L’économie en Alsace : une hirondelle qui n’annonce pas encore le printemps !
(Par Alain Howiller) – «L’Alsace a des atouts pour 2015 : la situation financière y est meilleure que celle de la moyenne nationale, on y a relevé une reprise des investissements (supérieure à la moyenne nationale) alimentée par de grosses entreprises souvent étrangères, le crédit y est plus dynamique que dans le reste du pays» – le directeur régional (Strasbourg) de la Banque de France, Philippe Gabarra, concluait ainsi une soirée de chiffres sur la situation économique de l’Alsace. Il parlait devant près de 300 chefs d’entreprise et responsables économiques dans le cadre d’une présentation organisée par son établissement et la chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin (CCI).
Quelques instants auparavant, le Président de la CCI, Jean Luc Heimburger, s’était, lui aussi, risqué à sa petite dose d’optimisme en affirmant : «Notre enquête de conjoncture menée auprès de 1.000 entreprises a souligné que leur taux de satisfaction sur la situation se redresse : 26% des chefs d’entreprise se déclarent plus optimistes contre 22% il y a un an, un nombre important d’entre eux s’attendent à une amélioration de la situation dans les six mois, les chiffres d’affaires, les carnets de commandes, la rentabilité s’améliorent, même si la trésorerie reste tendue et que la situation du secteur Bâtiment/Travaux publics (BTP) inquiète.»
Malgré les atouts : rester prudent ! – «La prudence s’impose malgré tout pour les investissements qui devraient être prioritaires, y compris pour ce qui est des investissements publics. Le statut de Strasbourg Eurométropole passe par le redressement des investissements !» Et le Président de rappeler que : «Les effets positifs des mesures gouvernementales prises en faveur de l’économie n’ont pas encore eu le temps de s’installer, que l’économie bénéficie de taux bancaires bas et que, par ailleurs, elle profite de la baisse du prix de l’énergie et d’une amélioration du rapport entre le dollar et l’euro qui favorise les entreprises exportatrices». Du reste, comme le prévoit l’analyse de conjoncture de la Banque de France, ce sont les estimations de ces dernières qui font progresser de 1,9% l’évolution attendue des chiffres d’affaires pour 2015 !
Avec ces deux interventions, le ton de la soirée était donné : on se voulait plus optimistes, retirant ainsi les leçons tirées des enquêtes régionales mais aussi nationales. Les analyses de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME) indiquent une diminution (le pourcentage reste néanmoins à 53%) de nombre des chefs d’entreprises inquiets quant à l’avenir. L’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) s’attend à une amélioration de la situation : il prévoit une croissance de 0,7% pour 2015, le gouvernement escomptant même 1% – comparé à 1,5% espérée en Allemagne qui «tirerait» la croissance dans la «zone euro» tout comme les USA tirent la croissance mondiale). Le moral des ménages français s’est amélioré et les industriels s’attendent à une progression de leurs investissements de l’ordre de +3%. La situation de l’Allemagne et de la Suisse devrait bénéficier à l’Alsace : «Nous avons la chance que les économies des pays voisins marchent bien et c’est un atout pour le frontalier et le transnational», a commenté à ce propos J.L. Heimburger. L’Alsace a aussi la chance d’avoir une université dont la renommée est servie par trois «Prix Nobel» et près de 20% d’étudiants étrangers sur un total de 45.000 étudiants !
Les potions du pharmacien Coué ! – Mais si l’optimisme paraît cultivé, cela semble relever pour une part de la méthode Coué(1) et, lorsque qu’on creuse les chiffres, on ne peut que se rappeler, malgré des aspects positifs, le vieux dicton populaire qui incite à la prudence et qui rappelle «qu’une hirondelle ne fait pas le printemps !» Du reste, n’est ce pas ce qu’entendait souligner le Directeur Régional de la Banque de France en déclarant : «Sauf à remonter à 1929, jamais une reprise économique n’a été aussi faible après une crise». Et la note de conjoncture de son établissement bancaire de relever pour ce début d’année : «Stabilité de la production industrielle et anticipations de court terme plus favorables. Maintien d’un faible niveau d’activité dans les services, sans perspective d’amélioration à échéance rapprochée. Pour l’industrie alsacienne, l’indicateur du climat des affaires s’établit à 86 contre 89 en Décembre. En France, cet indicateur passe de 97 à 98…».
Pour l’INSEE, les indicateurs restent tous en retrait, sauf -malheureusement- celui du chômage qui a marqué en 2014 une nouvelle progression alignant progressivement -avec un taux de 9,2%- les «taux alsaciens» sur les taux nationaux. On ne s’attend pas encore à un redressement spectaculaire en 2015 : l’Alsace devrait poursuivre sa douloureuse opération de restructuration et de modernisation de son économie qui n’épargnera pas l’emploi. Certains y voient le prix à payer pour l’avenir.
Un secteur «Bâtiment/Travaux Publics» qui inquiète. - A court terme – que laisse entrevoir 2015 ? Les investissements dans l’industrie progresseraient de près de 14% (contre 5,6% en 2014), mais les effectifs risquent de régresser de 1,5% (contre -0,7% en 2014). Dans le BTP, les investissements régresseraient de 11% (contre -4,5% en 2014) et les effectifs reculeraient de 1,6% (contre 1,1% en 2014). Dans les services marchands, les effectifs progresseraient de 0,3% (contre 1,6% en 2014) alors que les investissements baisseraient de 7,8% (contre 10,3% en 2014). Dans ce secteur, qui a donné lieu à un début de mobilisation des investisseurs publics (la Ville et l’Eurométropole ont débloqué des crédits pour soutenir le secteur d’activité), la reprise dépend largement du gel ou non des dépenses publiques. Faut-il pour autant cultiver le pessimisme, spécialité bien française selon les sondages ?
Au delà de la valorisation des atouts de la région que relevaient Philippe Gabarra et Jean Luc Heimburger, les bilans dressés par deux des trois agences de développement économique de la région (ADIRA dans le Bas-Rhin et CAHR dans le Haut-Rhin), soulignent non seulement les efforts déployés par ces deux agences pour faciliter la reprise d’entreprises en difficulté dont il s’agit de sauver les emplois, mais aussi ceux qui débouchent sur des créations de nouvelles entreprises.
La part des agences de développement économique. – En 2014, l’Adira a permis d’éviter la fermeture d’une quinzaine d’entreprises (900 emplois préservés) et la concrétisation d’un peu plus d’une centaine de projets d’implantations (près de 3.000 emplois générés), tandis que le CAHR -qui vient de se donner un nouveau directeur en la personne de Claude Mouquin- a contribué à préserver la vie d’une vingtaine d’entreprises en difficultés (2.300 emplois maintenus) et a facilité une douzaine de créations d’entreprises (avec les projets en cours, 3.000 nouveaux emplois sont en voie de concrétisation). Sans compter l’effet de l’accompagnement de la vie des établissements, assuré par les deux agences (développement d’entreprises, formation et reconversion du personnel, accompagnement social des compressions de personnel).
A l’heure où au sommet de Davos, les investisseurs -notamment américains- ont à nouveau marqué leur intérêt pour s’installer en France, les efforts de l’Alsace, y compris ceux menés sur le «transfrontalier», nourrissent des espoirs : l’Alsace ne baisse pas les bras, même si une… hirondelle… (voir… plus haut !).
(1) Emile Coué (1857/1926) était un pharmacien français, né à Troyes, mort à Nancy, inventeur d’une «méthode» fondée sur l’autosuggestion !
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