité d’un tram à l’ouest, avec cette possibilité offerte cette fois de la comparaison de deux tracés. Une alternative que les divers rapports du GIEC obligent à considérer au delà d’un simple constat prenant en compte le lieu où on habite et la façon dont on vit. Ce qui au final, oblige chacun à s’interroger sur la juste appréciation de ce que doit être l’intérêt collectif et, en conséquence, les projets qui s’y rapportent.

Le tram EMS Nord, un sujet incontournable lors des prochaines municipales ? – Beaucoup voudraient y croire, arguant de la crise climatique pour s’en convaincre. Il est vrai que l’année 2019, troisième année la plus chaude jamais enregistrée en France, a fait vivre de quoi craindre pour l’avenir. Plus de 40 degrés à l’ombre pendant bien des jours, des récoltes perdues, des forêts qui se dessèchent (10) etc, etc. Ailleurs dans le monde, la banquise fondant à vive allure, les déserts qui avancent, les feux en Australie ravageant plus de deux fois la superficie de la Belgique, le dégel du permafrost libérant des quantités phénoménales de dioxyde de carbone de méthane ainsi que du mercure qui contamine les cultures (11).

A énumérer ainsi, la question ne se pose pas. De plus, il y a fort à parier que les listes municipales en lice au nord de l’EMS (et aussi ailleurs) auront à cœur de débattre du sujet, chacune avec ses arguments et les intérêts les accompagnent. Avec, pourquoi pas, la promesse d’être en accord total avec les exigences issues des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat - GIEC – (12)

Questions :

* Est-on sûr pour autant que leurs programmes seront en accord avec les décisions à prendre d’urgence pour nous préserver au mieux de la crise climatique qui s’annonce ?

* Qu’en sera-t-il des promesses de campagne pour celles et ceux parvenus au pouvoir, quand on sait la difficulté d’agir face à des demandes multiples et avec des budgets contraints ?

Là comme ailleurs, c’est dans les détails que le diable se niche, et il faudra plus d’une lecture pour savoir ce qu’il faut en retirer des programmes des uns et des autres.

En quoi sommes-nous responsables ?

Pourquoi s’en cacher, nous sommes dans un moment de transition accélérée de l’histoire de l’humanité, où ce qui est décidé hic et nunc, engage d’une façon ou d’une autre l’avenir de la planète, et avec lui, celui de nos enfants et de leurs descendants.Dans cet ordre de ces choses, et pour en revenir au sujet, l’instauration d’une nouvelle ligne écologique de transport lourd au nord de l’EMS n’est pas à discuter, ici, mais aussi ailleurs dans l’Eurométropole, dès lors que cela s’impose.

Le sens de la responsabilité que chacun porte en soi suppose du courage et une conscience aigüe de la situation, notamment lorsqu’il s’agit de parler finances. Quitte à faire valoir ce grand emprunt que d’aucuns évoquent déjà. Avec une exigence particulière pour les contempteurs des dérives budgétaires : celle de se donner (enfin) la capacité de changer de logiciel et se diriger en faveur des plus values nouvelles qu’offrira sans doute une économie tournée vers des productions respectueuses de l’environnement.

Qu’on se le dise, simple électeur, élu ou aspirant à l’être, sur ce projet précisément, le choix fait par chacun sera déterminant,  en regard de ce qui l’amènera tous les jours de sa vie à se voir dans ce à quoi il aura contribué par son bulletin de vote.

1. strasbourg.eu/demain-comment-bouger-%C3%A0-schiltigheim-
2. france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/sites/regions_france3/files/assets/documents/le_choix_du_fer.pdf
3. dna.fr/edition-de-strasbourg/2011/11/11/tram-sur-pneus-concertation-publique
4. blog.habiterautrement.info/public/Plaquette_tram-train_tram-F.pdf
5. https://www.dna.fr/politique/2012/07/12/une-erreur-pour-les-schilikois
6. dna.fr/edition-de-strasbourg/2012/07/13/le-choc-des-opinions
7. marchesonline.com/appels-offres/avis/projet-de-renforcement-du-reseau-tramway-de-l-agglome/ao-8131311-1
8. colschick.org/wp-content/uploads/2019/10/Une-vision-pour-Schiltigheim-version-publique.pdf
9. montramjtiens.wordpress.com/
10. lepoint.fr/environnement/des-canicules-plus-longues-meme-avec-un-rechauffement-limite-a-2-c-etude-20-08-2019-2330539_1927.php
11. lemonde.fr/climat/video/2018/06/05/pourquoi-la-fonte-du-permafrost-est-une-menace-pour-l-humanite_5309981_1652612.html
12. https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2019/08/2019-PRESS-IPCC-50th-IPCC-Session_fr.pdf