Les Autrichiens éliront-ils dimanche le premier président d’extrême-droite ?

Est-ce que cette fois, les Autrichiens réussiront ce qu’ils essayent depuis presque un an – élire un président ? Et est-ce que ce sera le premier président d’extrême-droite ?

Est-ce que Norbert Hofer tirera l'Autriche et l'Europe encore plus vers l'extrême-droite ? Foto: Franz-Johann Morgenbesser, Vienne, Autriche / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Par Alain Howiller) – Certes, avec ce référendum sur un certain nombre de réformes institutionnelles, Matteo Renzi joue son avenir en ce 4 Décembre : mais rares seront, sans doute, les regards qui se tourneront, dimanche, vers Rome et le référendum italien. Ils se tourneront bien plutôt vers Vienne où se jouera une élection présidentielle qui pèsera non seulement sur le sort de la « République alpine », mais marquera un tournant de la politique européenne. C’est en effet en ce 4 Décembre que les électeurs Autrichiens diront s’ils acceptent ou non que leur pays porte à la tête de l’Etat le représentant d’un parti d’extrême-droite. C’est ce qui avait failli arriver le 22 mai dernier lors du deuxième tour d’une élection présidentielle où Norbert Hofer, représentant du « Parti Autrichien de la Liberté (FPÖ) »(!), s’était qualifié pour le deuxième tour avec 35% des voix devant un candidat indépendant, soutenu par les « Verts » qui lui, avait réuni 21% des voix.

Les représentants des deux partis (sociaux-démocrates du SPÖ et conservateurs du ÖVP) qui gouvernent le pays, avaient été… éliminés avec moins de 12% des voix. On semblait devoir s’acheminer, au deuxième tour, vers l’élection de Hofer, un ingénieur aéronautique de 45 ans dont le style lisse et distingué et même une légère claudication due à un accident de parapente semble délivrer un label de respectabilité à un parti dont, pourtant, il est l’idéologue depuis qu’en 2012 il en a rédigé le manifeste !

Une triste « opérette viennoise » ? – Après une campagne acharnée, ce sera finalement le candidat « vert » Alexander van der Bellen, 72 ans, professeur d’économie, fils d’un aristocrate russe et d’une estonienne ayant fuis le stalinisme pour se réfugier en Autriche, qui l’emportera sur le fil à l’issue du deuxième tour de l’élection avec à peine 31.000 voix d’avance (50,3%) ! Une victoire à la Pyrrhus puisque, à la surprise générale, la Cour Constitutionnelle saisie -notamment- par le parti de Hofer annulera le scrutin pour diverses irrégularités à vrai dire assez mineures ! L’annulation créera une situation digne des plus belles opérettes viennoises. Reportée, dans un premier temps, au 2 Octobre, l’élection sera finalement renvoyée à plus tard en raison d’un défaut constatée sur les enveloppes destinées au vote par correspondance : la colle des enveloppes ne tenait pas ! Lorsqu’on sait que le vote par correspondance représente 16,7% !) de la participation électorale, on comprend mieux l’enjeu ! La consultation sera fixée, en fin de compte, au 4 Décembre !

Mais du fait de ces reports, l’Autriche se retrouvait sans président : qu’à cela ne tienne – une « troïka » formée de la Présidente (SPÖ) du Parlement flanquée de ses deux Vice-Présidents (ÖVP et… FPÖ !) assure l’intérim de la présidence en attendant le résultat de la nouvelle consultation : il se trouve que c’est Norbert Hofer qui représente son parti dans la troïka !… Incroyable mais vrai : le candidat à l’élection présidentielle assure déjà, pour certaines manifestations, des fonctions qu’il espère voir confirmées à travers le vote du 4 Décembre !

