Les azuleijos charentais

Dans un château charentais du XIXe siècle, restauré au XXe, une série d’azuleijos de grand format, sont accessibles au visiteur depuis 2013.

Un magnifique château, partiellement restauré. Foto: Lou2607 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Faut-il aller au Portugal pour admirer des azuleijos ? Oui, car c’est là bas qu’il est possible d’en voir le plus et de très beaux. Non, car la technique a essaimé dans d’autres pays d’Europe. Notamment dans le quart sud-ouest de la France, en Charente, dans la commune de Magnac-Lavalette-Villars, où se trouve le Château de la Mercerie.

De style renaissance italienne, construit au XIXe siècle, puis racheté en 1924 par Raymond et Alphonse Réthoré, qu’un accident de la route coûtant la vie à leur frère aîné Alexandre avait unis pour la vie en 1916, ce château jamais achevé, est surnommé le « Versailles Charentais ». Raymond (1901-1986) tombé amoureux des azuleijos portugais au cours de ses voyages, commanda à une des plus grandes faïenceries du Portugal, 32 panneaux monumentaux de 6 m de haut sur 2,60 m de large, reproduisant les chefs d’œuvres des plus grands peintres.

Dans ses projets pharaoniques, il a également créé un arboretum de 50 hectares, dédié aux essences rares collectées lors de ses voyages. Mais dans les années 1970, les finances venant à manquer pour l’achever, l’immense chantier s’arrêta, rendant Alphonse complètement dévasté par le chagrin. Lui, qui avait abandonné ses études de médecine pour se consacrer à l’architecture, voyait son rêve s’effondrer.

L’histoire avait pourtant bien commencé, car à l’achat du château, grâce à la générosité d’un oncle, s’était ajoutée la fortune des deux frères obtenue dans la vente d’appareils de pressing. Mais celle-ci ne dura pas. Raymond eut aussi plusieurs mandats électifs de 1935 à 1978. Il passa du parti radical socialiste au gaullisme, devenant un ami de Charles De Gaulle qu’il accompagna lors de ses voyages en URSS. Il fut également maire de Magnac-Lavalette en 1935.

Alphonse, décédé en 1983, est inhumé dans un pilier du château. Quelques années plus tard, son frère Raymond sentant sa fin venir, tenta de léguer l’édifice à l’Assemblée Nationale qui refusa, tout comme la ville d’Angoulême qui accepta tout de même le 5.000 volumes de la bibliothèque. Il décéda en 1986, et fut inhumé dans un autre pilier du château. Un jour de septembre 1995, un visiteur vint se recueillir devant la sépulture de Raymond, qu’il disait avoir fort bien connu et apprécié. Il s’étonna de l’état de délabrement du château. C’était François Mitterrand, trois mois avant sa mort…

Après plusieurs péripéties, le château fut, en 2011, l’objet d’un bail emphytéotique entre la Foncière Volta et la commune de Magnac-Lavalette. C’est à ce moment-là que les premiers travaux de sauvetage commencèrent. Il fut inscrit à l’inventaire des monuments historiques en 2012, et ouvert au public l’année suivante. Plus de 25.000 visiteurs admirent chaque année, entre autres œuvres d’art, les 32 azuleijos du château.

Provenant de la fabrique d’Aleluia à Aveiro, installés dans les années 1960, ils représentent dans un camaïeu de bleu, les tableaux peints par Claude Gellée dit le Lorrain, Hubert Robert, Eglon van der Neer et Joseph Vernet. Deux panneaux, dont un polychrome, représentent une peinture de Tintoret en 1550, « Suzanne au bain surprise par deux vieillards ». Sont-ce Alphonse et Raymond ?

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