Les chiffres du Green Deal

On a marché sur la Lune

Une mine de lignite près de Leipzig (Saxe) Foto: Sludge G/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Voilà qu’arrive, aujourd’hui, ce que la Commission Européenne avait annoncé l’an dernier : les chiffres concrets, ou supposés tels, du Green Deal européen. Européen ? Oui, parce qu’ailleurs, en Asie et aux Etats-Unis, on voit les choses différemment… Mais à Bruxelles et bientôt, à Strasbourg, la verdisation du sous-continent et sa neutralisation carbonique commencent à prendre corps.

En décembre dernier, la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, a commencé à dessiner publiquement les contours du Green Deal annoncé 6 mois plus tôt. Comme tous les personnages politiques n’ont pas le sens de la formule, Frau von der Leyen a annoncé que ce petit pas pour l’homme serait « le pas sur la Lune des Européens. »

Ne pas avoir le sens de la formule, en l’occurrence, cela revient à laisser scintiller de fâcheuses connotations. Notre pas sur la Lune ? Ou plutôt dans la lune ? Sur une autre planète, les chiffres avancés par la présidente le sont. Pour l’instant, du moins, puisque si le rapport sur le Green Deal avance des chiffres en apparence précis (de l’ordre de 458 milliards d’ici l’ Anno  Domini 2030), nul ne sait encore au juste qui avancera ces sommes et comment elles seront réglées. Il faudra craindre grandement l’effet Realpolitik qui titille l’esprit des dirigeants des Etats depuis une dizaine d’années. Nous ne sommes plus dans les années 1990 et dans leur esprit destructivement utopiste, Ma’âme von der Leyen.

Au cœur de ce projet : un Plan d’investissement dans lequel von der Leyen veut mobiliser un milliard d’euros pour combattre le changement climatique, et cela sur la décennie 2020-2030. S’ajoute à ce noyau, un « Mécanisme pour une reconversion adéquate », qui doit aider puissamment les régions dépendant de l’énergie carbone à restructurer leur économie et leur politique énergétique. Les deux, le Plan d’investissement et le Mécanisme de reconversion, seront discutés cet après midi au Parlement Européen, pour déboucher sur une résolution qui sera présentée demain. 485 milliards d’euros devront être consacrés à cette cause : la plus grande part proviendra du budget pluriannuel qui sera en place de 2021 à 2027. Cela correspond au but fixé, à savoir qu’un quart des futures dépenses devront être versées au profit de la protection climatique. Mais les Etats membres ne sont pas encore informés sur le montant du futur budget pluriannuel…

280 milliards supplémentaires doivent – en principe – provenir de financeurs privés ou publics qui investiraient sous garantie de risques diminués. Comme durant l’époque précédente, sous l’ère Juncker, quand ce procédé un peu complexe a fini par relever de coups de baguette magiques très douteux, et à un vigoureux rappel à l’ordre de la Cour des comptes de l’UE !

La reconversion des régions à charbon posera des problèmes politiques, qu’il est bien sûr nécessaire d’affronter. Notamment face à la Pologne dont le gouvernement populiste, s’il le reste, ne trouvera pas le courage politique nécessaire et poursuivra dans sa démagogie habituelle : l’équation du PiS, c’est : énergies propres égale chômage ! Cette reconversion posera aussi des problèmes financiers, puisque selon les experts, le Fonds de reconversion ne dispose que de 7,5 milliards d’euros issus du budget de l’UE. Alors que le gouvernement allemand à lui seul, qui a fort à faire lui aussi avec ses régions à lignite, annonce qu’il devra dépenser 40 milliards d’euros d’ici 2038 pour mener à bien cette reconversion…

Les Verts européens et les experts indépendants ont pour la plupart exprimé un assentiment mesuré au programme leyénien. Restent deux grands problèmes : le problème évoqué, celui du flou persistant quant au financement, et celui de la distribution des prébendes pour la reconversion de régions à énergie « sale ». Pour les Verts, les fonds ne doivent pas seulement aller aux régions à charbon, mais aussi aux régions industrielles à forte production de CO2.

Les fonds ne doivent évidemment pas aller vers l’énergie nucléaire – et cela pose problème pour des pays comme la Hongrie et la République tchèque, qui en tenaient pour l’énergie nucléaire comme part de l’énergie « mixte » nationale… A cela , Ursula von der Leyen répond que les Etats membres peuvent choisir eux-mêmes leur « mixte énergétique » et donc la part du nucléaire dans cet ensemble. Mais que l’UE ne financera jamais un greenwashing de l’énergie nucléaire. Dont acte. Mais qu’en dira le Conseil des Etats membres ?

Théoriquement, 108 régions charbonnières devraient être concernées par le Fonds de reconversion, soit 237 000 employés. Pour faciliter le changement, il y a nécessité d’adapter les règles d’attribution pour et par chaque Etat membre. Des grandes entreprises pourraient ainsi en profiter, contrairement à ce qui était prévu initialement. Les Verts objectent cependant que ces grandes entreprises pourraient profiter largement de compensations démesurées, alors même qu’elles ont installé le règne de la pollution et des nuisances climatiques…

Espérons donc que ce Green Deal pourra se réaliser, et qu’il représentera un grand pas. Non pas seulement pour les Européens, mais pour l’humanité toute entière.

 

 

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