Quand le Tyrol du Sud italien est revendiqué ! – L’équivoque se poursuit avec cette réalité : le parti social-démocrate SPÖ, qui dirige avec le FPÖ le Burgenland (!), tout en soutenant Van der Bellen, ne fait pas preuve d’une grande agressivité dans la bataille électorale ! Il est vrai qu’il en va de même du parti conservateur ÖVP qui avait déjà dirigé le pays en coalition avec le FPÖ : au point que pendant 7 mois, en 2000, les 14 partenaires (de l’époque) de l’Union Européenne avaient boycotté ce gouvernement de coalition droite/extrême droite ! Est-il étonnant, dès lors, de devoir constater que les sondages (à accueillir avec la prudence qui s’impose désormais !) placent les deux candidats au coude à coude à 50/50, avec une légère dérive vers Hofer ? Relevons, tout de même que sur trois instituts de sondage, un seul donnait van der Bellen gagnant ! Il est vrai qu’un sondage n’est pas l’élection !

Le candidat FPÖ joue, à fond, la carte de la respectabilité : il ne parle plus de provoquer une sortie de l’Autriche de l’Union Européenne (un « Öxit » !), il se prononce pour la destruction de la maison natale d’Hitler à Braunau-Inn (eurojournalist.eu du 21 Octobre), refuse le qualificatif de « néo-nazi ». Malgré cela, lorsqu’on entend, accompagnés par ces claquements de semelles sur un parquet qui résonne, scander « Vorwärts ! Vorwärts ! », on ne peut s’empêcher de se dire : « cela me rappelle quelque chose du passé ! »

Le « Parti de la Liberté » et son candidat -qui comptent selon Hofer sur un « effet Trump anti-élites »- n’ont pourtant pas pris leur distance sur leur revendication de voir organiser un referendum sur l’avenir du Tyrol du Sud italien (depuis 1919) qui devrait réintégrer la « mère-patrie autrichienne ». Le parti veut la mise en place d’un plafond pour l’accueil d’immigrants, prône une économie libérale, réclame une consultation populaire sur l’interdiction du voile islamique et des minarets, souhaite une interdiction de l’immigration en provenance de pays musulmans, exige un « contrat d’intégration » pour les étrangers etc…

L’extrême-droite au pouvoir, mais avec des complices ! – Si les partis autrichiens restent relativement prudents dans la bataille en cours, c’est parce qu’ils redoutent que l’élection éventuelle de Hofer ne conduise ce dernier à nommer le Président de son parti -Heinz Christian Strache (un « dur » bien moins « policé » !) comme premier ministre, voire qu’il anticipe les « élections générales » de 2018 pour dissoudre le Parlement : dans les deux cas, le FPÖ aura besoin de partenaires (comme au Burgenland) !

Car le Président de la République d’Autriche (élu pour 6 ans), qui prendra ses fonctions le 26 Janvier, n’est pas aussi dénué de pouvoirs qu’on le dit : chef des armées, représentant de son pays, il pourrait participer aux sommets européens en place de son Premier Ministre. Il a des pouvoirs dont celui de préparer l’arrivée au pouvoir de son parti : « Vous allez vous étonner de tout ce qu’il est possible de faire comme président ! », a lancé Norbert Hofer. L’Autriche donc risque d’avoir le premier président d’extrême droite de l’Union Européenne !

Cette dernière -signe des temps ?- ne dit rien et, apparemment, regarde ailleurs. Le pays paye des décennies d’arrangements entre ÖVP et SPÖ, éliminés dès le premier tour de cette présidentielle. Après cette élimination du 24 avril, Volker Kauder, chef du groupe CDU/CSU du Bundestag, a eu ce mot : « En Autriche, les éternelles mêmes grandes coalitions ont fatigué les citoyens. Nous devons éviter que nous arrivions au même résultat en Allemagne. Après les élections de 2017, nous devrions faire en sorte qu’il n’y ait plus de grande coalition chez nous, en Allemagne ! » Vérité en deçà, erreur au-delà ? Rien ne dit que l’Allemagne tirera effectivement les leçons de l’expérience autrichienne. Mais rien ne dit pas non plus que Hofer gagnera ce 4 Décembre : tout dépendra des électeurs autrichiens ! Ont-ils conscience des enjeux véritables qu’ils devront assumer ?

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