Le virus d’une salutaire prise de conscience ?
Alain Howiller analyse les conséquence du coronavirus au niveau économique.
(Par Alain Howiller) – Alors que l’économie mondiale donnait, quoi qu’on en dise, quelques discrets signes de reprise de la croissance, le coronavirus chinois vient plomber les espoirs des conjoncturistes. Les financiers du G2O réunis à Riyad, en Arabie Saoudite, disaient dans un communiqué s’attendre à une modeste reprise de la croissance mondiale, et le FMI pronostiquait encore récemment un taux de croissance de +3,3%, tandis que les experts de l’Union Européenne partaient d’une estimation à +0,9%. En Allemagne, l’index du climat des affaires créé par l’IFO – Institut für Wirtschaftsforschung lié à l’Université de Munich, enregistrait, après un léger tassement en Janvier, un léger mieux (progression de +1%) au mois de février et tablait sur une progression de +0,2% de croissance au premier trimestre car « le coronavirus avait peu d’influence ! »
Et puis, en quelques jours, avec l’extension du virus qui tend vers une pandémie mondiale, l’ambiance a changé : l’Union Européenne table désormais, au mieux, sur une croissance molle, au pire sur une stabilité à un faible niveau, la directrice du FMI, quant à elle, revoyant ses prévisions à la baisse (autour de +3,1% pour 2020, soit entre -0,1 et -0,2%), souligne : « Nous regardons… les pires scénarios où le virus continue de se propager plus longtemps et ailleurs dans le monde avec des conséquences prolongées sur la croissance. Le Covid-19 représente désormais un risque réel sur la croissance mondiale. » Et Ulrich Wortberg, responsable d’une célèbre banque privée installée à Bielefeld (la « Bankhaus Lampe ») résumait la situation en déclarant : « Il ne faut pas s’attendre à une amélioration générale de la conjoncture : nous risquons de devoir attendre encore longtemps cette amélioration ! »
La situation française menacée – Cette approche souligne, dans sa banalité – pour autant que cela serait encore nécessaire – la place excessive que la Chine a su prendre sur l’échiquier mondial : l’Union Européenne peut-elle accepter une telle dépendance de « l’usine du monde » ? La crise sanitaire aura-t-elle au moins contribué à une nécessaire prise de conscience !
En France, où en 2018 puis en 2019, on avait réussi en dépit des grèves, de la crise des « gilets jaunes » et des manifestations contre la réforme du régime des retraites, à maintenir des taux de croissance du PIB de +1,7 puis de +1,2%, on tablait pour 2020 sur un taux de croissance de +1,1% avec la perspective d’atteindre +1,3% en 2021 puis +1,4% en 2022. La diminution du chômage (autour de 8,1% au niveau national et 7,9% pour la seule métropole), au plus bas depuis 2008, le maintien à un bon niveau de la consommation des ménages (+1,2% en 2019, +0,8% en 2018), la relance des investissements (+3,6% en 2019, +2,8% en 2018), la diminution des défaillances d’entreprises (-5,3%), la progression du pouvoir d’achat (pour 2020, les chefs d’entreprise prévoient des hausses de salaires de l’ordre de +2% en moyenne), expliquent une sorte de « miracle économique français » dans un environnement international peu favorable.
Un ministre qui met en garde – Le virus chinois risque, ici comme ailleurs, de brouiller les cartes et de peser sur une réalité qui paraissait relativement favorable. En sortant du sommet du G20 à Riyad, le ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, constatait : « Le Covid-19 représente désormais un risque réel sur la croissance internationale ». Les spécialistes tablent sur une progression de +0,3% au premier trimestre de cette année (+0,2% attendus en Allemagne ou la croissance avait été de +0,6% en 2019 dans l’espoir de 1,1% pour 2020 et 2021).
Lors d’une conférence de presse, le Vendredi 28 Février, Bruno Le Maire a rappelé qu’il avait avancé, dans un premier temps, alors que le virus ne touchait encore que la Chine, que le coronavirus pourrait se traduire par une diminution de 0,1 de point de croissance. Maintenant que le virus s’étend, le poids réel pourrait être plus lourd, a souligné le Ministre qui se refuse, toutefois, à avancer de nouvelles prévisions. Le Maire en a profité pour mettre en garde contre toute spéculation sur l’impact attendu : il précisera, dès que possible, les prévisions qui s’imposeraient. Qu’en sera-t-il ? Rendez-vous au début du mois d’avril pour juger les résultats d’un premier trimestre qui risque de donner le « tempo économique » pour l’année.
Pour le « Grand Est » et pour l’Alsace, en particulier, l’avenir dépendra, une fois de plus, de l’évolution qu’on constatera sur le plan national, mais aussi, compte tenu des investissements allemands dans la région et du mouvement des travailleurs frontaliers, de l’évolution notée dans l’économie d’Outre-Rhin.
Le poids des multinationales en Alsace. – Dans une récente étude réalisée par l’INSEE et le « Conseil Economique, Social et Environnemental Régional du Grand Est » (CESER), on relève l’importance qu’ont les multinationales dans le secteur géographique analysé : en Alsace et en Moselle, plus particulièrement. 68% des emplois industriels y dépendent d’une multinationale, mais seuls 4% des emplois relèvent d’une multinationale française dont le siège se trouve dans la région. 48% des emplois salariés marchands dépendent de multinationales :52% dans le Bas-Rhin, 47% dans le Haut-Rhin. J’aurais l’occasion d’y revenir.
Et si, en tout état de cause, on s’attend à un fléchissement d’activité dans le Grand Est et en Alsace notamment, la dernière note de conjoncture de la Banque de France relève à propos du secteur industriel qui représente 18,6% de l’emploi : « Poursuite de la baisse des effectifs dans un contexte de diminution de la production. Carnets de commande convenables. Reprise de l’activité industrielle attendue dans les semaines à venir… » Et pour les services marchands (18,2% de l’emploi total dans le Grand Est), la note souligne : « Progression marquée de la demande et des prestations en janvier favorisant la création d’emplois. Prévisions toujours favorables de l’activité et du recrutement. »
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